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25/02/2021 | FRANCE | N°20BX02467

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 25 février 2021, 20BX02467


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B..., épouse D..., a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 27 décembre 2019 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2000156 du 28 mai 2020, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 31 juillet 2020, Mme D..., représentée par Me A..., demand

e à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 28 mai 2020 ;

2°)...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B..., épouse D..., a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 27 décembre 2019 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2000156 du 28 mai 2020, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 31 juillet 2020, Mme D..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 28 mai 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Vienne ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer une carte de séjour temporaire, sous astreinte de 70 euros par jour de retard à compter du délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de renonciation au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 5) de l'article 6 de l'accord franco- algérien du 27 décembre 1968 et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle compte tenu des liens qu'elle entretient avec ses proches en France ; l'ensemble de sa famille est établi en France depuis 45 ans et elle n'a pas de liens familiaux en Algérie où elle ne travaillait pas, hormis avec deux tantes avec lesquelles elle n'a plus de contact;

- sa mère, invalide à la suite d'un AVC, a besoin d'un accompagnement quotidien ; sans enfants, ni attache en Algérie et sans activité professionnelle, elle est la seule à pouvoir assurer cette tache auprès de sa mère ;

- la condition relative à son intégration dans la société française et ses conditions d'existence et le développement d'intérêts dans ce pays, examinée par la circulaire du 28 novembre 2012 est remplie dès lors que l'ensemble de ses proches travaillent et subviennent à ses besoins dans l'attente de la régularisation de sa situation, qu'elle a acquis des droits à la retraite en France, que dès sa régularisation elle sera recrutée par ses parents en tant qu'aide à domicile afin de remplacer sa soeur, et qu'elle a grandi, étudié et travaillé en France ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de cette même convention au motif que l'absence aux côtés de sa mère aurait pour conséquence directe de dégrader l'état de santé physique et mental de cette dernière ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2020, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que la requête est tardive et qu'aucun des moyens soulevés par Mme D... n'est fondé.

Mme C... B..., épouse D..., a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 3 septembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco- algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme E... F... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., ressortissante algérienne née le 20 décembre 1964, est entrée régulièrement en France le 31 mars 2019 sous couvert d'un visa de court séjour. À l'expiration de celui-ci, elle s'est maintenue sur le territoire et a sollicité, le 2 juillet 2019, la délivrance d'un certificat de résidence au titre de " la vie privée et familiale " au motif que sa présence est nécessaire auprès de sa mère malade. Elle relève appel du jugement du 28 mai 2020 du tribunal administratif de Limoges qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 décembre 2019 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, Mme D... reprend en appel son moyen de première instance tiré de ce que la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée au regard notamment de l'absence de mention de l'ensemble des membres de sa famille. Toutefois, l'appelante ne se prévaut d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal administratif. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les premiers juges auraient, par les motifs qu'ils ont retenus et qu'il y a lieu d'adopter, commis une erreur en écartant le moyen précité.

3. En second lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ". En vertu des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...) ".

4. Si Mme D... soutient que sa présence aux côtés de sa mère, invalide à la suite d'un AVC, présente un caractère indispensable, eu égard aux obligations familiales et professionnelles pesant sur ses frères et soeurs, qui ne seraient pas en mesure d'apporter à sa mère l'aide requise, il ne ressort toutefois des pièces du dossier ni que d'autres membres de la famille ne seraient pas en mesure d'apporter le complément d'assistance quotidienne dont sa mère aurait besoin, alors qu'il ressort de ses propres écritures que sa soeur effectue cette prise en charge dans le cadre d'un contrat de travail, ni, d'ailleurs que cette aide ne puisse être donnée de façon suffisante par la prise en charge dont elle bénéficie, organisée, selon ses dires, trois heures par jour par les services médico-sociaux. Mme D... n'est, par ailleurs, pas dépourvue d'attaches familiales en Algérie où elle vit depuis trente ans et où résident deux de ses tantes. Les circonstances qu'elle a vécu dix ans en France de 1976 à 1986 avec l'ensemble de sa famille, période au cours de laquelle elle a suivi une scolarité et a travaillé et qu'elle dispose de la quasi-totalité de ses attaches en France, notamment son père et sa mère ainsi que ses six frères et soeurs régulièrement installés en France, ne sont pas suffisantes pour établir que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle, dès lors qu'elle est retournée vivre en Algérie en 1986 après son mariage avec M. D..., ressortissant algérien avec lequel elle vit depuis trente ans, et que l'intéressée ne peut dès lors être regardée comme ayant établi le centre de ses intérêts familiaux en France. Dans ces conditions, le refus de séjour litigieux n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs qui lui ont été opposés et n'a méconnu ni les stipulations du 5°) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ces mêmes circonstances ne suffisent pas à établir que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences du refus de titre de séjour sur la situation personnelle de l'intéressée.

5. Par ailleurs, Mme D... ne peut utilement invoquer les orientations générales que le ministre de l'intérieur, dans sa circulaire du 28 novembre 2012, a adressées aux préfets pour les éclairer dans la mise en oeuvre de leur pouvoir de régularisation et qui est dépourvue de portée impérative.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire :

6. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut de base légale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour.

7. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 4, l'obligation faite à Mme D... de quitter le territoire français ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

8. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que Mme D... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.

9. Mme D... ne peut utilement invoquer la situation de sa mère en France au soutien du moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré de leur méconnaissance ne peut qu'être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 27 décembre 2019. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction, ainsi que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 28 janvier 2021 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme G..., présidente-assesseure

Mme E... F..., premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 février 2021.

Le président de chambre,

Éric Rey-Bèthbéder

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 20BX02467


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 20BX02467
Date de la décision : 25/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Florence MADELAIGUE
Rapporteur public ?: Mme CHAUVIN
Avocat(s) : BENAIM

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-02-25;20bx02467 ?
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