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15/10/2020 | FRANCE | N°20BX01425

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 15 octobre 2020, 20BX01425


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. I... A... G... a demandé au tribunal administratif de Toulouse l'annulation de l'arrêté du 23 juillet 2019 par lequel le préfet du Tarn a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1906884 du 9 avril 2020, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du préfet du Tarn du 23 juillet 2019 et a enjoint à cette autorité de délivrer un titre de séjour " vie privé

e et familiale " ou " salarié " en application des dispositions combinées des articles L....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. I... A... G... a demandé au tribunal administratif de Toulouse l'annulation de l'arrêté du 23 juillet 2019 par lequel le préfet du Tarn a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1906884 du 9 avril 2020, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du préfet du Tarn du 23 juillet 2019 et a enjoint à cette autorité de délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " ou " salarié " en application des dispositions combinées des articles L. 313-14-1, R. 313-2 et R. 313-26 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 avril 2020 sous le n° 20BX01425, le préfet du Tarn demande à la cour d'annuler le jugement du 9 avril 2020 du tribunal administratif de Toulouse et de rejeter la requête de M. A... G... tendant à l'annulation de son arrêté du 23 juillet 2019.

Il soutient que :

- le tribunal a estimé à tort que le simple fait de remplir les conditions de l'article L. 313-14-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile suffisait à lui faire bénéficier d'une régularisation alors qu'il devait également apprécier la situation de l'intéressé au regard des critères issus de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment des éléments de sa vie privée et familiale et de la méconnaissance de trois précédentes mesures d'éloignement ;

- les autres moyens soulevés par M. A... G... devant le tribunal ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 août 2020, M. A... G..., représenté par Me D..., conclut :

- au rejet de la requête ;

- à l'annulation de l'arrêté contesté ;

- à ce qu'il soit enjoint au préfet du Tarn de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " ou " salarié " ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour ;

- à ce qu'il soit mis à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il fait valoir que les moyens invoqués par le préfet ne sont pas fondés.

M. A... G... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n°2020/006807 du 11 juin 2020 du bureau de l'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rey-Bèthbéder, président-rapporteur.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... G..., ressortissant de la République démocratique du Congo, déclare être entré en France le 7 février 2012. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 8 octobre 2012 confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 28 mai 2013. Par un arrêté du 29 juillet 2013, annulé par le tribunal administratif de Toulouse, le préfet du Tarn a refusé sa demande de titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français. Par un arrêté du 17 juin 2014, dont la légalité a été confirmée par un jugement du même tribunal du 18 décembre 2014, puis par la présente cour le 2 juillet 2015, le préfet du Tarn a de nouveau refusé l'admission au séjour de M. A... G... en l'obligeant à quitter le territoire français. Par un arrêté du 23 avril 2018, dont la légalité a été confirmée par le même tribunal, le préfet du Tarn a rejeté une nouvelle demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade et l'a obligé à quitter le territoire français. Par un arrêté du 23 juillet 2019, le préfet du Tarn a rejeté sa demande d'admission exceptionnelle au séjour au titre de son activité dans un organisme de travail solidaire, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Il relève appel du jugement du 9 avril 2020 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 23 juillet 2019.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :

2. Aux termes des dispositions de l'article L. 313-14-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace à l'ordre public et à condition qu'il ne vive pas en état de polygamie, la carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2, à l'étranger accueilli par les organismes mentionnés au premier alinéa de l'article L. 265-1 du code de l'action sociale et des familles qui justifie de trois années d'activité ininterrompue au sein de ce dernier, du caractère réel et sérieux de cette activité et de ses perspectives d'intégration, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État ". Aux termes des dispositions du premier alinéa de l'article L. 265-1 du code de l'action sociale et des familles : " Les organismes assurant l'accueil ainsi que l'hébergement ou le logement de personnes en difficultés et qui ne relèvent pas de l'article L. 312-1 peuvent faire participer ces personnes à des activités d'économie solidaire afin de favoriser leur insertion sociale et professionnelle. ". Aux termes des dispositions de l'article R. 313-25 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application de l'article L. 313-14-1, l'étranger qui sollicite la délivrance de la carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 présente à l'appui de la demande, outre les pièces prévues aux articles R. 313-1 et R. 311-2-2 : / 1° Les pièces justifiant de trois années d'activité ininterrompue au sein de l'organisme, du caractère réel et sérieux de cette activité et de ses perspectives d'intégration ; / 2° Un rapport établi par le responsable de l'organisme d'accueil mentionné au premier alinéa de l'article L. 265-1 du code de l'action sociale et des familles précisant notamment la nature des missions effectuées et leur volume horaire, permettant de justifier de trois années d'activité ininterrompue exercée en son sein, ainsi que du caractère réel et sérieux de cette activité ; ce rapport précise également les perspectives d'intégration de l'intéressé au regard notamment du niveau de langue, des compétences acquises et le cas échéant, de son projet professionnel ainsi que des éléments tirés de la vie privée et familiale ; / 3° S'il est marié et ressortissant d'un État dont la loi autorise la polygamie, une déclaration sur l'honneur selon laquelle il ne vit pas en France en état de polygamie ".

Enfin, les dispositions de l'article R. 313-26 du code précité et issues du même décret disposent également : " Pour l'application de l'article L. 313-14-1, lorsqu'il envisage d'accorder un titre de séjour, le préfet apprécie, au vu des circonstances de l'espèce, s'il délivre la carte de séjour mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour mentionnée au 1° ou au 2° de l'article L. 313-10 ".

3. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger justifie de trois années d'activité ininterrompue dans un organisme de travail solidaire, qu'un rapport soit établi par le responsable de l'organisme d'accueil, qu'il ne vive pas en état de polygamie et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux de cette activité et de ses perspectives d'intégration. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.

4. Il ressort des pièces du dossier, notamment des écritures du préfet, que M. A... G... a présenté, à l'appui de sa demande d'admission exceptionnelle au titre de l'article L. 313-14-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le rapport de M. C... F..., responsable de la communauté Emmaüs d'Albi. Ce dernier fait état de ce que l'intéressé exerce une activité de vendeur en qualité de compagnon de la communauté Emmaüs depuis le 3 septembre 2014, date à laquelle il en a rejoint les membres, qu'il a été nommé référent depuis un an, que l'activité de la communauté débute le mardi matin et se termine le samedi soir, que lui et son épouse perçoivent l'allocation communautaire et que " la compétence, l'assiduité, l'ouverture d'esprit et la gentillesse " de l'intéressé ont amené l'équipe responsable à lui accorder toute leur confiance. En outre, les attestations des responsables de cette communauté ainsi que les attestations de connaissances font valoir que l'intéressé est sérieusement et assidument impliqué dans l'activité de cette communauté depuis le 3 septembre 2014. Il ressort ainsi des pièces du dossier que M. A... G... justifie du caractère réel et sérieux de son activité depuis au moins trois années consécutives. Il justifie également de perspectives d'intégration, eu égard à son niveau de maîtrise de la langue française telle qu'elle ressort des nombreuses attestations et notamment de celle du président de l'association Emmaüs de Villefranche-d'Albi. Par ailleurs, si l'attestation sur l'honneur du 29 août 2019, par laquelle il déclare ne pas vivre en France en état de polygamie, est postérieure à l'arrêté contesté, il ressort des pièces du dossier et notamment de sa demande d'admission au séjour à titre exceptionnel, dans laquelle l'intéressé déclare vivre en couple avec Mme B... E..., que l'intéressé ne vit pas en France en état de polygamie, ce qui, au demeurant, n'est pas contesté par le préfet. Par suite, le préfet ne pouvait fonder un rejet, sans erreur de droit, sur l'absence de motifs exceptionnels ou humanitaires et, sans erreur manifeste d'appréciation, sur les seules circonstances de ce que l'intéressé a été séparé d'avec son épouse et sa fille jusqu'en 2016 et de ce qu'il n'a pas respecté les précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet.

5. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Tarn n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 23 juillet 2019.

6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'État le paiement de la somme de 1 200 euros à verser à Me D..., sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet du Tarn est rejetée.

Article 2 : L'État versera à Me D... la somme de 1 200 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. I... A... G.... Copie en sera adressée au préfet du Tarn.

Délibéré après l'audience du 17 septembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président-rapporteur,

Mme H..., présidente-assesseure,

M. Manuel Bourgeois, premier-conseiller.

Lu en audience publique, le 15 octobre 2020.

La présidente-assesseure,

H...Le président-rapporteur,

Éric Rey-Bèthbéder

La greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

20BX01425


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 20BX01425
Date de la décision : 15/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Eric REY-BETHBEDER
Rapporteur public ?: Mme CHAUVIN
Avocat(s) : DUJARDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-10-15;20bx01425 ?
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