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01/12/2020 | FRANCE | N°19BX02772

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 01 décembre 2020, 19BX02772


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 16 octobre 2017 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Bordeaux a confirmé la décision de la commission de discipline du centre de détention de Mauzac en date du 2 octobre 2017 lui infligeant une sanction de mise en cellule disciplinaire pour une durée de huit jours, et de condamner l'État à lui verser une somme de 2 000 euros

en réparation de son préjudice moral.

Par un

jugement n° 1800203 du 30 avril 2019, le tribunal administratif de Bordeaux

a rejeté...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 16 octobre 2017 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Bordeaux a confirmé la décision de la commission de discipline du centre de détention de Mauzac en date du 2 octobre 2017 lui infligeant une sanction de mise en cellule disciplinaire pour une durée de huit jours, et de condamner l'État à lui verser une somme de 2 000 euros

en réparation de son préjudice moral.

Par un jugement n° 1800203 du 30 avril 2019, le tribunal administratif de Bordeaux

a rejeté la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 juin 2019, M. C..., représenté par

Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 30 avril 2019 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler la décision contestée ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 000 euros ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi

du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le compte rendu d'incident rédigé le 12 juillet 2017 ne précisant ni l'identité ni la qualité de son rédacteur, il est impossible de s'assurer que l'auteur de ce compte rendu n'a pas siégé au sein de la commission de discipline du 2 octobre 2017 ;

- il n'a pas été mis à même de vérifier la régularité de la commission de discipline au moment où cette commission a statué ;

- le compte rendu d'incident partiellement anonymisé a été produit postérieurement à la tenue de la commission de discipline, en méconnaissance du principe du contradictoire garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le rapport d'enquête ne comporte pas d'élément sur sa personnalité ; les éléments relatifs à son état de santé auraient été utiles à l'appréhension du contexte dans lequel l'incident a eu lieu ;

- la sanction repose sur une erreur de fait ; le seul témoignage d'un surveillant ne suffit pas à établir la réalité des faits qui lui sont reprochés ;

- les propos dont le compte rendu fait état, s'ils peuvent être désagréables, ne sont pas constitutifs d'une injure et ont été prononcés dans un contexte particulier tenant au refus illégitime de l'administration de lui octroyer l'assistance d'une tierce personne, que son état de santé nécessitait alors ;

- la sanction présente un caractère disproportionné au regard du contexte dans lequel l'incident a eu lieu ;

- il est recevable à former une demande indemnitaire en cours d'instance ; il maintient sa demande de condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 2 000 euros.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 octobre 2019.

Par une ordonnance du 19 octobre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée

au 27 novembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du dernier alinéa de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents des cours administratives d'appel, les premiers vice-présidents des cours et les présidents des formations de jugement des cours, ainsi que les autres magistrats ayant le grade de président désignés à cet effet par le président de la cour peuvent, en outre, par ordonnance, rejeter les conclusions à fin de sursis à exécution d'une décision juridictionnelle frappée d'appel, les requêtes dirigées contre des ordonnances prises en application des 1° à 5° du présent article ainsi que, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire les requêtes d'appel manifestement dépourvues de fondement ".

2. Par une décision du 2 octobre 2017, la commission de discipline du centre de détention de Mauzac, qui était saisie de cinq compte-rendus d'incidents relatifs au comportement de M. C..., alors incarcéré au sein de cet établissement, lui a notamment infligé une sanction de huit jours de placement en cellule disciplinaire pour avoir, le 12 juillet 2017, tenu à l'encontre d'un surveillant des " insultes, menaces ou outrages " au sens du 1° de l'article R. 57-7-2 du code de procédure pénale. Cette sanction a été confirmée par une décision

du 16 octobre 2017 du directeur interrégional des services pénitentiaires de Bordeaux. M. C... relève appel du jugement du 30 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision

du 16 octobre 2017 et à la condamnation de l'Etat à l'indemniser de son préjudice moral.

3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 57-7-13 du code de procédure pénale : " En cas de manquement à la discipline de nature à justifier une sanction disciplinaire, un compte rendu est établi dans les plus brefs délais par l'agent présent lors de l'incident ou informé de ce dernier. L'auteur de ce compte rendu ne peut siéger en commission de discipline. ".

4. M. C... fait valoir que le compte-rendu d'incident établi

le 12 juillet 2017 ne comporte pas d'élément d'identification de son auteur, de sorte qu'il n'a pas été mis à même de vérifier, au cours de la procédure disciplinaire, que l'auteur de ce document n'avait pas siégé au sein de la commission de discipline du 2 octobre 2017. Toutefois, en vertu de l'article R. 57-6-9 du code de procédure pénale, dont la méconnaissance n'est pas invoquée, l'administration peut, pour préserver l'intégrité de ses agents, ne pas communiquer au détenu l'identité de l'auteur du compte-rendu d'incident.

5. En deuxième lieu, il ressort des pièces produites devant le tribunal par le garde des sceaux, ministre de la justice, en particulier d'une version du compte-rendu d'incident

du 12 juillet 2017 qui n'est que partiellement anonymisée et du registre de la commission de discipline du 2 octobre 2017, que le surveillant ayant rédigé le compte-rendu d'incident

du 12 juillet 2017 n'a pas siégé au sein de la commission de discipline du 2 octobre suivant.

Le moyen tiré de l'irrégularité de la composition de la commission de discipline ne peut donc qu'être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) ". L'appelant fait valoir qu'en méconnaissance de ces stipulations, les pièces mentionnées au point 5 ne lui ont pas été communiquées au stade de la procédure disciplinaire.

7. Toutefois, d'une part, eu égard à la nature et au degré de gravité de la sanction disciplinaire infligée à M. C..., qui n'a, par elle-même, pas d'incidence sur la durée de la peine initialement prononcée à son encontre, l'intéressé ne peut être regardé comme ayant fait l'objet d'accusations en matière pénale au sens des stipulations précitées. D'autre part, si la sanction en cause a limité ses droits et si le litige doit ainsi être regardé comme portant sur des contestations à caractère civil au sens desdites stipulations, la nature administrative de l'autorité prononçant la sanction fait obstacle à ce que les stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales soient applicables à la procédure disciplinaire dans les établissements pénitentiaires. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations est inopérant.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 57-7-14 du code de procédure pénale : " À la suite de ce compte rendu d'incident, un rapport est établi par un membre du personnel de commandement du personnel de surveillance, un major pénitentiaire ou un premier surveillant et adressé au chef d'établissement. Ce rapport comporte tout élément d'information utile sur les circonstances des faits reprochés à la personne détenue et sur la personnalité de celle-ci. L'auteur de ce rapport ne peut siéger en commission de discipline. / (...) ".

9. Le rapport d'enquête établi le 18 juillet 2017 précise les faits reprochés

à M. C..., mentionne ses antécédents disciplinaires et reproduit les déclarations

de l'intéressé relatives, notamment, au contexte dans lequel l'incident s'est produit. Dès lors,

et quand bien même la rubrique consacrée aux " éléments complémentaires et de personnalité " n'est pas renseignée, son contenu satisfait aux exigences posées par les dispositions précitées

de l'article R. 57-7-14 du code de procédure pénale.

10. En cinquième lieu, aux termes de l'article R. 57-7-2 du code de procédure pénale dans sa version en vigueur à la date de la décision attaquée : " Constitue une faute disciplinaire du deuxième degré le fait, pour une personne détenue : / 1° De formuler des insultes, des menaces ou des outrages à l'encontre d'un membre du personnel de l'établissement, d'une personne en mission ou en visite au sein de l'établissement pénitentiaire ou des autorités administratives ou judiciaires / (...) ". Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un détenu ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

11. D'une part, si M. C... discute du caractère probant du compte-rendu d'incident rédigé le 12 juillet 2017 par un surveillant, il n'a pas contesté, au cours de la procédure disciplinaire, avoir formulé les propos dont ce compte-rendu d'incident fait état. Les faits reprochés doivent dès lors être tenus pour établis. Les propos qu'il a formulés à l'encontre d'un surveillant, eu égard à leur caractère grossier et dénigrant, ont revêtu un caractère insultant et outrageant au sens des dispositions citées au point 10, et ne sauraient être justifiés par la circonstance qu'il se serait heurté au refus de l'administration de lui octroyer l'aide par une tierce personne que requérait son état de santé.

12. D'autre part, alors qu'une faute disciplinaire du deuxième degré peut donner lieu à une mise en cellule disciplinaire pour une durée allant jusqu'à quatorze jours en vertu de l'article R. 57-7-47 du code de procédure pénale, et compte tenu des antécédents disciplinaires

de M. C..., la sanction en litige de placement en cellule disciplinaire pour une durée de huit jours, laquelle a été confondue avec une autre sanction pour laquelle l'intéressé avait bénéficié d'un sursis, n'est pas disproportionnée à la gravité de la faute commise.

13. Enfin, la décision contestée n'étant entachée d'aucune illégalité,

M. C..., qui n'a au demeurant pas présenté de demande préalable ainsi que l'ont à bon droit retenu les premiers juges, n'est en tout état de cause pas fondé à demander la condamnation de l'Etat à l'indemniser du préjudice subi du fait d'une prétendue illégalité fautive de cette décision.

14. Il résulte de ce qui précède que la requête d'appel de M. C..., qui

est manifestement dépourvue de fondement au sens des dispositions précitées du dernier alinéa de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, doit être rejetée selon la procédure qu'elles prévoient, y compris ses conclusions présentées au titre des frais d'instance.

ORDONNE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... C... et au garde

des sceaux, ministre de la justice.

La présidente de la 2ème chambre,

Catherine Girault

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

2

N° 19BX02772


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro d'arrêt : 19BX02772
Date de la décision : 01/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-07 Procédure. Pouvoirs et devoirs du juge.


Composition du Tribunal
Avocat(s) : LEYMARIE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-12-01;19bx02772 ?
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