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08/10/2020 | FRANCE | N°20BX02138

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 08 octobre 2020, 20BX02138


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 22 janvier 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2000529 du 9 avril 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés le 8 juillet 2020 et le 1er août 202...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 22 janvier 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2000529 du 9 avril 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés le 8 juillet 2020 et le 1er août 2020, M. B..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 9 avril 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 22 janvier 2020 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'a retenu le préfet il est entré en France de manière régulière le 5 septembre 2018 ;

- le préfet aurait dû lui accorder un délai de départ volontaire de trente jours dès lors qu'il ne présente pas de risque de fuite ;

- le préfet n'était pas en situation de compétence lié et n'était dès lors pas tenu de prononcer une interdiction de retour d'une durée de deux ans à son encontre ;

- la durée de cette interdiction de retour n'est pas justifiée ;

- cette même décision méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par des mémoires en défense enregistrés les 27 juillet et 18 août 2020, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 juin 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... B..., ressortissant tunisien né en 1984, déclare être entré en France le 5 septembre 2018 muni d'un passeport tunisien en cours de validité revêtu d'un visa touristique. Le 22 janvier 2020, il a été interpellé par la gendarmerie à la suite d'un contrôle routier. Par un arrêté du même jour, le préfet l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire national pendant une durée de deux ans. Par la présente requête M. B... demande à la cour d'annuler le jugement du 9 avril 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ;(...) ".

3. Pour établir qu'il serait entré régulièrement en France pendant la durée de validité de son visa, valable du 24 août au 24 octobre 2018, M. B... produit pour la première fois en appel la copie d'une page d'un passeport revêtue d'un tampon portant la date du 5 septembre 2018. Toutefois, à supposer même que le document ainsi produit soit bien extrait du passeport de M. B..., il est constant que ce dernier s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité, comme le relève le préfet dans son arrêté du 22 janvier 2020. Par suite, M. B... se trouvait dans le cas prévu par les dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où l'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français.

En ce qui concerne la décision de refus d'octroi d'un délai de départ :

4. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au deuxième alinéa de l'article L. 611-3, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 513-4, L. 513-5, L. 552-4, L. 561-1, L. 561-2 et L. 742-2 ; ".

5. Il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal d'audition de M. B..., que l'intéressé s'est maintenu en France en situation irrégulière depuis l'expiration de son visa. De plus, il a refusé de présenter son passeport en cours de validité de sorte que le préfet a pu considérer qu'il ne présentait pas de garanties de représentation suffisantes. Si M. B... fait valoir que c'est à tort que le préfet a retenu qu'il était entré de manière irrégulière en France, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de la décision contestée dès lors que le préfet pouvait refuser de lui accorder un délai de départ volontaire au regard des seuls motifs précités. Par suite, le préfet a pu, à bon droit et sans entacher ses décisions de contradiction, faire application des dispositions précitées et refuser d'accorder un délai de départ volontaire à l'intéressé alors même qu'il a, dans le même temps, décidé de l'assigner à résidence et n'a pas choisi de prendre à son encontre une mesure de rétention.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

6. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".

7. Il résulte de ces dispositions que, lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, il est tenu d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée maximale de trois ans, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. La durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. Le préfet de la Haute-Garonne ayant édicté une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ volontaire, il était tenu d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français. Il ressort des pièces du dossier que la présence de M. B... en France revêt un caractère récent et qu'il s'est maintenu en situation irrégulière pendant toute la durée de son séjour. S'il se prévaut d'une relation avec une ressortissante française avec laquelle il vit depuis le 13 février 2020 et qui attend un enfant, cette relation est postérieure à l'arrêté attaqué. Par ailleurs, si l'intéressé produit neuf bulletins de paye pour les mois d'avril à décembre 2019, cette circonstance n'est pas de nature à caractériser une intégration professionnelle particulière. Dans ces conditions, et malgré l'absence de menace à l'ordre public, le préfet de Haute-Garonne n'a pas commis d'erreur d'appréciation en interdisant à M. B... le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

9. Pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 8, la décision en litige ne méconnait pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Doivent être rejetées par voie de conséquences ses conclusions tendant à l'application de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 10 septembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme D... A..., président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 octobre 2020.

Le président-rapporteur

Marianne A... Le président-assesseur,

Didier Salvi

Le greffier,

Stéphan Triquet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 20BX02138 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20BX02138
Date de la décision : 08/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Marianne HARDY
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : SEIGNALET MAUHOURAT

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-10-08;20bx02138 ?
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