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11/02/2021 | FRANCE | N°20BX01534

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 11 février 2021, 20BX01534


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2019 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant deux ans.

Par un jugement n° 1906046 du 11 mars 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la

cour :

Par une requête, enregistrée le 5 mai 2020, Mme C..., représentée par Me B..., d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2019 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant deux ans.

Par un jugement n° 1906046 du 11 mars 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 mai 2020, Mme C..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 11 mars 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde du 6 novembre 2019 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour " salarié " dans le délai d'un mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou de procéder au réexamen de sa demande dans le même délai et, dans l'attente d'une nouvelle décision, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme C... soutient que :

- l'arrêté est entaché d'incompétence, dès lors qu'il n'est justifié ni de la publication régulière de l'arrêté de délégation de signature ni de l'absence ou de l'empêchement de la préfète ;

S'agissant du refus de titre de séjour,

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article 3 de l'accord franco-tunisien, dès lors qu'elle a bien été employée par le centre hospitalier de Bordeaux en qualité de praticien attaché associé du 28 février 2018 au 30 juin 2019, date à laquelle elle a choisi de rompre son contrat et d'accepter la proposition d'emploi émanant de l'hôpital Henri Mondor à Créteil ; à la date du 4 avril 2019, c'est donc en toute bonne foi qu'elle s'est prévalue de cette qualité ; ce n'est que pour accélérer le traitement de sa demande de renouvellement de titre afin de pouvoir transférer son dossier de la préfecture de Bordeaux à la préfecture de police de Paris qu'elle a fourni, en septembre 2019, des documents falsifiés ;

- l'arrêté méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'elle est hébergée chez son frère dont elle est très proche et qui bénéficie d'un titre de séjour pluriannuel, qu'elle a effectué une partie de ses études en France et y a effectué de nombreux stages, qu'elle y réside de manière régulière depuis trois ans et y bénéficie de soins ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français,

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

S'agissant du délai de retour,

- il est insuffisamment motivé ;

- elle n'a pas été mise en mesure de présenter ses observations ;

S'agissant de l'interdiction de retour,

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 octobre 2020, la préfète de Gironde conclut au rejet de la requête et fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme D... et les observations de Me B... pour Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... C..., de nationalité tunisienne, relève appel du jugement du 11 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de la préfète de la Gironde du 6 novembre 2019 portant refus de lui délivrer un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de renvoi et lui faisant interdiction de retourner sur le territoire français pendant deux ans.

2. Mme C..., docteur en médecine, est entrée régulièrement en France le 13 novembre 2016 afin d'accomplir un stage d'une année dans le service de cardiologie du centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse, dans le cadre d'un partenariat entre ce dernier et l'hôpital universitaire de La Rabta à Tunis. La convention de stage a été renouvelée du 2 novembre 2017 au 1er novembre 2018, et Mme C... a ainsi été titulaire d'un titre de séjour " stagiaire " jusqu'au 1er novembre 2018. À compter du 28 février 2018, Mme C... a été recrutée par le CHU de Bordeaux en qualité de praticien attaché associé quatre demi-journées par semaine puis à plein temps jusqu'au 11 décembre 2019 et s'est vu délivrer un titre de séjour mention " salarié " valable jusqu'au 18 juin 2019. Le 4 avril 2019, elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Deux mois plus tard, le 5 juin 2019, Mme C... a conclu un contrat d'engagement à plein temps avec l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (APHP), pour exercer en qualité de praticien attaché associé dans le service de cardiologie de l'hôpital Henri Mondor à Créteil (Val-de-Marne). Souhaitant accélérer le traitement de sa demande de renouvellement de son titre de séjour mention " salarié " avant de transférer son dossier à la préfecture de police de Paris, Mme C... a transmis à la préfecture de Gironde une attestation falsifiée du directeur général du CHU de Bordeaux, attestant qu'elle exerçait en qualité de praticien attaché associé à temps plein jusqu'au 11 décembre 2020. Toutefois, le 23 septembre 2019, les services de la préfecture de la Gironde ont adressé au CHU de Bordeaux un courriel afin de vérifier l'exactitude des déclarations de Mme C... et, par courriel de 26 septembre 2019, le CHU a répondu que l'intéressée n'était plus affectée en son sein depuis le 30 juin 2019. La préfète, constatant ainsi que l'intéressée avait tenté indûment d'obtenir le renouvellement de son titre de séjour en falsifiant des documents, lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour. Toutefois, il est constant que cette fausse déclaration, pour regrettable qu'elle soit, n'a porté que sur l'identité du centre hospitalier employant l'intéressé et n'a été motivée que par la crainte de Mme C... de ne pas obtenir le transfert de son dossier, face aux informations reçues à la préfecture de police de Paris, où on lui a indiqué que ce transfert ne pouvait intervenir dès lors que sa demande de titre était en cours d'instruction dans les services de la préfecture de Bordeaux. Eu égard au parcours de l'intéressée, qui travaille depuis fin 2016 dans les hôpitaux français, où sa compétence et son dévouement sont unanimement reconnus, au contrat qu'elle a conclu avec l'hôpital Henri Mondor et à son intégration en France, la décision de la préfète de la Gironde lui refusant le renouvellement de son titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

3. Il résulte de ce qui précède que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de la préfète de la Gironde du 6 novembre 2019.

4. Le présent arrêt implique nécessairement que la préfète de la Gironde délivre à Mme C... un titre de séjour " salarié " dans le délai de deux mois à compter de deux mois à compter de sa notification, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'État, au profit de la requérante, la somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 11 mars 2020 et l'arrêté de la préfète de la Gironde du 6 novembre 2019 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la préfète de la Gironde de délivrer à Mme C... un titre de séjour " salarié " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'État versera à Mme C... une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Amira C... et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 14 janvier 2021 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme E..., présidente-assesseure,

Mme Florence Madelaigue, premier conseiller.

Rendu public par dépôt au greffe le 11 février 2021.

Le président de chambre,

Éric Rey-Bèthbéder

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 20BX01534


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 20BX01534
Date de la décision : 11/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Frédérique MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur public ?: Mme CHAUVIN
Avocat(s) : LEPINE ERIC

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-02-11;20bx01534 ?
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