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01/03/2021 | FRANCE | N°19BX03560

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 01 mars 2021, 19BX03560


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... I... E... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse, d'une part, d'annuler l'arrêté du 23 juillet 2018 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination et, d'autre part, d'enjoindre audit préfet, sous astreinte, de lui délivrer le titre de séjour sollicité.

Par un jugement n° 1805260 du 21 mars 2019, le tribunal administr

atif de Toulouse a rejeté la demande de Mme E....

Procédure devant la cour :

Par une...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... I... E... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse, d'une part, d'annuler l'arrêté du 23 juillet 2018 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination et, d'autre part, d'enjoindre audit préfet, sous astreinte, de lui délivrer le titre de séjour sollicité.

Par un jugement n° 1805260 du 21 mars 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de Mme E....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 septembre 2019, Mme E... demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 21 mars 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 23 juillet 2018 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne, sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11-4° ou de l'article L. 314-9-3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, outre les entiers dépens, une somme de 1 800 euros à verser au bénéfice de son conseil sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- la compétence du signataire de l'arrêté attaqué n'est pas établie ;

- la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée en droit comme en fait, en l'absence de visa de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et en l'absence de toute indication précise relative à ses attaches familiales en France et à Madagascar ; les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de l'absence de visa de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a commis un détournement de pouvoir, un détournement de procédure et a adopté un comportement déloyal dès lors qu'il ne s'est prononcé sur sa demande de titre de séjour que treize mois après l'enregistrement de sa demande à la préfecture le 29 juin 2017 afin d'attendre délibérément qu'elle ne remplisse plus les conditions des dispositions qu'elle invoquait au soutien de sa demande ;

- le préfet a commis une double erreur de fait, en remettant en cause la réalité et la sincérité de son mariage, et en considérant, à tort, qu'elle ne percevait pas la rémunération minimale mentionnée à l'article L. 3232-1 du code du travail alors qu'elle perçoit, en sa qualité d'agent de propreté en contrat à durée indéterminée, une rémunération mensuelle brute de 1 533,38 euros, supérieure au SMIC fixée pour 2018 à 1 498,50 euros ;

- le préfet a méconnu son droit au respect de sa vie privée et familiale dès lors qu'elle vit en France depuis cinq ans, qu'elle est intégrée socialement et professionnellement puisqu'elle est agent de propreté pour la société Antisale depuis le 26 octobre 2015.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 décembre 2020, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme E... épouse A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme H....

Considérant ce qui suit :

1. Mme F... I... E... épouse A..., ressortissante malgache, née le 3 juillet 1985 à Beramanja (Madagascar), est entrée en France sous le couvert d'un passeport revêtu d'un visa de long séjour valant premier titre de séjour pour une durée d'un an à compter du 18 juin 2014, à la suite de son mariage, contracté le 24 janvier 2014 à Diego Suarez, avec M. A..., de nationalité française. Une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " lui a été accordée le 19 juin 2015 et a été régulièrement renouvelée jusqu'au 18 juin 2017. Le 29 juin 2017, Mme E... a sollicité le renouvellement de son titre de séjour en qualité de conjointe d'un ressortissant français sur le fondement des articles L. 313-11 4° et L. 314-9 3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 23 juillet 2018, le préfet de la Haute-Garonne a prononcé à son encontre un refus de renouvellement de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français. Mme E... fait appel du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 21 mars 2019, qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 23 juillet 2018.

Sur la régularité du jugement :

2. Par le point 3 de leur jugement, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre de façon exhaustive à tous les arguments avancés à l'appui d'un moyen, ont répondu au moyen tiré de l'insuffisance de motivation en droit et en fait du refus de séjour attaqué. Par suite, à supposer soulevé un moyen tiré d'une omission à statuer commise par les premiers juges en ce qu'il n'auraient pas répondu au moyen tiré de l'absence de visa de l'article L. 313 12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un tel moyen ne peut qu'être écarté, la circonstance qu'ils auraient, à tort, considéré qu'en l'absence de visa de cet article, la décision attaquée était suffisamment motivée, ressortissant au bien-fondé et non à la régularité du jugement.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité externe :

3. En premier lieu, les premiers juges ont, par le point 2 de leur jugement, exposé que Mme C... G..., signataire de l'arrêté attaqué, avait reçu une délégation de signature régulière de la part du préfet de la Haute-Garonne. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte, réitéré à l'identique en appel, doit être écarté par adoption du motif pertinemment retenu par les premiers juges.

4. En deuxième lieu, la décision de refus de séjour en litige comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. D'une part, au titre des considérations de droit, le préfet a notamment visé la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier les articles L. 313-11-4° et L. 314-9-3° dudit code. La seule circonstance qu'il n'ait pas visé l'article L. 313-12 de ce code ne saurait suffire à faire regarder la décision portant refus de séjour comme insuffisamment motivée en droit ni davantage, comme révélant un défaut d'examen particulier de la demande de Mme E..., alors au demeurant que celle-ci a demandé le renouvellement de son titre sur le fondements des articles L. 313-11-4° et L. 314-9-3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que l'article L. 313-12, dont elle se plaint qu'il n'ait pas été visé, renvoie à l'article L. 313-11-4°. Au surplus, il ressort des termes de la décision attaquée que le préfet a statué au regard d'une demande de renouvellement de titre " conjoint de Français ". D'autre part, au titre des considérations de fait, le préfet, qui n'avait pas à décrire de façon exhaustive la situation familiale de Mme E..., a mentionné ses conditions d'entrée et de séjour en France, la cessation de la vie commune avec son époux, et le fait qu'elle n'était pas sans attaches ni liens personnels importants à Madagascar, où elle avait vécu la majeure partie de sa vie et où résident, selon ses déclarations et a minima, ses parents, sa fille, son frère et ses trois soeurs. Dans ces conditions, le moyen tiré d'un défaut de motivation du refus de séjour doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne ;

5. D'une part, aux termes de l'article L. 314-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de résident est délivrée de plein droit : / (...) / 3° A l'étranger marié depuis au moins trois ans avec un ressortissant de nationalité française, à condition qu'il séjourne régulièrement en France, que la communauté de vie entre les époux n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français. ".Aux termes de l'article L. 313-11 de ce code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ".

6. D'autre part, aux termes de l'article R. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le silence gardé par l'administration sur les demandes de titres de séjour vaut décision implicite de rejet. " Selon l'article R. 311-12-1 du même code : " La décision implicite mentionnée à l'article R. 311-12 naît au terme d'un délai de quatre mois ". Il résulte de ces dispositions que la demande de carte de résident dix ans et, à titre subsidiaire, de titre de séjour mention " vie privée et familiale " présentée par Mme E... a fait l'objet d'une décision implicite de refus, née le 30 octobre 2017. Par un arrêté du 26 juillet 2018, le préfet s'est explicitement prononcé et a rejeté sa demande. La décision ainsi intervenue s'est nécessairement substituée à la décision implicite initiale.

7. En premier lieu, si Mme E... soutient que le préfet ne s'est prononcé sur sa demande que treize mois après son enregistrement à la préfecture le 29 juin 2017 afin d'attendre délibérément qu'elle ne remplisse plus les conditions des dispositions qu'elle invoquait au soutien de sa demande, ses allégations, assorties d'aucun élément de preuve, ne suffisent pas à estimer que le préfet aurait commis un détournement de procédure. Dès lors qu'en application des dispositions précitées de l'article R. 311-12 et R. 311-12-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une décision implicite de rejet de sa demande était née le 30 octobre 2017, et comme l'ont déjà relevé à bon droit les premiers juges, il appartenait à la requérante si elle s'y croyait fondée de contester cette première décision. Par suite, les moyens tirés du détournement de pouvoir, de procédure et du comportement déloyal du préfet ne peuvent qu'être écartés.

8. En deuxième lieu, si la requérante fait d'une part valoir que le préfet a, à tort, estimé qu'elle n'établissait pas la réalité et la continuité d'une vie de couple avec son conjoint alors qu'elle produit de nombreux documents permettant d'établir que la communauté de vie a été effective entre eux, cependant, comme elle le reconnaît d'ailleurs elle-même, le couple s'est séparé en décembre 2017 ainsi que cela ressort également des termes de la décision du préfet. Ainsi, en dépit de la circonstance que la communauté de vie entre Mme E... et son époux était établie jusqu'en décembre 2017, le préfet, qui a pris en compte la situation de fait à la date à laquelle il a adopté sa décision, soit le 26 juillet 2018, a pu refuser de délivrer à la requérante un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées des articles L. 314 9 et L. 313-11 4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans commettre ni erreur de fait, ni erreur d'appréciation.

9. Si Mme E... fait d'autre part valoir que le motif par lequel le préfet de la Haute-Garonne a estimé qu' " aucun élément ne permet d'attester que sa rémunération est supérieure ou égale à la rémunération minimale mensuelle mentionnée à l'article L. 3232-1 du code du travail ", est entaché d'une erreur de fait, dès lors que sa rémunération, par la société Antisale qui l'emploie en qualité d'agent d'entretien sur la base d'un contrat à durée indéterminée, est supérieure à ce seuil minimal, il ressort cependant des pièces du dossier que le préfet aurait pris la même décision en se fondant sur le seul motif tiré de la rupture de la communauté de vie d'avec son époux.

10. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme E... est entrée en France à l'âge de 29 ans. S'il est établi que l'intéressée a entretenu une vie conjugale avec son époux de nationalité française, il est constant que le couple s'est séparé au mois de décembre 2017. Depuis lors, la requérante est célibataire et sans enfant. L'intéressée se prévaut de son intégration sociale sur le territoire français. Toutefois, si elle verse aux débats des attestations de trois associations, l'association des étudiants d'origine malgache de Toulouse, l'association IshetLane et l'association Paddy, celles-ci sont postérieures à la décision en litige et se contentent d'affirmer que Mme E... prend part bénévolement aux activités de ces associations. Enfin, Mme E... n'établit ni même n'allègue être dépourvue de toute attache familiale dans son pays d'origine, où résident ses parents, sa fille, son frère et ses trois soeurs, comme l'a estimé le préfet. Par suite, et nonobstant la circonstance que Mme E... travaille en qualité d'agent de propreté depuis trois années, c'est à bon droit que le tribunal administratif a considéré que l'autorité administrative n'avait pas méconnu son droit au respect de sa vie privée et familiale en refusant de lui délivrer un titre de séjour.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que ses conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... I... E... épouse A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 25 janvier 2021 à laquelle siégeaient :

M. Dominique Naves, président,

Mme C... B..., présidente-assesseure,

Mme H..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er mars 2021.

Le rapporteur,

H...

Le président,

Dominique Naves

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX03560


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX03560
Date de la décision : 01/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. NAVES
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : BREAN

Origine de la décision
Date de l'import : 12/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-03-01;19bx03560 ?
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