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23/02/2021 | FRANCE | N°19BX02251

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 23 février 2021, 19BX02251


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... L... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les décisions du 24 mars 2016 et du 13 février 2017 par lesquelles la directrice de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Manon Cormier lui a retiré des fonctions de cadre de santé pour l'affecter sur des fonctions d'infirmière en soins généraux, puis au terme de son congé de maladie l'a autorisée à exercer des fonctions d'infirmière en services généraux à temps partiel pour rais

on thérapeutique, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... L... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les décisions du 24 mars 2016 et du 13 février 2017 par lesquelles la directrice de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Manon Cormier lui a retiré des fonctions de cadre de santé pour l'affecter sur des fonctions d'infirmière en soins généraux, puis au terme de son congé de maladie l'a autorisée à exercer des fonctions d'infirmière en services généraux à temps partiel pour raison thérapeutique, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1703401 du 28 mars 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 31 mai 2019 et le 7 décembre 2020, Mme A..., représentée par Me J..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 28 mars 2019 ;

2°) d'annuler les décisions de la directrice de l'EHPAD Manon Cormier du 24 mars 2016 et du 13 février 2017, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre à la directrice de l'EHPAD Manon Cormier de la réaffecter dans ses précédentes fonctions, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'EHPAD Manon Cormier une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que " les entiers dépens ".

Elle soutient que :

- la décision du 13 février 2017 par laquelle la directrice de l'EHPAD Manon Cormier l'a autorisée à exercer ses fonctions à temps partiel pour raison thérapeutique a été édictée au terme d'une procédure irrégulière car la fiche d'aptitude établie par le médecin du travail qui porte la mention " annule et remplace " ne précise pas la décision à laquelle elle se substitue ; en outre, la seconde fiche d'aptitude est irrégulière puisqu'elle se prononce sur sa capacité à exercer des fonctions d'infirmière alors qu'elle était auparavant cadre de santé depuis son recrutement en 2014 comme faisant fonction de cadre dans l'attente de l'organisation d'un concours sur titres ; l'entretien avec le médecin du travail a porté sur son aptitude aux fonctions de cadre de santé ; cet avis est entaché d'une erreur d'appréciation quant à sa capacité à exercer en tant qu'infirmière, alors qu'elle est éloignée de la pratique des soins depuis 12 ans ; c'est à tort que les premiers juges ont retenu que la décision était implicitement mais nécessairement fondée sur la seconde fiche d'aptitude ; la circonstance que deux fiches d'aptitude aient été émises le même jour entache la procédure d'irrégularité ;

- à supposer qu'elle devait reprendre des fonctions d'infirmière en soins généraux, elle aurait dû en être préalablement informée afin d'être en mesure de formuler des observations ;

- cette décision est également entachée d'un vice de forme dès lors qu'elle vise une fiche d'aptitude sans préciser laquelle ;

- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision du 24 mars 2016 de changement d'affectation, prise pendant son congé de maladie et non justifiée par l'intérêt du service, qui doit également être annulée, ce qui implique qu'elle soit affectée sur un poste de cadre de santé ;

- les décisions du 24 mars 2016 et du 13 février 2017, qui entraînent déclassement et perte de rémunération, constituent des sanctions disciplinaires déguisées après les difficultés liées à son congé de maladie.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 17 avril 2020 et le 17 décembre 2020, l'EHPAD Manon Cormier, représenté par Me M..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... H...,

- les conclusions de Mme N... C..., rapporteure publique,

- et les observations de Me G..., représentant Mme A..., et de Me M..., représentant l'EHPAD Manon Cormier.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., infirmière en soins généraux et spécialisés, a été recrutée le 23 juin 2014 par l'EHPAD Manon Cormier à Bègles sur un poste d'infirmière faisant fonction de cadre de santé. Placée en congé de maladie ordinaire du 17 décembre 2015 au 22 mars 2016, Mme A... a été réaffectée, par une décision du 24 mars 2016, sur un poste d'infirmière dans les services de soins. L'intéressée a de nouveau été placée en congé de maladie ordinaire du 25 mars 2016 au 12 février 2017 puis autorisée, par une décision du 13 février 2017, à exercer ses fonctions à temps partiel pour raison thérapeutique pour une durée de 3 mois. Mme A... a formé, le 10 avril 2017, un recours gracieux contre ces décisions du 24 mars 2016 et du 13 février 2017, qui a été rejeté par une décision implicite née du silence gardé par l'EHPAD Manon Cormier. Mme A... a demandé au tribunal administratif d'annuler ces décisions du 24 mars 2016 et du 13 février 2017 ainsi que la décision rejetant son recours gracieux. Elle relève appel du jugement du 28 mars 2019 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité de la décision du 24 mars 2016 :

2. Mme A... soutient que cette décision mettant un terme à ses fonctions de cadre de santé pour l'affecter sur un poste d'infirmière est illégale dès lors qu'un tel changement d'affectation n'était pas justifié par l'intérêt du service. Il ressort toutefois des nombreuses pièces produites au dossier par l'EHPAD Manon Cormier, notamment de compte-rendus de séances du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, du comité technique d'établissement et de différentes réunions du personnel que Mme A... rencontrait d'importantes difficultés dans l'exercice de ses fonctions de cadre de santé. En particulier, de nombreux problèmes de management ainsi que des difficultés récurrentes dans l'organisation du planning des agents nuisaient au bon fonctionnement de service, Mme A... n'étant pas parvenue à les corriger en dépit des nombreux signalements et réunions dont ils ont fait l'objet. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision du 24 mars 2016 n'était pas justifiée par l'intérêt du service. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette décision révèlerait une sanction disciplinaire déguisée et serait entachée d'un détournement de pouvoir.

En ce qui concerne la légalité de la décision du 13 février 2017 :

3. Il ressort des pièces du dossier que le médecin du travail, consulté pour évaluer l'aptitude de Mme A... à reprendre ses fonctions à l'issue de son congé de maladie, a émis un premier avis le 13 février 2017 indiquant que l'intéressée occupait un poste de cadre de santé, puis un second avis, le même jour, portant la mention " annule et remplace " et précisant qu'elle occupait un poste d'infirmière. Si Mme A... soutient que la procédure est irrégulière faute pour ce second avis de préciser quelle décision est annulée et remplacée, il ressort à l'évidence des pièces du dossier que ce second avis a pour objet et pour effet de se substituer au premier, seulement entaché d'une erreur de plume quant aux fonctions qui lui étaient assignées au sein de l'EHPAD Manon Cormier. En outre, contrairement à ce que soutient la requérante, la circonstance que deux avis aient été émis le même jour par le médecin du travail ne saurait suffire à entacher la procédure d'une quelconque irrégularité.

4. La légalité d'une décision administrative s'appréciant à la date de son édiction, la circonstance que le médecin du travail se soit prononcé sur l'aptitude de Mme A... à reprendre des fonctions d'infirmière et non d'infirmière faisant fonction de cadre de santé est dépourvue d'incidence sur la régularité de la procédure préalable à la décision litigieuse du 13 février 2017, dès lors qu'à cette date Mme A... avait été réaffectée sur un poste d'infirmière en soins par la décision du 24 mars 2016.

5. Contrairement à ce que soutient Mme A..., il ne ressort pas des pièces du dossier, et en particulier pas du second avis émis et signé par le médecin du travail le 13 février 2017, que celui-ci n'aurait pas évalué, au terme d'un entretien qui a duré près d'une heure et demie, l'aptitude de l'intéressée à reprendre des fonctions d'infirmière en soins.

6. Ainsi que l'ont retenu les premiers juges, la décision litigieuse du 13 février 2017 autorisant Mme A... à exercer ses fonctions à temps partiel pour raison thérapeutique doit implicitement mais nécessairement être regardée comme se référant au second avis d'aptitude qui porte la mention " annule et remplace ". Cette décision n'est entachée d'aucun vice de forme à cet égard.

7. Si Mme A... soutient que l'avis du médecin du travail et la décision du 13 février 2017 sont entachées d'une erreur d'appréciation quant à son aptitude à reprendre son activité professionnelle sur un poste d'infirmière, elle se borne à exposer qu'elle n'a pas exercé de telles fonctions depuis longtemps, circonstance qui est relative à ses compétences professionnelles et non à son aptitude médicale, et ne saurait être de nature à contredire une telle appréciation.

8. Les moyens dirigés contre la décision du 24 mars 2016 ayant été précédemment écartés, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision du 13 février 2017 devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de cette décision.

9. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision du 13 février 2017, qui a uniquement pour objet d'autoriser Mme A... à exercer ses fonctions à temps partiel pour raison thérapeutique, revêtirait le caractère d'une sanction déguisée.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

11. Mme A... ne justifiant pas avoir exposé de dépens pour la présente instance, les conclusions tendant à ce qu'ils soient mis à la charge de l'EHPAD Manon Cormier ne peuvent qu'être rejetées.

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que demande Mme A... au titre des frais qu'elle a exposés pour la présente instance soit mise à la charge de l'EHPAD Manon Cormier, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande présentée par l'EHPAD Manon Cormier sur le fondement de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'EHPAD Manon Cormier au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... L... épouse A... et à l'établissement pour personnes âgées dépendantes Manon Cormier.

Délibéré après l'audience du 26 janvier 2021 à laquelle siégeaient :

Mme K... I..., présidente,

Mme B... E..., présidente-assesseure,

Mme D... H..., conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 février 2021.

La rapporteure,

Kolia H...

La présidente,

Catherine I...

La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX02251


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX02251
Date de la décision : 23/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Affectation et mutation.

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Congés - Congés de maladie.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Kolia GALLIER
Rapporteur public ?: Mme BEUVE-DUPUY
Avocat(s) : BALTAZAR

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-02-23;19bx02251 ?
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