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04/02/2021 | FRANCE | N°20BX02547

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 04 février 2021, 20BX02547


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 12 mars 2020 par lequel le préfet du Gers l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2001419 du 18 mars 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la co

ur :

Par une requête enregistrée le 7 août 2020, M. B..., représenté par Me D... F..., dema...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 12 mars 2020 par lequel le préfet du Gers l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2001419 du 18 mars 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 août 2020, M. B..., représenté par Me D... F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse du 18 mars 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 mars 2020 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 1 800 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le préfet a entaché la décision d'éloignement d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en prononçant à son encontre une interdiction de retour en France pendant deux ans ;

- cette interdiction de retour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par une ordonnance du 1er décembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 17 décembre 2020 à 12h00.

M. B..., représenté par Me D..., a produit un nouveau mémoire qui a été enregistré le 23 décembre 2020, soit postérieurement à la clôture de l'instruction.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 juillet 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... B..., ressortissant algérien né en 1987, est entré en France de manière irrégulière, au cours de l'année 2018 selon ses déclarations. Par un arrêté du 12 mars 2020, le préfet du Gers l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire pendant deux ans. M. B... relève appel du jugement du 18 mars 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré en France au cours de l'année 2018. Il s'y maintient depuis lors en situation irrégulière, sans profession et sans ressources. S'il se prévaut de son mariage avec une ressortissante française, enceinte de deux mois à la date de l'arrêté attaqué, il ressort de ces mêmes pièces que cette union, célébrée en janvier 2020, tout comme la communauté de vie entre les époux, sont très récentes. De plus, il ressort des procès-verbaux de police que la relation entre les intéressés est instable et, qu'à la date de l'arrêté attaqué, Mme B... envisageait le divorce. Les circonstances que les époux auraient repris une vie commune normale et que la naissance de leur enfant est imminente sont sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué, qui s'apprécie à la date de son édiction. Enfin, si l'appelant se prévaut de la présence de toute sa famille en France, il ressort des pièces du dossier que son père réside toujours en Algérie, pays où il a lui-même vécu pendant plus de trente ans. Dans ces conditions, le préfet du Gers n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision d'éloignement a été prise et n'a, par suite, pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. B....

Sur l'interdiction de retour :

3. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) III. - L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., qui n'a jamais fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement et ne constitue pas une menace pour l'ordre public, est marié à une ressortissante française et que le couple attend un enfant. Dans ces conditions, le préfet a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en fixant la durée de l'interdiction de retour à deux ans, durée qui présente, dans les circonstances de l'espèce, un caractère disproportionné.

5. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 mars 2020 en tant qu'il prononce une interdiction de retour sur le territoire pendant deux ans.

6. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. B..., qui a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, tendant à l'application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative au bénéfice de son avocat.

DECIDE :

Article 1er : La décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans contenue dans l'arrêté du préfet du Gers du 12 mars 2020 est annulée.

Article 2 : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse du 18 mars 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise au préfet du Gers.

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2021 à laquelle siégeaient :

Mme C... A..., président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 février 2021.

Le président-rapporteur,

Marianne A...Le président-assesseur,

Didier Salvi

Le greffier,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 20BX02547 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20BX02547
Date de la décision : 04/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Marianne HARDY
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : SEIGNALET MAUHOURAT

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-02-04;20bx02547 ?
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