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01/12/2020 | FRANCE | N°20BX00478,20BX00479,20BX00771

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 01 décembre 2020, 20BX00478,20BX00479,20BX00771


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I. M. G... K... et Mme A... H... épouse K... ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler les arrêtés du 3 juin 2019 par lesquels la préfète de la Vienne a refusé de leur délivrer des titres de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement nos 1901563, 1901564 du 1er octobre 2019, le tribunal a rejeté leurs demandes.

II. M. K... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'a

nnuler l'arrêté

du 4 février 2020 par lequel la préfète de la Vienne l'a assigné à rés...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I. M. G... K... et Mme A... H... épouse K... ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler les arrêtés du 3 juin 2019 par lesquels la préfète de la Vienne a refusé de leur délivrer des titres de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement nos 1901563, 1901564 du 1er octobre 2019, le tribunal a rejeté leurs demandes.

II. M. K... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté

du 4 février 2020 par lequel la préfète de la Vienne l'a assigné à résidence dans le département de la Vienne pour une durée de 45 jours en vue de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français du 3 juin 2019.

Par un jugement n° 2000324 du 12 février 2020, le magistrat désigné par le président

du tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 3 février 2020 sous le n° 20BX00478, Mme H... épouse K..., représentée par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1901563, 1901564 du 1er octobre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Vienne du 3 juin 2019 pris à son encontre ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Vienne de lui délivrer un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit de son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- dès lors que la délégation de M. I... porte sur l'ensemble du code de l'entrée

et du séjour des étrangers et du droit d'asile et tous les actes relevant des attributions de l'Etat, c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'elle n'était ni imprécise, ni générale ; en outre, la signature est en réalité une griffe interdite par les arrêtés du 17 ventôse an X, et le tribunal n'a pas répondu à ce moyen ; ainsi, l'arrêté est entaché d'incompétence ;

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- la décision est insuffisamment motivée en fait, notamment au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et le tribunal n'a pas suffisamment répondu à ce moyen ;

- l'insuffisance de motivation révèle un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de l'absence de consultation de la commission du titre de séjour ; ce moyen est fondé dès lors que la demande relevait d'un motif exceptionnel au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'absence de communication de l'avis des médecins de l'OFII constitue un vice de procédure ;

- la préfète s'est crue à tort liée par cet avis, et le tribunal n'a pas répondu à ce moyen ;

- les avis des médecins de l'OFII ne sont pas suffisamment motivés et ne sont " pas formels " compte tenu de l'emploi du conditionnel pour qualifier les conséquences d'une exceptionnelle gravité ;

- aucun récépissé de demande de titre de séjour ne lui a été remis, la plaçant dans une situation d'insécurité juridique ; le tribunal n'a pas répondu à ce moyen ;

- elle a des antécédents de maladie de Hodgkin et a été traitée en Algérie de 2012 à 2015 pour une maladie de Basedow, elle est suivie au pôle cancérologie du CHU de Tours, et son suivi en France est indispensable ; sa fille E..., qui a été opérée à plusieurs reprises en Algérie de 2005 à 2011 pour une pseudarthrose congénitale de la jambe, est actuellement suivie au CHU de Tours et doit faire l'objet d'une prise en charge dermato-chirurgicale pour des lésions cutanées inquiétantes ; aucune solution n'a été trouvée en Algérie pour ces lésions qui pourraient être cancéreuses ; contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le compte-rendu du 28 juin 2018 délivré par le CHU de Tours n'est pas caduc ; la préfète n'a pas tenu compte de son intégration dans la société française ; son fils M..., né le 23 avril 2019, présente une pathologie grave nécessitant notamment une photothérapie, et l'appareil très coûteux a été pris en charge par une association ; enfin, son époux dispose d'une promesse d'embauche ; ainsi, c'est à tort que le tribunal n'a pas fait droit au moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation ;

- eu égard à son propre état de santé et à ceux de sa fille E... et de son fils M..., le refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle a en France le centre de ses intérêts privés et familiaux dès lors qu'elle y réside depuis 2015, que ses deux derniers enfants y sont nés, que trois de ses enfants sont scolarisés et que sa famille est bien intégrée et maîtrise la langue française, de sorte que la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision est entachée d'erreur de droit dès lors que la préfète n'était pas liée par les avis des médecins de l'OFII;

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- eu égard à ses craintes relatives à son état de santé et à ceux de sa fille E... et de son fils M..., la décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 1er octobre 2020, la préfète de la Vienne conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable pour tardiveté dès lors que Mme K... n'a pas présenté de demande d'aide juridictionnelle permettant d'interrompre le délai d'appel ;

A titre subsidiaire :

- la demande de titre de séjour présentée par Mme K... a été rejetée par un arrêté du 12 février 2018, et l'arrêté contesté du 3 juin 2019 a rejeté une demande présentée en qualité d'accompagnant d'enfant malade en invoquant l'état de santé de la jeune E... ;

- les moyens invoqués par Mme K... ne sont pas fondés.

Mme K... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 février 2020.

II. Par une requête enregistrée le 3 février 2020 sous le n° 20BX00479, M. K..., représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1901563, 1901564 du 1er octobre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Vienne du 3 juin 2019 pris à son encontre ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Vienne de lui délivrer un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit de son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Ses écritures sont identiques à celles de Mme K....

Par un mémoire en défense enregistré le 1er octobre 2020, la préfète de la Vienne conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable pour tardiveté dès lors que M. K... n'a pas présenté de demande d'aide juridictionnelle permettant d'interrompre le délai d'appel ;

- à titre subsidiaire, les moyens invoqués par M. K... ne sont pas fondés.

M. K... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 février 2020.

III. Par une requête enregistrée le 27 février 2020 sous le n° 20BX00771, M. K..., représenté par Cottet, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2000324 du 12 février 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Vienne du 4 février 2020 ;

3°) de surseoir à l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français

du 3 juin 2019 et d'enjoindre à la préfète de la Vienne de lui remettre un récépissé dans l'attente de l'arrêt à intervenir sur cette décision ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit de son conseil d'une somme de 1 200 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal n'a pas fait droit à ses moyens de légalité externe, et à tout le moins à celui tiré de l'insuffisance de motivation ;

- dès lors qu'il ne maîtrise pas le français écrit, il n'aurait pas compris qu'il avait la possibilité de contester la décision s'il ne s'était adressé à un conseil, de sorte que la procédure n'a pas respecté ses droits ;

- sa fille E... doit être opérée à Tours à l'hôpital pour enfants O... ; son fils M... né le 23 avril 2019 est atteint d'une maladie très rare nécessitant une photothérapie durant 10 à 12 heures par jour, ce traitement n'est pas envisageable en Algérie, et l'appareil très coûteux installé à son domicile a été pris en charge par une association ; M... est en outre suivi en consultation à Paris ; eu égard à la pathologie de son épouse, lui seul peut accompagner leurs enfants aux rendez-vous médicaux ; il est bien intégré en France et a suivi des cours de français ; ainsi, l'assignation à résidence est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- l'assignation à résidence est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français du 3 juin 2019.

Par un mémoire en défense enregistré le 1er octobre 2020, la préfète de la Vienne conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens invoqués par M. K... ne sont pas fondés.

M. K... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision

du 16 avril 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme K..., de nationalité algérienne, sont entrés en France le 8 septembre 2015 sous couvert de visas de court séjour, accompagnés de leurs deux enfants mineurs nés en 2003 et 2009. Ils ont présenté leurs premières demandes de titre de séjour le 15 février 2017

en invoquant l'état de santé de Mme K.... Par arrêtés du 12 février 2018, la préfète

de la Vienne a rejeté ces demandes et pris à l'encontre des intéressés des mesures d'éloignement, qu'elle a abrogées le 9 avril 2018. Le 17 avril 2018, M. et Mme K... ont sollicité

la délivrance de titres de séjour en invoquant l'état de santé de leur fille E... née en 2009.

Par arrêtés du 3 juin 2019, la préfète de la Vienne a rejeté leurs demandes, rejeté une seconde fois la demande de Mme K... du 15 février 2017, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. et Mme K... relèvent appel du jugement du 1er octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leurs demandes d'annulation de ces arrêtés. En outre, M. K... relève appel du jugement du 12 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 4 février 2020 par lequel la préfète de la Vienne l'a assigné à résidence pour une durée de 45 jours en vue de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français

du 1er octobre 2019.

Sur la jonction :

2. Les requêtes nos 20BX00478, 20BX00479 et 20BX00771 sont relatives à la situation d'un couple et présentent à juger des questions semblables. Par suite, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la régularité du jugement nos 1901563, 1901564 du 1er octobre 2019 :

3. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, le jugement répond au point 4 au moyen tiré de ce que la signature serait une griffe, au point 15 au moyen tiré de l'absence de consultation de la commission du titre de séjour, au point 7 au moyen tiré de ce que la préfète se serait crue liée par l'avis du collège de médecins de l'OFII, et au point 6 au moyen tiré de l'absence de délivrance de récépissés de demande de titre de séjour.

4. Les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments invoqués par les requérants à l'appui de leur moyen tiré de l'insuffisance de motivation, ont suffisamment répondu à ce moyen en relevant que les décisions comportaient les considérations de droit qui en constituent le fondement, ainsi que des considérations de fait relatives à la situation personnelle et familiale des requérants, concernant notamment l'état de santé de leur fille.

Sur la compétence du signataire des arrêtés du 3 juin 2019 :

5. Les dispositions de l'article 43 du décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements permettent au préfet de donner délégation de signature en toutes matières au secrétaire général, lequel, en vertu de l'article 45 du même décret, exerce de droit la suppléance du préfet en cas d'absence ou d'empêchement. Comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, l'arrêté de la préfète de la Vienne du 17 octobre 2018 donnant délégation à M. I..., secrétaire général de la préfecture, à l'effet de signer toutes les décisions faisant application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'est ni trop général, ni trop imprécis, et les signatures figurant sur les deux arrêtés du 3 juin 2019 correspondent à des originaux manuscrits et non à l'apposition d'une griffe.

Sur les décisions de refus de titre de séjour :

6. En premier lieu, les décisions exposent précisément les motifs pour lesquels la préfète estime que l'état de santé de Mme K... et celui de la jeune E... ne justifient pas la délivrance des titres de séjour sollicités. La préfète, qui n'était pas saisie d'une demande de régularisation exceptionnelle au titre de la vie privée et familiale de M. et Mme K... et n'a pas examiné d'office la possibilité d'une telle régularisation, ne s'est prononcée sur l'absence d'atteinte disproportionnée au droit des intéressés au respect de leur vie privée et familiale que pour leur faire obligation de quitter le territoire français. Par suite, une insuffisance de motivation en fait des décisions de refus de titre de séjour au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être utilement invoquée.

7. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérants, il ressort de la motivation des décisions de refus de titre de séjour que la préfète a procédé à l'examen particulier de leur situation.

8. En troisième lieu, la préfète de la Vienne a justifié en première instance de la délivrance de récépissés de demande de titre de séjour à M. et Mme K... pour la durée de l'instruction de leurs demandes, et au demeurant, quand bien même tel n'aurait pas été le cas, cette circonstance serait sans incidence sur la légalité des décisions prises à l'issue de cette instruction.

En quatrième lieu, ce qui concerne l'état de santé de Mme K... :

9. Si la préfète de la Vienne fait valoir à juste titre que M. et Mme K... invoquaient seulement l'état de santé de leur fille E... dans leurs demandes présentées le 17 avril 2018, il ressort de la rédaction des décisions du 3 juin 2019 qu'alors même qu'elle avait rejeté

le 12 février 2018 les demandes présentées le 15 février 2017 en invoquant l'état de santé de Mme K..., la préfète les a rejetées une seconde fois. Elle doit ainsi être regardée comme ayant procédé au réexamen de ces demandes.

10. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ". L'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que l'avis des médecins de l'OFII précise " a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. "

11. L'avis rendu par le collège de médecins de l'OFII le 31 août 2017 sur l'état de santé de Mme K..., produit en première instance par la préfète de la Vienne, qui se présente sous forme de cases cochées sur un formulaire conforme au modèle annexé à cet arrêté, ne peut être regardé comme insuffisamment motivé. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, l'emploi du conditionnel pour l'item selon lequel le défaut de prise en charge " ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité " ne révèle pas un doute des médecins sur les conséquences d'un défaut de prise en charge.

12. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter les moyens tirés de l'absence de communication de l'avis du collège de médecins de l'OFII et de ce que la préfète se serait estimée à tort liée par cet avis.

13. Selon l'avis du collège de médecins de l'OFII, l'état de santé de Mme K... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité. Cette appréciation n'est pas contredite par les pièces produites, dont il ressort que Mme K... a été traitée en Algérie pour une maladie de Basedow entre 2012 et 2015, ainsi que pour une maladie de Hodgkin en 2005 et 2009, puis qu'elle a fait l'objet d'une surveillance thyroïdienne et d'un suivi dans un centre d'hématologie en France en 2016, alors qu'elle était enceinte, sans qu'aucun élément plus récent ne fasse état d'une rechute des pathologies graves pour lesquelles l'intéressée a été prise en charge avec succès dans son pays d'origine.

En cinquième lieu, en ce qui concerne l'état de santé de la jeune E... K... :

14. Si les dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui prévoient la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour au bénéfice des parents d'enfants dont l'état de santé répond aux conditions prévues par le 11° de l'article L. 313-11 du même code, ne sont pas applicables aux ressortissants algériens, dont la situation est entièrement régie par les stipulations de l'accord franco-algérien, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que le préfet, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire d'appréciation, délivre à ces ressortissants un certificat de résidence pour l'accompagnement d'un enfant malade.

15. L'avis rendu par le collège de médecins de l'OFII le 21 août 2018 sur l'état de santé de la jeune E..., produit en première instance par la préfète de la Vienne, qui se présente sous forme de cases cochées sur un formulaire conforme au modèle annexé à l'arrêté

du 27 décembre 2016, ne peut être regardé comme insuffisamment motivé.

16. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter les moyens tirés de l'absence de communication de l'avis du collège de médecins de l'OFII et de ce que la préfète se serait estimée à tort liée par cet avis.

17. Selon l'avis des médecins de l'OFII du 21 août 2018, l'état de santé de la jeune E... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Il ressort des pièces produites par les requérants que l'enfant, née le 12 avril 2009, est atteinte d'une neurofibromatose de type 1, maladie génétique caractérisée par des lésions osseuses et dermatologiques, un retard dans les apprentissages et une légère déficience visuelle. La pseudarthrose des os de la jambe gauche en lien avec cette maladie a été traitée en Algérie à l'âge de 18 mois par la technique de Masquelet et à l'âge de 5 ans par une greffe osseuse. L'enfant est suivie en France pour un raccourcissement du membre inférieur gauche compensé par une semelle orthopédique. Quand bien même elle devrait subir une nouvelle intervention chirurgicale, ce qui n'est pas démontré par la production de pièces dont il résulte que les médecins privilégiaient encore une simple surveillance le 26 avril 2019, aucune pièce ne fait état de l'impossibilité de réaliser cette troisième intervention en Algérie, où les deux premières ont été réalisées. Il ressort des pièces du dossier que les lésions dermatologiques invoquées, également en lien avec la neurofibromatose, sont des taches café au lait apparues dès la petite enfance et font l'objet d'un simple suivi dermatologique en France. Les pièces produites n'étant pas de nature à mettre en cause l'appréciation des médecins de l'OFII sur la possibilité de bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Algérie, M. et Mme K... ne sont pas fondés à soutenir que la préfète de la Vienne aurait commis une erreur d'appréciation en refusant de leur délivrer des certificats de résidence pour l'accompagnement de leur fille E....

18. En sixième lieu, la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, inapplicables aux ressortissants algériens dont la situation est entièrement régie par les stipulations de l'accord franco-algérien, ne peut être utilement invoquée. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet de délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

19. Si la préfète de la Vienne s'est spontanément ressaisie de l'état de santé

de Mme K..., elle n'a examiné d'office la possibilité de régulariser la situation des intéressés ni au regard de leur vie privée et familiale, ni en raison de l'état de santé du jeune M... né le 23 avril 2019, dont elle ne pouvait au demeurant avoir connaissance, le diagnostic de la maladie génétique rare dont l'enfant est atteint étant évoqué pour la première fois par un praticien hospitalier le 2 août 2019, postérieurement aux décisions du 3 juin 2019. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation au regard de la vie privée et familiale et de l'état de santé du jeune M... sont inopérants.

20. En dernier lieu, le préfet n'est tenu, en application des dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de saisir la commission du titre de séjour que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions permettant d'obtenir de plein droit un titre de séjour, et non de tous les étrangers qui sollicitent un tel titre. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme K... ne pouvaient prétendre de plein droit à la délivrance des certificats de résidence sollicités. Par suite, le moyen tiré du défaut de saisine de cette commission doit être écarté.

Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français :

21. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme K... ne sont pas fondés à invoquer, par la voie de l'exception, une illégalité des décisions de refus de titre de séjour.

22. La circonstance que la préfète disposait d'un pouvoir d'appréciation pour assortir ou non les décisions de refus de titre de séjour d'obligations de quitter le territoire français n'est pas de nature à faire regarder ces dernières comme entachées d'erreur de droit dès lors qu'il ressort de la rédaction des décisions que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la préfète ne s'est pas estimée liée par les avis des médecins de l'OFII, mais a au contraire examiné l'ensemble de leur situation.

Sur les décisions fixant le pays de renvoi :

23. Aux termes de l'article de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains et dégradants. " Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

24. En se bornant à faire état de leurs craintes relatives à l'état de santé de Mme K..., de la jeune E..., ainsi que du jeune M... dont il n'est pas démontré que la pathologie aurait été diagnostiquée à la date des décisions, les requérants ne démontrent pas que les décisions fixant l'Algérie comme pays de renvoi méconnaîtraient les stipulations précitées.

Sur l'arrêté d'assignation à résidence du 4 février 2020 :

25. Il résulte de ce qui précède que M. K... n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, une illégalité de l'obligation de quitter le territoire français du 3 juin 2019.

26. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge, d'écarter les moyens tirés de l'incompétence du signataire, de l'insuffisante motivation de la décision

et de l'absence d'indication du nom de l'agent qui l'a notifiée.

27. M. K..., qui a compris l'objet de l'arrêté et l'a contesté devant le tribunal, ne démontre l'existence d'aucune irrégularité de procédure en se bornant à faire valoir que, ne maîtrisant pas la langue française écrite, il ne l'aurait pas compris sans l'aide de son conseil.

28. En produisant un rendez-vous concernant sa fille E... pour une consultation auprès d'un chirurgien orthopédiste le 24 avril 2020 et un certificat médical du 2 août 2019 relatif à la photothérapie suivie à domicile par son fils M..., en invoquant l'état de santé de son épouse sans apporter aucun élément nouveau par rapport à ceux mentionnés au point 13, et en se prévalant de sa bonne intégration dans la société française, M. K... ne justifie d'aucune circonstance particulière faisant obstacle à son assignation à résidence pour l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français du 3 juin 2019. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

29. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir tirées de la tardiveté des requêtes nos 20BX00478 et 20BX00479,

M. et Mme K... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leurs demandes. Par suite, leurs conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative

à l'aide juridique doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes de Mme H... épouse K... et de M. K... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... H... épouse K..., à M. G... K... et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera adressée à la préfète de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 3 novembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme N... L..., présidente,

Mme B... D..., présidente-assesseure,

Mme C... J..., conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2020.

La rapporteure,

Anne D...

La présidente,

Catherine L...La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

7

Nos 20BX00478, 20BX00479, 20BX00771


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX00478,20BX00479,20BX00771
Date de la décision : 01/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme LADOIRE
Avocat(s) : ATTALI ; ATTALI ; ATTALI

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-12-01;20bx00478.20bx00479.20bx00771 ?
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