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15/12/2020 | FRANCE | N°18BX04515

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 15 décembre 2020, 18BX04515


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler le certificat d'urbanisme du 28 octobre 2016 délivré par le maire de la commune de Bézac indiquant notamment que sa parcelle cadastrée section C n° 95 située lieu-dit Gaillac était classée en zone agricole.

Par un jugement n° 1605390 du 23 octobre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a annulé le certificat d'urbanisme du 28 octobre 2016.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregist

rés le 28 décembre 2018 et le 3 juin 2019, la commune de Bézac, représentée par Me B..., deman...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler le certificat d'urbanisme du 28 octobre 2016 délivré par le maire de la commune de Bézac indiquant notamment que sa parcelle cadastrée section C n° 95 située lieu-dit Gaillac était classée en zone agricole.

Par un jugement n° 1605390 du 23 octobre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a annulé le certificat d'urbanisme du 28 octobre 2016.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 décembre 2018 et le 3 juin 2019, la commune de Bézac, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 23 octobre 2018 ;

2°) de rejeter la demande de M. E... ;

3°) de mettre à la charge de M. E... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 Code de justice administrative.

Elle soutient que, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, la commune n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en classant la parcelle en litige, qui ne constitue pas une dent creuse, en zone A du plan local d'urbanisme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 avril 2019, M. E..., représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la commune de Bézac le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que le moyen soulevé par la commune de Bézac n'est pas fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F... A...,

- et les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 22 juillet 2016, M. E... a demandé un certificat d'urbanisme concernant la parcelle qu'il possède, cadastrée C n° 95, située lieu-dit " Gaillac " à Bézac (Ariège) au titre du a) de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme. Le 28 octobre 2016, le maire de Bézac, agissant au nom de la commune, lui a délivré un certificat d'urbanisme mentionnant notamment que sa parcelle était située en zone A, à vocation agricole, du plan local d'urbanisme. La commune de Bézac relève appel du jugement du 23 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a fait droit à la demande de M. E... tendant à l'annulation de ce certificat d'urbanisme, en retenant l'exception d'illégalité du plan local d'urbanisme allégé, approuvé le 14 juin 2006 et modifié le 20 janvier 2014, en ce qu'il classe la parcelle appartenant à M. E... en zone A.

2. Aux termes de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme : " Le certificat d'urbanisme, en fonction de la demande présentée : a) Indique les dispositions d'urbanisme, les limitations administratives au droit de propriété et la liste des taxes et participations d'urbanisme applicables à un terrain (...) ". En vertu d'un principe général, il incombe à l'autorité administrative de ne pas appliquer un règlement illégal. Ce principe trouve à s'appliquer, en l'absence même de toute décision juridictionnelle qui en aurait prononcé l'annulation ou les aurait déclarées illégales, lorsque les dispositions d'un document d'urbanisme, ou certaines d'entre elles si elles en sont divisibles, sont entachées d'illégalité, sauf si cette illégalité résulte de vices de forme ou de procédure qui ne peuvent plus être invoqués par voie d'exception en vertu de l'article L. 600-1 du code de l'urbanisme. Ces dispositions doivent ainsi être écartées, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, par l'autorité chargée de délivrer des certificats d'urbanisme ou des autorisations d'utilisation ou d'occupation des sols, qui doit alors se fonder, pour statuer sur les demandes dont elle est saisie, sur les dispositions pertinentes du document immédiatement antérieur ou, dans le cas où celles-ci seraient elles-mêmes affectées d'une illégalité dont la nature ferait obstacle à ce qu'il en soit fait application, sur le document encore antérieur ou, à défaut, sur les règles générales fixées par les articles L. 111-1 et suivants et R. 111-1 et suivants du code de l'urbanisme.

3. Aux termes de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable en l'espèce : " (...) Les plans locaux d'urbanisme comportent un règlement qui fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durable, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés à l'article L. 121-1, qui peuvent notamment comporter l'interdiction de construire, délimitent les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger et définissent, en fonction des circonstances locales, les règles concernant l'implantation des constructions. (...) ". L'article R. 123-4 du même code, également applicable en l'espèce, dispose que : " Le règlement délimite les zones urbaines, les zones à urbaniser, les zones agricoles et les zones naturelles et forestières (...) ". Enfin, selon l'article R. 123-7 du même code, dans sa rédaction applicable : " Les zones agricoles sont dites "zones A". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles ". Il résulte de ces dispositions qu'une zone agricole, dite " zone A ", du plan local d'urbanisme a vocation à couvrir, en cohérence avec les orientations générales et les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables, un secteur, équipé ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles. L'appréciation à laquelle se livrent les auteurs du plan lorsqu'ils classent en zone agricole un secteur qu'ils entendent soustraire, pour l'avenir, à l'urbanisation, ne peut être discutée devant le juge de l'excès de pouvoir que si elle repose sur des faits matériellement inexacts ou si elle est entachée d'une erreur manifeste.

4. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle de M. E..., d'une superficie de 704 m², est située en bordure d'une voie communale, à environ 800 m à l'est du bourg de la commune, dans le hameau de Gaillac, dont le rapport de présentation du plan local d'urbanisme expose qu'il est inséré dans l'entité paysagère des coteaux, dans laquelle l'activité agricole est très présente. Les orientations énoncées dans le projet d'aménagement et de développement durable visent par ailleurs notamment à " privilégier l'urbanisation de la zone de la plaine (autour du bourg centre) plutôt que les coteaux qui sont à préserver en zone naturelle ou agricole ", afin de renforcer la polarité du bourg centre en vue de la création d'un " coeur villageois dynamique ". Au sud de la parcelle de M. E..., se trouve un ensemble de cinq habitations situées également en bordure ouest de la voie communale, cet ensemble ayant été classé en zone urbaine au plan local d'urbanisme, à l'exception de tout le reste du secteur, classé en zone agricole. Aucune construction n'est présente de l'autre côté de la voie communale, ni à l'ouest de la parcelle, cet espace situé à l'ouest se présentant comme un vaste espace agricole qui s'étend jusqu'aux abords du centre bourg de la commune. Quant aux constructions présentes au nord de la parcelle de M. E..., il ressort des pièces du dossier qu'en dehors de l'église romane de Saint-Pierre aux Liens et d'un cimetière, il s'agit soit de constructions à usage agricole, situées à moins de 150 m de la parcelle dont il s'agit, soit de constructions autorisées comme étant à usage d'habitations nécessaires à l'exploitation agricole, la circonstance que certaines aient pu être affectées à l'habitation en méconnaissance des règles régissant les zones agricoles étant sans incidence sur l'appréciation à porter sur la légalité du classement de la zone. Est également par elle-même sans incidence la circonstance que des opérations de construction ou d'aménagement aient été récemment autorisées dans la commune en zone agricole. Ainsi, la parcelle de M. E... n'est pas insérée dans une zone urbanisée, mais située dans un espace à vocation agricole, à l'extrémité nord d'une zone urbaine peu étendue.

5. Alors même que la parcelle cadastrée section C n°95 n'est ni cultivée et ni recensée au titre de la politique agricole commune et que sa superficie est modeste, il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'à la date de l'approbation du plan local d'urbanisme, elle aurait été dépourvue de potentiel agricole alors surtout qu'elle jouxte un vaste espace en nature de culture. Au demeurant, dès lors qu'elle est située au sein d'un secteur ayant une vocation agricole, la circonstance que la parcelle ne présenterait pas elle-même un caractère de terre agricole est sans incidence sur la légalité de son classement.

6. Il résulte de ce qui précède que la commune de Bézac est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif, estimant que la parcelle constituait une " dent creuse " dans l'urbanisation du secteur, a prononcé l'annulation du certificat d'urbanisme contesté au motif que le classement de la parcelle concernée en zone agricole au plan local d'urbanisme reposait sur une erreur manifeste d'appréciation. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. E....

7. La circonstance que des opérations de construction ou d'aménagement auraient été autorisées à proximité du terrain de l'intimé ne traduit pas par elle-même une méconnaissance du principe d'égalité qui affecterait les mentions du certificat d'urbanisme contesté.

8. La mention figurant dans un courrier du 18 octobre 2016 adressé à M. E... par le maire de la commune en réponse au recours gracieux dirigé contre un précédent certificat d'urbanisme et relative au service départemental chargé d'instruire les demandes d'autorisation d'urbanisme, à la supposer même inexacte, n'est pas susceptible d'entacher d'illégalité les mentions du certificat d'urbanisme du 28 octobre 2016 en litige dans la présente instance.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Bézac est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, les premiers juges ont annulé le certificat d'urbanisme informatif délivré le 28 octobre 2016 à M. E....

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Bézac, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. E... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. E... le versement à la commune de Bézac d'une somme de 1 500 euros au titre des frais de même nature exposés par cette dernière.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 23 octobre 2018 est annulé.

Article 2 : Les conclusions de la demande de première instance et les conclusions d'appel de M. E... sont rejetées.

Article 3 : M. E... versera à la commune de Bézac une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Bézac et à M. C... E....

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme F... A..., président,

M. Frédéric Faïck, président assesseur,

Mme Caroline Gaillard, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2020

Le président-rapporteur,

Elisabeth A...

La République mande et ordonne au préfet de l'Ariège en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 18BX04515


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX04515
Date de la décision : 15/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-025 Urbanisme et aménagement du territoire. Certificat d'urbanisme.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Elisabeth JAYAT
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : BRIAND

Origine de la décision
Date de l'import : 16/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-12-15;18bx04515 ?
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