La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/11/2020 | FRANCE | N°18BX02249

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 10 novembre 2020, 18BX02249


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... B... et M. I... B... ont demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 20 octobre 2015 du préfet de la Corrèze portant déclaration d'utilité publique des travaux de prélèvement des eaux et de l'instauration des périmètres de protection autour de la prise d'eau de Couzergues sur la Diège alimentant la commune d'Ussel, ainsi que la décision implicite rejetant leur recours gracieux formé le 13 novembre 2015 à l'encontre de cet arrêté.

Par un jugement n° 1600156 du

26 avril 2018, le tribunal administratif de Limoges a rejeté cette demande.

Procédu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... B... et M. I... B... ont demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 20 octobre 2015 du préfet de la Corrèze portant déclaration d'utilité publique des travaux de prélèvement des eaux et de l'instauration des périmètres de protection autour de la prise d'eau de Couzergues sur la Diège alimentant la commune d'Ussel, ainsi que la décision implicite rejetant leur recours gracieux formé le 13 novembre 2015 à l'encontre de cet arrêté.

Par un jugement n° 1600156 du 26 avril 2018, le tribunal administratif de Limoges a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 juin 2018 et deux mémoires enregistrés les 19 juillet 2019 et 16 septembre 2019, Mme et M. B..., représentés par Me G..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Limoges 26 avril 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 20 octobre 2015 du préfet de la Corrèze portant déclaration d'utilité publique des travaux de prélèvement des eaux et de l'instauration des périmètres de protection autour de la prise d'eau de Couzergues sur la Diège alimentant la commune d'Ussel ainsi que la décision implicite rejetant leur recours gracieux formé le 13 novembre 2015 à l'encontre de cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Ussel et de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise technique sur le site afin de déterminer si l'exploitation agricole de leurs parcelles est susceptible d'entrainer une pollution de la prise d'eau de Couzergues sur la Diège.

Ils soutiennent que :

- ils justifient d'un intérêt à agir pour contester l'arrêté du 20 octobre 2015 dans la mesure où l'exploitation agricole normale des parcelles comprises dans le périmètre de protection rapprochée ne sera plus possible ;

- la parcelle cadastrée section ZN n° 17 ne se situe pas " de part et d'autre du ruisseau de Chassagnac " ;

- les parcelles, situées à 49 mètres d'un ruisseau, lui-même sis à 6.500 mètres en amont de la prise d'eau de Couzergues, ne peuvent pas présenter de risque de pollution pour ladite prise d'eau de Couzergues compte tenu au surplus de leur utilisation comme prairie et de l'absence d'animaux;

- le fossé creusé par la main de l'homme au droit de la parcelle ZN n°17 ne saurait être regardé comme caractérisant l'existence d'un cours d'eau et ne saurait constituer un vecteur de pollution de l'eau de la Diège ;

- l'avis hydrogéologique établi en 2015 ne faisait ressortir que 3 causes de pollution possible sur la prise d'eau de Couzergues, constituées par la gestion de la voie ferrée, les systèmes d'assainissement des eaux usées et l'élevage bovin, or aucune de ces causes ne serait de nature à concerner leurs parcelles ; cet avis n'est pas respecté par le périmètre adopté ;

- dans un rapport d'expertise établi par un expert hydrogéologue, mandaté par leur propre soin, il apparait que le risque de pollution accidentelle de la prise d'eau depuis leurs terrains est faible et ce d'autant plus que leur activité principale est déclarée en agriculture biologique.

Par mémoires en défense enregistrés le 14 septembre 2018 et le 6 septembre 2019, la commune d'Ussel, représentée par Me A..., demande :

-à titre principal, par la voie de l'appel incident, que le jugement du tribunal administratif de Limoges soit réformé en tant qu'il n'a pas rejeté la demande des consorts B... comme irrecevable ;

- à titre subsidiaire, de rejeter la requête comme étant infondée ;

- et, en tout état de cause, à ce que soit mise à la charge des consorts B... le versement d'une somme de 2 000 euros à son profit, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors que les requérants ne justifient pas avoir intérêt à agir contre les décisions en litige ;

- les moyens soulevés par Mme et M. B... ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 22 juillet 2019, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par Mme et M. B... ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité de l'appel incident de la commune d'Ussel dirigé contre les motifs et non le dispositif du jugement.

Un mémoire, en réponse à ce moyen d'ordre public, présenté pour la commune d'Ussel a été enregistré le 30 septembre 2020 et n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. F... E...,

- et les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A l'initiative des services de l'Etat, un projet de régularisation de l'exploitation par la commune d'Ussel de la prise d'eau implantée à Couzergues sur la rivière Diège a été soumis à enquête publique du 23 septembre au 24 octobre 2014. A l'issue de cette enquête, le préfet de la Corrèze a, par un arrêté du 20 octobre 2015, déclaré d'utilité publique les travaux de prélèvement des eaux et l'instauration de périmètres de protection autour du captage de la source de la Diège situé au lieu-dit Couzergues de la commune d'Ussel, a autorisé l'utilisation des eaux de captage pour produire et distribuer de l'eau destinée à la consommation humaine et autorisé l'exploitation de la station de traitement d'eau potable. Mme B... et M. B..., propriétaires indivis des parcelles cadastrées section ZN n° 17 et 61 situées sur le territoire de la commune de Chaveroche, et comprises dans la zone II du périmètre de protection rapprochée défini dans l'arrêté précité du 20 octobre 2015, ont, le 13 novembre 2015, présenté un recours gracieux tendant au retrait de leurs parcelles du zonage ainsi défini. Par courrier du 23 décembre 2015, le préfet de la Corrèze a informé les consorts B... que leur demande concernant le classement de la parcelle ZN n° 17 en zone II du périmètre de protection rapprochée était rejeté mais qu'en revanche leur demande de retrait de la parcelle cadastrée section ZN n° 61 pouvait faire l'objet d'une suite favorable.

2. Par la présente requête, Mme B... et M. B... relèvent appel du jugement du 26 avril 2018, par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté leur demande d'annulation de l'arrêté du 20 octobre 2015 du préfet de la Corrèze déclarant d'utilité publique les travaux de prélèvement des eaux et l'instauration des périmètres de protection autour de la prise d'eau de Couzergues sur la Diège exploité par la commune d'Ussel, ainsi que la décision implicite rejetant leur recours gracieux formé le 13 novembre 2015 à l'encontre de cet arrêté. La commune d'Ussel demande, par la voie de l'appel incident, que le jugement du tribunal administratif de Limoges soit réformé en tant qu'il n'a pas rejeté la requête introductive d'instance des consorts B... comme étant irrecevable pour défaut d'intérêt à agir.

Sur l'appel incident de la commune d'Ussel :

3. Le jugement attaqué étant favorable à la commune d'Ussel, l'appel incident de celle-ci, qui est dirigé contre les motifs du jugement et non contre son dispositif, est irrecevable et doit par suite être rejeté.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Aux termes de l'article L. 1321-2 du code de la santé publique : " En vue d'assurer la protection de la qualité des eaux, l'acte portant déclaration d'utilité publique des travaux de prélèvement d'eau destinée à l'alimentation des collectivités humaines mentionné à l'article L. 215-13 du code de l'environnement détermine autour du point de prélèvement un périmètre de protection immédiate dont les terrains sont à acquérir en pleine propriété, un périmètre de protection rapprochée à l'intérieur duquel peuvent être interdits ou réglementés toutes sortes d'installations, travaux, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols de nature à nuire directement ou indirectement à la qualité des eaux et, le cas échéant, un périmètre de protection éloignée à l'intérieur duquel peuvent être réglementés les installations, travaux, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols et dépôts ci-dessus mentionnés. (...) ". Aux termes de l'article L. 1321-7 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " I. Sans préjudice des dispositions de l'article L. 214-1 du code de l'environnement, est soumise à autorisation du représentant de l'Etat dans le département l'utilisation de l'eau en vue de la consommation humaine (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 1321-13 du même code : " Les périmètres de protection mentionnés à l'article L. 1321-2 pour les prélèvements d'eau destinés à l'alimentation des collectivités humaines peuvent porter sur des terrains disjoints. (...) / A l'intérieur du périmètre de protection rapprochée, sont interdits les travaux, installations, dépôts, ouvrages, aménagements ou occupations des sols susceptibles d'entrainer une pollution de nature à rendre l'eau impropre à la consommation humaine. Les autres travaux, installations, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols peuvent faire l'objet de prescriptions, et sont soumis à une surveillance particulière, prévues dans l'acte déclaratif d'utilité publique. Chaque fois qu'il est nécessaire, le même acte précise que les limites du périmètre de protection rapprochée seront matérialisées et signalées (...) ".

5. L'article 13 de l'arrêté préfectoral du 20 octobre 2015 en litige prévoit l'instauration de périmètres de protection immédiate et de périmètres de protection rapprochée. Ces derniers périmètres, instaurés dans le but principal de prévenir les risques de pollutions accidentelles et ponctuelles et réduire ou supprimer les risques de pollution associés à l'occupation du sol sur les versants, sont divisés en deux zones, I et II. Le secteur de la zone II, dont les limites ont été adaptées, dans la mesure du possible au parcellaire existant est d'une superficie de 120 hectares. Il s'étend, d'une part, sur une bande de 35 à 50 mètres le long de la Diège jusqu'au pont de la route départementale n° 49 au lieu-dit Confolent, d'autre part, sur l'emprise de la voie de chemin de fer et de part et d'autre du ruisseau de Chassagnac et, enfin, sur le vallon du ruisseau de Maschat jusqu'au pont de la route départementale n° 67. Par ailleurs, le I. 13.3 de cet article 13, relatif aux prescriptions applicables sur l'ensemble du périmètre de protection rapprochée, prévoit diverses interdictions et réglementations de l'usage du sol au sein de ce périmètre. Les consorts B... contestent cet arrêté en tant qu'il inclut les parcelles ZN n° 17 et 61, dont ils sont propriétaires, dans le secteur II du périmètre de protection rapprochée.

6. Les requérants soutiennent tout d'abord que le périmètre de protection ne peut être instauré que sur des sols susceptibles d'entrainer une pollution de nature à rendre l'eau impropre à la consommation humaine, ce qui ne serait pas le cas de leur parcelle. Toutefois, Il résulte de l'instruction et notamment des conclusions du commissaire enquêteur et de l'avis d'un hydrogéologue agréé émis en mai 2015 que le ruisseau de Chassagnac situé entre la prise d'eau de Couzergues et un pont ferroviaire exploité par la SNCF, est un vecteur de pollution de la Diège dans la mesure où, longeant sur cinq kilomètres la voie ferroviaire et se jetant dans la Diège, il draine, dans ce cours d'eau, des pesticides utilisés pour l'entretien de la voirie ferroviaire. Mme B... et M. B... soutiennent que la parcelle cadastrée section ZN n° 17 ne se situe pas " de part et d'autre du ruisseau de Chassagnac ". A cet égard ils font valoir que l'eau circulant sur la parcelle ZN 17 ne résulte pas d'un lit naturel d'un cours d'eau mais d'un fossé rectiligne artificiellement créé par la main de l'homme qui ne présente " aucun débit la majeure partie du temps ". Ils ajoutent que leur parcelle, située à 49 mètres d'un ruisseau, lui-même sis à 6.500 mètres en amont de la prise d'eau de Couzergues, ne peut pas présenter de risque de pollution pour la prise d'eau de Couzergues. Toutefois, ces allégations ne sont pas corroborées par les photographies jointes au procès-verbal de constat d'huissier établi le 20 janvier 2016 qui font apparaitre, que les eaux qui circulent sur la parcelle ZN 17 ne circulent pas dans un fossé rectiligne mais au sein d'un cours d'eau sinueux et qu'elles constituent, un débit d'eau non négligeable alimentant le ruisseau de Chassagnac, qui rejoint lui-même la Diège.

7. Mme B... et M. B... soutiennent également qu'il résulte de l'avis hydrogéologique établi en mai 2015 que les causes de pollution possible sur la prise d'eau de Couzergues, sont constituées par la gestion de la voie ferrée, les systèmes d'assainissement des eaux usées et l'abreuvement direct du bétail dans le lit des cours d'eau. Or, ils font valoir qu'aucune de ces causes ne serait de nature à concerner leurs parcelles puisqu'ils y exercent une activité agricole de type biologique qui n'est pas polluante. A cet égard, ils font valoir que dans un rapport d'expertise établi à leur demande en 2018 par un expert hydrogéologue, mandaté par leurs soins, il apparait que le risque de pollution accidentelle de la prise d'eau depuis leurs terrains est faible et ce d'autant plus que leur activité agricole principale est déclarée en agriculture biologique. Cependant, et alors que cette expertise non contradictoire conclut à l'existence d'un risque de pollution accidentelle ponctuelle, même minime, l'instauration d'un périmètre de protection rapprochée a pour objectif de protéger durablement le point de captage de l'eau. Dès lors la circonstance que les terrains des consorts B... soient actuellement exploités dans le cadre d'une agriculture biologique est en tout état de cause, sans influence sur la légalité de l'arrêté en litige.

8. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme B... et M. B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Corrèze du 20 octobre 2015 et de la décision implicite rejetant leur recours gracieux formé le 13 novembre 2015 à l'encontre de cet arrêté. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et celles, subsidiaires, tendant à ce qu'il soit ordonné une expertise doivent également être rejetées. Enfin, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune d'Ussel tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... et de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme H... B..., à M. I... B..., à la commune de Ussel, et au ministre des solidarités et de la santé. Copie en sera adressée au préfet de la Corrèze.

Délibéré après l'audience du 6 octobre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme D... C..., présidente,

M. F... E..., président-assesseur,

M. Stéphane Gueguein, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 10 novembre 2020.

Le rapporteur,

Dominique E...

La présidente,

Evelyne C...

Le greffier,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX02249


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX02249
Date de la décision : 10/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

27-03-01 Eaux. Travaux. Captage des eaux de source.


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Dominique FERRARI
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : CABINET LABROUSSE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 24/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-11-10;18bx02249 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award