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31/12/2020 | FRANCE | N°19BX02287

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 31 décembre 2020, 19BX02287


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... H... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 21 septembre 2017 par lequel le préfet de la Gironde a déclaré d'utilité publique, au bénéfice de Bordeaux Métropole, le projet de constitution d'une réserve foncière en vue de la réalisation d'une opération d'aménagement dans le secteur du Bourdieu Cassy-Vigney à Saint-Médard-en-Jalles.

Par un jugement n° 1705007 du 4 avril 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure

devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 juin 2019 et 23 juin 2020,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... H... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 21 septembre 2017 par lequel le préfet de la Gironde a déclaré d'utilité publique, au bénéfice de Bordeaux Métropole, le projet de constitution d'une réserve foncière en vue de la réalisation d'une opération d'aménagement dans le secteur du Bourdieu Cassy-Vigney à Saint-Médard-en-Jalles.

Par un jugement n° 1705007 du 4 avril 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 juin 2019 et 23 juin 2020, M. H..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 4 avril 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 21 septembre 2017 par lequel le préfet de la Gironde a déclaré d'utilité publique, au bénéfice de Bordeaux Métropole, le projet de constitution d'une réserve foncière en vue de la réalisation d'une opération d'aménagement dans le secteur du Bourdieu Cassy-Vigney à Saint-Médard-en-Jalles ;

3°) de mettre à la charge de Bordeaux Métropole la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. H... soutient que :

S'agissant de la légalité externe,

- le dossier soumis à enquête publique ne respecte pas les prescriptions de l'article R. 112-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, lequel est applicable dès lors que la constitution d'une réserve foncière n'est pas justifiée, et le dossier aurait ainsi dû comprendre le plan général des travaux, les caractéristiques des ouvrages les plus importants et l'appréciation sommaire des dépenses.

- la notice explicative n'est pas suffisamment détaillée, en méconnaissance des articles R. 112-5 et R. 112-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, dès lors qu'elle ne comporte aucune analyse de l'état paysager et environnemental du secteur et du parc de Bourdieu ;

- l'arrêté est entaché d'un vide de procédure, dès lors que le conseil municipal de Saint-Médard-en-Jalles n'a pas été appelé à émettre un avis alors que les conclusions du commissaire enquêteur étaient défavorables, en méconnaissance de l'article R. 112-23 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ; il en est de même du conseil communautaire de Bordeaux Métropole ;

S'agissant de la légalité interne,

- Bordeaux Métropole ne justifie d'aucun projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux conditions de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme ; si, dans le cadre de sa demande de déclaration d'utilité publique, Bordeaux Métropole indique envisager un programme immobilier permettant d'accueillir 800 habitants à terme, ni le nombre, ni la typologie des logements à construire ne sont exposés ; le type de population visée n'est pas même brièvement évoqué et il est impossible d'apprécier les équipements publics que cette opération pourrait nécessiter ;

- il n'y a aucune nécessité de procéder à l'acquisition des parcelles avant l'établissement du projet, dès lors que la lutte contre la spéculation foncière avancée ne justifie pas la constitution d'une réserve foncière, et comme le souligne le commissaire enquêteur, aucun des outils de lutte contre la spéculation, notamment la préemption, n'a été utilisé ;

- la réserve foncière envisagée est dépourvue d'utilité publique, dès lors que le projet de Bordeaux Métropole est très flou, comme le souligne le commissaire enquêteur, que l'entretien du parc ne justifie pas la constitution d'une réserve foncière, le parc, d'ailleurs classé en zone Ne du PLU, ne présentant aucun intérêt écologique ou même paysager ; s'agissant de la construction de logements, l'objectif peut être atteint par la construction dans la partie nord du parc qui constitue une partie dégradée de faible valeur écologique ; le coût du projet est excessif, d'autant que l'initiative privée propose une alternative répondant aux objectifs de la métropole ;

- en faisant usage de la procédure prévue à l'article R. 112-5 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique alors que le projet pouvait être établi préalablement à l'acquisition des immeubles et que l'objectif était principalement d'assurer la sécurité dans le parc, Bordeaux Métropole a entaché sa délibération d'un détournement de procédure.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 janvier 2020, Bordeaux Métropole, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de M. H... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 juin 2020, le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales conclut au rejet de la requête et fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.

Par un mémoire en intervention, enregistré le 9 juillet 2020, la société publique locale (SPL) La Fabrique de Bordeaux Métropole, représentée par Me I..., conclut au rejet de la requête et fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code de l'urbanisme ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme K...,

- les conclusions de Mme F... G...,

- et les observations de Me B..., substituant Me C..., représentant M. H..., et de Me A..., substituant Me D..., représentant Bordeaux Métropole.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... H... est propriétaire de droits indivis d'un ensemble foncier d'environ 16 hectares sur le territoire de la commune de Saint-Médard-en-Jalles, cadastré section HD 10 et HD 11 au lieu-dit " Domaine du Bourdieu ". Par arrêté du 21 septembre 2017, le préfet de la Gironde a déclaré d'utilité publique, au bénéfice de Bordeaux Métropole, le projet de constitution d'une réserve foncière en vue de la réalisation d'une opération d'aménagement dans le secteur du Bourdieu Cassy-Vigney, sur le territoire de la commune de Saint-Médard-en-Jalles. M. H... relève appel du jugement du 4 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur l'intervention de la société publique locale (SPL) La Fabrique de Bordeaux Métropole :

2. L'opération litigieuse s'insère dans le programme " 50 000 logements " dont la mise en oeuvre opérationnelle a été confiée à la société publique locale la Fabrique de Bordeaux Métropole, par une délibération du conseil de Bordeaux Métropole du 18 décembre 2015. Dès lors, la société publique locale La Fabrique de Bordeaux Métropole a intérêt au maintien du jugement attaqué, et son intervention est recevable.

Sur la légalité externe :

3. Aux termes de l'article R. 112-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d'ouvrages, l'expropriant adresse au préfet du département où l'opération doit être réalisée, pour qu'il soit soumis à l'enquête, un dossier comprenant au moins : / 1° Une notice explicative ; / 2° Le plan de situation ; / 3° Le plan général des travaux ; / 4° Les caractéristiques principales des ouvrages les plus importants ; / 5° L'appréciation sommaire des dépenses ". Aux termes de l'article R. 112-5 du même code : " Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de l'acquisition d'immeubles, ou lorsqu'elle est demandée en vue de la réalisation d'une opération d'aménagement ou d'urbanisme importante et qu'il est nécessaire de procéder à l'acquisition des immeubles avant que le projet n'ait pu être établi, l'expropriant adresse au préfet du département où sont situés les immeubles, pour qu'il soit soumis à l'enquête, un dossier comprenant au moins : 1° Une notice explicative ; 2° Le plan de situation ; 3° Le périmètre délimitant les immeubles à exproprier ; 4° L'estimation sommaire du coût des acquisitions à réaliser ". Enfin, aux termes de l'article R. 112-6 du même code : " La notice explicative prévue aux articles R. 112-4 et R. 112-5 indique l'objet de l'opération et les raisons pour lesquelles, parmi les partis envisagés, le projet soumis à l'enquête a été retenu, notamment du point de vue de son insertion dans l'environnement ".

4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'opération litigieuse a pour objet la création de logements pouvant accueillir jusqu'à 800 habitants, ainsi que la valorisation du parc du Bourdieu, dont l'état se dégrade, le tout à proximité immédiate du centre-ville de Saint-Médard-en-Jalles, bien desservi par les transports collectifs et soumis, comme l'ensemble du territoire de Bordeaux Métropole, à une importante spéculation foncière, alors que les besoins annuels en logements de cette commune sont estimés à deux cents. À cet égard, la notice explicative du dossier soumis à enquête publique relève que la collectivité a mis en oeuvre des tentatives de maîtrise foncière (acquisitions amiables, préemption) qui se sont révélées infructueuses pour les raisons qu'elle mentionne. Dès lors, Bordeaux Métropole pouvait, compte tenu de l'ampleur de l'opération ainsi envisagée, être autorisée à procéder à cette acquisition avant d'établir plus précisément le projet. Par suite, elle a pu légalement ne faire figurer au dossier de l'enquête publique que les documents exigés par les dispositions de l'article R. 112-5 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. Le moyen tiré de ce que le dossier d'enquête publique ne comportait ni le plan général des travaux, ni les caractéristiques principales des ouvrages les plus importants, ni l'appréciation sommaire des dépenses, exigés par les dispositions de l'article R. 112-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, doit ainsi être écarté.

5. En deuxième lieu, la notice explicative du dossier soumis à enquête publique expose que devant la progression constante de l'aire métropolitaine bordelaise et l'étalement urbain en résultant, il est devenu urgent de protéger les " espaces verts ", 225 hectares d'espaces naturels par an à l'échelle du SCOT ayant été consommés entre 1996 et 2020. À Saint-Médard-en-Jalles, l'offre en espaces verts publics est modeste en comparaison de la moyenne de Bordeaux Métropole et la maîtrise foncière publique du site du Bourdieu permettra de multiplier par trois les espaces verts accessibles sur la commune et de tendre vers la moyenne de Bordeaux Métropole. Parallèlement, la croissance de la population y est de 14 % depuis 1990, la commune étant particulièrement attractive pour les familles qui cherchent à accéder à la propriété, avec un coût du logement inférieur à celui de la ville-centre et des communes de la première couronne. Ceci engendre un besoin élevé de construction de logements, notamment en faveur des jeunes ménages et des familles monoparentales. L'opération Bourdieux-Cassy-Vigney participera ainsi à l'objectif de construction et d'offre en logement social et abordable. S'agissant du parc du Bourdieu, la notice, qui n'avait pas à comporter une analyse de l'état paysager et environnemental du parc, mentionne que le domaine a été inscrit le 20 janvier 1981 en tant que " site d'intérêt historique et pittoresque ", en raison notamment de la présence d'une trentaine d'essences d'arbres différentes. Elle précise que le manque d'entretien et la tempête de 1999 ont causé un grand nombre de dégâts, qui sont suivis par la DREAL et notés dans les différents rapports et diagnostics sommaires réalisés en 2001, 2011, 2012 et 2013. Enfin, elle mentionne le rapport de 2014 du service territorial de l'architecture et du patrimoine de la Gironde, qui affirme notamment " Dans le parc, cinq allées convergent vers le château, situé en limite sud de la propriété. (...) C'est l'un des derniers domaines préservé dans son intégrité qui renvoie à l'histoire du Bordelais avec les réalisations dans l'esprit des physiocrates pour l'aménagement et de la culture du vin au XVIIIème. L'emprise du parc du Château du Bourdieu est singulière par son ampleur, sa nature et sa proximité immédiate avec le centre-ville ". En conséquence, le moyen tiré de l'insuffisance de la notice explicative, faute de comporter une analyse de l'état paysager et environnemental du secteur et du parc, doit être écarté.

6. En troisième lieu, l'article R. 112-23 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique prévoit que lorsque l'opération projetée doit être réalisée sur le territoire et pour le compte d'une seule commune, " si les conclusions du commissaire enquêteur ou de la commission d'enquête sont défavorables à la déclaration d'utilité publique de l'opération envisagée, le conseil municipal est appelé à émettre son avis par une délibération motivée dont le procès-verbal est joint au dossier transmis au préfet. / Faute de délibération dans un délai de trois mois à compter de la transmission du dossier au maire, le conseil municipal est regardé comme ayant renoncé à l'opération ".

7. L'opération en cause est certes réalisée sur le territoire d'une seule commune, mais pour le compte de Bordeaux Métropole. Par suite, M. H... n'est pas fondé à se prévaloir de ces dispositions pour soutenir que la procédure serait irrégulière, faute pour le conseil municipal de Saint-Médard-en-Jalles comme pour le conseil communautaire de Bordeaux Métropole d'avoir émis leur avis par une délibération motivée postérieurement à l'avis défavorable du commissaire enquêteur.

Sur la légalité interne :

8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 221-1 du code de l'urbanisme : " L'État, les collectivités locales ou leurs groupements y ayant vocation (...) sont habilités à acquérir des immeubles, au besoin, par voie d'expropriation, pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation d'une action ou d'une opération d'aménagement répondant aux objets définis à l'article L. 300-1 ". Aux termes de l'article L. 300-1 du même code : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. (...) ".

9. Il résulte de ces dispositions que les personnes publiques concernées peuvent légalement acquérir des immeubles par voie d'expropriation pour constituer des réserves foncières, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle la procédure de déclaration d'utilité publique est engagée, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, si le dossier d'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique fait apparaître la nature du projet envisagé, conformément aux dispositions du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

10. Il ressort des pièces du dossier que le projet de constitution d'une réserve foncière en vue de la réalisation de l'opération d'aménagement en cause porte sur deux secteurs, le parc du Bourdieu, d'une part, d'une superficie d'environ 28 hectares, bordé d'une chartreuse du XVIIIème siècle en cours d'acquisition par Bordeaux Métropole, et le secteur Cassy-Vigney d'autre part, situé à l'ouest du parc, d'une superficie d'environ 5,5 hectares, compris dans un tissu peu dense et constitué essentiellement de jardins-prairies ou d'espaces inoccupés. La notice explicative précise que cette réserve foncière a pour objet, dans le cadre du programme " 50 000 logements " initiés en 2010 par Bordeaux Métropole, la réalisation d'une extension du centre-ville grâce à la construction de logements, notamment sociaux, en vue d'accueillir environ 800 habitants, ainsi que la préservation des espaces naturels à proximité immédiate du centre-ville et leur utilisation ultérieure par les habitants de l'agglomération. Ainsi, à la date à laquelle la procédure de déclaration d'utilité publique a été engagée, Bordeaux Métropole justifiait de la réalité d'un projet d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que, comme le fait valoir M. H..., les caractéristiques précises de ce projet, et notamment le nombre et la typologie des logements et les futurs équipements publics, n'avaient pas été définies à cette date.

11. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 4 du présent arrêt, Bordeaux Métropole pouvait, comme elle l'a fait, procéder à l'acquisition des immeubles par voie d'expropriation avant d'établir le projet définitif de l'opération.

12. En troisième lieu, il appartient au juge, lorsqu'il doit se prononcer sur le caractère d'utilité publique d'une opération nécessitant l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu'elle répond à une finalité d'intérêt général, que l'expropriant n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation, et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social ou économique que comporte l'opération ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente.

13. l'opération envisagée, qui a pour ambition de concilier la création de logements destinés à accueillir 800 habitants et la mixité sociale avec la préservation d'un espace vert remarquable, répond à une finalité d'intérêt général.

14. Si M. H... soutient que le parc ne présente aucun intérêt écologique ou même paysager, il ressort toutefois de la " fiche site inscrit " dressée en décembre 2014 par les services de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement de la région Nouvelle-Aquitaine qu'" Il est important de préserver au centre d'une commune qui s'urbanise un domaine boisé de cette importance où l'on ne compte pas moins d'une trentaine d'essences d'arbres différentes. C'est un site unique qu'il convient de protéger afin de conserver le patrimoine de ces grands domaines historiques et qui, au coeur de l'agglomération bordelaise participent à la constitution de la trame verte d'un très grand intérêt ". À cet égard, il ressort du plan des servitudes d'utilité publique annexé à la première révision du plan local d'urbanisme (PLU), approuvée par délibération du conseil de la métropole du 16 décembre 2016, que le site fait l'objet de deux servitudes d'utilité publique, l'une au titre des monuments historiques inscrits et classés, l'autre au titre des sites et monuments naturels inscrits et classés. De même, contrairement à ce que soutient l'appelant, le classement du parc en zone Ne du PLU " Espace naturel accueillant des équipements d'intérêt collectif ", correspondant, selon le rapport de présentation du PLU, à des " espaces naturels bénéficiant d'un enjeu de mise en valeur et d'ouverture au public " dont les " équipements présents ou futurs s'insèrent dans un cadre naturel préservé où les possibilités de construction sont réduites " est en parfaite cohérence avec le projet litigieux.

15. S'agissant du coût de l'opération, évalué dans l'estimation sommaire soumise à enquête publique à 9 551 026 euros, correspondant au montant de l'acquisition des immeubles, frais de réemploi compris, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait excessif, eu égard à l'importance de l'emprise du projet, qui s'étend sur plus de 33 hectares, à sa situation à proximité immédiate du centre-ville et à son caractère peu bâti, permettant une opération de construction de logements de grande ampleur tout en valorisant les espaces naturels. À cet égard, M. H... fait valoir que le projet qu'il porte aurait des avantages comparables pour la collectivité publique, à un coût bien moindre, et dans le respect de la propriété privée, dès lors qu'il propose de construire sur 10 hectares du parc tout en cédant à la commune de Saint-Médard-en-Jalles, pour un euro symbolique, les 18 hectares restant, préalablement aménagés et la chartreuse rénovée. Toutefois, ce projet, qui suppose d'amputer le parc de plus du tiers de sa superficie, ne répond pas aux objectifs de la collectivité publique en termes de préservation et de valorisation de cet espace naturel exceptionnel, ni d'ailleurs en terme de diversité de l'offre de logements. Par suite, ni le coût du projet, ni l'atteinte à la propriété privée qu'il présente ne sont de nature à retirer à l'opération litigieuse son caractère d'utilité publique.

16. En troisième et dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, contrairement à ce que soutient l'appelant, ni que Bordeaux Métropole aurait pu disposer dès 2015 d'un projet précis, ni que l'expropriation aurait eu pour seul objectif d'assurer la sécurité des personnes utilisant le parc du Bourdieu. Par suite, le moyen tiré de ce que le recours à l'article R. 112-5 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique serait entaché d'un détournement de procédure ne peut qu'être écarté.

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. H... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à sa charge sur le fondement de ces dispositions, au profit de Bordeaux Métropole, la somme de 1 500 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : L'intervention de la société publique locale La Fabrique de Bordeaux Métropole est admise.

Article 2 : La requête de M. H... est rejetée.

Article 3 : M. H... versera à Bordeaux Métropole la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... H..., à Bordeaux Métropole, au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et à la société publique locale La Fabrique de Bordeaux Métropole.

Délibéré après l'audience du 3 décembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme J..., présidente-assesseure,

Mme Florence Madelaigue, premier-conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 décembre 2020.

Le président de chambre,

Éric Rey-Bèthbéder

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

8

N° 19BX02287


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 19BX02287
Date de la décision : 31/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-02-01-02 Urbanisme et aménagement du territoire. Procédures d'intervention foncière. Préemption et réserves foncières. Réserves foncières.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Frédérique MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur public ?: Mme CHAUVIN
Avocat(s) : SELARL GENESIS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-12-31;19bx02287 ?
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