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25/02/2021 | FRANCE | N°20BX02616

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 25 février 2021, 20BX02616


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 24 septembre 2018 par lequel le préfet de la Gironde l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par une ordonnance n° 1903522 du 22 novembre 2019 le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande comme tardive.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistré

e le 7 août 2020, et un mémoire, enregistré le 21 janvier 2021, M. C..., représenté par Me B......

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 24 septembre 2018 par lequel le préfet de la Gironde l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par une ordonnance n° 1903522 du 22 novembre 2019 le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande comme tardive.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 août 2020, et un mémoire, enregistré le 21 janvier 2021, M. C..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 22 novembre 2019 du président du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 septembre 2018 par lequel le préfet de la Gironde l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros à verser à son conseil, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- sa requête de première instance était recevable dès lors que le délai de recours n'a pas couru ;

- l'arrêté litigieux est insuffisamment motivé et que le préfet s'est cru à tort lié par l'avis du collège des médecins de l'OFII ;

- cet arrêté a méconnu les dispositions du 7° et du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que celles de l'article L. 313-14 du même code et les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par un mémoire, enregistré le 3 novembre 2020, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que la requête est tardive et que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 mai 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- et les observations de Me B..., représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant ukrainien, né le 3 septembre 1977, est entré en France le 22 juillet 2014 en compagnie de son épouse, de leur fille et sa belle-fille. Sa demande d'asile a été définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 10 mai 2016. Par un arrêté du 24 septembre 2018, le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. C... relève appel de l'ordonnance du 22 novembre 2019 par laquelle le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté pour tardiveté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la recevabilité de la requête :

2. Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1 ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a déposé une demande d'aide juridictionnelle le 24 décembre 2019, dans le délai d'appel de l'ordonnance attaquée du 22 novembre 2019. La préfète fait valoir que cette demande était incomplète et que, le 9 février 2020, le tribunal judiciaire de Bordeaux lui a accordé, à peine de caducité, un délai de 15 jours pour la compléter mais que M. C... n'a produit les pièces nécessaires à l'instruction de son dossier que le 19 mars suivant. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le tribunal judiciaire n'a pas prononcé la caducité de cette demande mais a, au contraire, accordé l'aide juridictionnelle totale à l'intéressé le 6 mai 2020. Par suite, le préfet n'est pas fondé à soutenir qu'à raison de cette caducité, la requête d'appel a été enregistrée postérieurement à l'expiration du délai d'appel.

Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaqué :

4. Aux termes du I de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des 3°, 5°, 7° ou 8° du I de l'article L. 511-1 ou sur le fondement de l'article L. 511-3-1 et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II de l'article L. 511-1 ou au sixième alinéa de l'article L. 511-3-1 peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ou d'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant (...) ".

5. En outre, aux termes de l'article 38 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 pris pour l'application de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 : " Lorsqu'une action en justice ou un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions de première instance ou d'appel, l'action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter (...) c) De la date à laquelle le demandeur à l'aide juridictionnelle ne peut plus contester la décision d'admission ou de rejet de sa demande en application du premier alinéa de l'article 56 et de l'article 160 ou, en cas de recours de ce demandeur, de la date à laquelle la décision relative à ce recours lui a été notifiée/ d) Ou, en cas d'admission, de la date, si elle plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné ; (...) ". Selon les dispositions de l'article 50 de ce décret : " Copie de la décision du bureau (...) est notifiée à l'intéressé par le secrétaire du bureau (...) par lettre simple en cas d'admission à l'aide juridictionnelle totale (...) ".

6. Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'une demande d'aide juridictionnelle interrompt le délai de recours contentieux et qu'un nouveau délai de même durée recommence à courir à compter de l'expiration d'un délai de quinze jours après la notification à l'intéressé de la décision se prononçant sur sa demande d'aide juridictionnelle ou, si elle est plus tardive, à compter de la date de désignation de l'auxiliaire de justice au titre de l'aide juridictionnelle. Il en va ainsi quel que soit le sens de la décision se prononçant sur la demande d'aide juridictionnelle, qu'elle en ait refusé le bénéfice, qu'elle ait prononcé une admission partielle ou qu'elle ait admis le demandeur au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, quand bien même dans ce dernier cas le ministère public ou le bâtonnier ont, en vertu de l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991, seuls vocation à contester une telle décision

7. D'une part, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté litigieux a été notifié à l'appelant le 27 septembre 2018 et que celui-ci a déposé une demande d'aide juridictionnelle le 25 octobre suivant, dans le délai de recours contentieux de trente jours prévu au I précité de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. D'autre part, pour juger que le recours de M. C... dirigé contre l'arrêté litigieux n'avait pas été introduit dans un délai raisonnable, le président du tribunal administratif de Bordeaux s'est fondé sur la circonstance que le tribunal avait été saisi plus de sept mois après la décision du bureau d'aide juridictionnelle du 21 novembre 2018 l'admettant au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, qui désignait également l'auxiliaire de justice chargé de l'assister. Toutefois, aucune pièce du dossier ne permettant de connaître la date à laquelle la décision du bureau d'aide juridictionnelle a été notifiée à M. C... ni même celle à laquelle celui-ci en a eu connaissance, le dépassement d'un délai raisonnable ne pouvait être légalement opposé à l'intéressé, à supposer même qu'il pût en l'occurrence être fixé à une durée inférieure à sept mois.

9. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. C... est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance du 22 novembre 2019 par laquelle le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté comme irrecevable sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de la préfète de la Gironde du 24 septembre 2018.

10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer M. C... devant le tribunal administratif de Bordeaux pour qu'il y soit à nouveau statué sur sa demande.

11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme que demande M. C... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 1903522 du 22 novembre 2019 du président du tribunal administratif de Bordeaux est annulée.

Article 2 : Les conclusions de M. C... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 3 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Bordeaux pour qu'il soit statué sur la demande de M. C....

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 28 janvier 2021 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme E..., présidente-assesseure,

M. Manuel D..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 février 2021.

Le président de chambre,

Éric Rey-Bèthbéder

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 20BX02616 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 20BX02616
Date de la décision : 25/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: Mme CHAUVIN
Avocat(s) : MISSIAEN

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-02-25;20bx02616 ?
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