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19/11/2020 | FRANCE | N°20BX01300

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 19 novembre 2020, 20BX01300


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté de la préfète de Lot-et-Garonne du 27 juin 2019 portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, détermination du pays de renvoi et interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 1904836 du 8 novembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la co

ur :

Par une requête, enregistrée le 8 avril 2020, M. D..., représenté par Me B..., deman...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté de la préfète de Lot-et-Garonne du 27 juin 2019 portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, détermination du pays de renvoi et interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 1904836 du 8 novembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 avril 2020, M. D..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux du 8 novembre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de Lot-et-Garonne du 27 juin 2019 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de Lot-et-Garonne de procéder à l'effacement de la décision d'interdiction de retour dans le système d'information Schengen ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

M. D... soutient que :

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français,

- il justifie par les documents d'état civil produits de la réalité de son identité et de sa minorité et ne peut dès lors faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en application du 1° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fondée sur le 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'il n'a pas été appréhendé à proximité immédiate d'une frontière intérieure ou extérieure à l'espace Schengen ;

- la décision méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

S'agissant de l'interdiction de retour sur le territoire français,

- elle est insuffisamment motivée, dès lors qu'elle ne fait pas apparaître les quatre critères énoncés par le 8ème alinéa du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- le préfet ne s'est pas livré à un examen réel et sérieux de sa situation, dès lors qu'en qualité de mineur il ne peut faire l'objet d'une interdiction de retour sur le territoire français, et que la décision ne fait pas mention des critères tenant à la menace à l'ordre public et à l'inexécution d'une précédente mesure d'éloignement ;

- la décision est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 octobre 2020, la préfète de Lot-et-Garonne conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par décision du 19 mars 2020, M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F...,

- et les observations de Me B... pour M. A... D....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... D..., de nationalité malienne, est entré en France selon ses dires le 16 mai 2019. Par ordonnance de placement provisoire du 18 juin 2019, le procureur de la République de Rodez a ordonné sa remise au service de l'aide sociale à l'enfance du

Lot-et-Garonne. L'intéressé a été convoqué le 27 juin 2019 à la direction départementale de la sécurité publique de Lot-et-Garonne aux fins de vérification de son identité et le relevé de ses empreintes a révélé qu'il était passé clandestinement par l'Espagne où il avait déclaré être né le 2 juin 2000 et être majeur. Par arrêté du 27 juin 2019, la préfète de Lot-et-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. D... relève appel du jugement du

8 novembre 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / L'étranger mineur de dix-huit ans (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". L'article 47 du code civil dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

4. M. D... a produit devant le premier juge un acte de naissance du

1er novembre 2018 et en appel un jugement supplétif du tribunal civil de Diéma du

13 juillet 2018, lesquels mentionnent comme date de naissance de l'intéressé le

23 février 2003. Cette date est aussi celle que mentionne la carte consulaire délivrée le

10 décembre 2019 par le consulat général du Mali à Lyon. Par ailleurs, M. D... produit une " évaluation sociale de la minorité et de l'isolement ", réalisée le 28 mai 2019 par la direction de l'enfance et de la famille du conseil départemental de l'Aveyron, qui conclut à sa minorité. En se bornant à faire valoir que la présentation des empreintes de l'intéressé aux autorités espagnoles a fait apparaître que ce dernier est connu sous l'identité de Sikou D... né le 2 juin 2000 à Diéma, la préfète de la Haute-Garonne ne renverse pas la présomption d'authenticité attachée aux actes d'état civil par l'article 47 du code civil. Par suite, la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et doit être annulée ainsi que, par voie de conséquence, les décisions fixant le pays de renvoi et portant interdiction de retour sur le territoire français.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Aux termes de l'article R. 511-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les modalités de suppression du signalement d'un étranger effectué au titre d'une décision d'interdiction de retour prise en application du III de l'article L. 511-1 sont celles qui s'appliquent, en vertu de l'article 7 du décret n° 2010-569 du 28 mai 2010, aux cas d'extinction du motif d'inscription au fichier des personnes recherchées (...) ". Aux termes de l'article 7 du décret du 28 mai 2010 mentionné ci-avant : " Les données à caractère personnel enregistrées dans le fichier sont effacées sans délai en cas (...) d'extinction du motif de l'inscription. (...) ".

6. Le présent arrêt implique nécessairement que soit effacé le signalement de

M. D... aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen. Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre à la préfète de Lot-et-Garonne de mettre en oeuvre la procédure d'effacement de ce signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen.

Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

7. M. D... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me B... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me B... de la somme de 1 200 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux du 8 novembre 2019 et l'arrêté de la préfète de Lot-et-Garonne du

27 juin 2019 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la préfète de Lot-et-Garonne de mettre en oeuvre la procédure d'effacement du signalement de M. D... aux fins de non admission dans le système d'information Schengen.

Article 3 : L'État versera à Me B... une somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me B... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée à la préfète de Lot-et-Garonne.

Délibéré après l'audience du 15 octobre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme C... E..., présidente,

Mme G..., présidente-assesseure,

Mme Florence Madelaigue, premier-conseiller.

Lu en audience publique, le 19 novembre 2020.

La rapporteure,

G...La présidente de la cour

Brigitte E...

La greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 20BX01300 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 20BX01300
Date de la décision : 19/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PHEMOLANT
Rapporteur ?: Mme Frédérique MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur public ?: Mme CHAUVIN
Avocat(s) : DA ROS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-11-19;20bx01300 ?
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