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04/03/2021 | FRANCE | N°20BX03545

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 04 mars 2021, 20BX03545


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2018 par lequel le préfet de la Gironde lui a refusé le bénéfice du regroupement familial pour son épouse.

Par un jugement n° 1902610 du 17 juin 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 octobre et 28 décembre 2020, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1

°) d'annuler ce jugement du 17 juin 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2018 ;

3°) d'enjoind...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2018 par lequel le préfet de la Gironde lui a refusé le bénéfice du regroupement familial pour son épouse.

Par un jugement n° 1902610 du 17 juin 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 octobre et 28 décembre 2020, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 17 juin 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde d'autoriser le regroupement familial demandé au bénéfice de son épouse dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens.

Il soutient que :

- le préfet n'ayant pas produit en première instance est réputé avoir acquiescé aux faits ; le tribunal ne pouvait pallier la carence du préfet en reprenant, pour motiver son jugement, les moyens de l'arrêté de refus de regroupement familial qui étaient au demeurant erronés ;

- le bénéfice du regroupement familial ne pouvait être refusé à son épouse en application de l'article R. 411-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'à la date de la demande, elle résidait régulièrement sur le territoire français avec une carte de séjour temporaire et qu'elle avait contracté mariage avec M. A... qui est de nationalité étrangère, régulièrement autorisé à séjourner sur le territoire et qui y réside régulièrement depuis 26 ans ; les motifs d'exclusion de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne lui étant pas opposables, il n'était pas possible pour le préfet de refuser la demande de regroupement familial ;

- la décision contestée méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 2 décembre 2020, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er octobre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à Dakar le 1er août 1995, et notamment son article 8 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020, et notamment son article 5 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G... ;

- et les observations de Me F..., représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. D... A..., ressortissant sénégalais né le 13 septembre 1971, est entré en France en 1993 et a bénéficié d'une carte de résident de dix ans depuis 2006, son titre actuel étant valable du 15 février 2016 au 14 février 2026. Il s'est marié le 15 mai 2016 au Sénégal avec une ressortissante sénégalaise, qui est entrée en France le 7 août 2016 sous couvert d'un visa de long séjour " étudiant " pour suivre un cursus à l'université de Nice et qui a bénéficié, par la suite, d'un titre de séjour étudiant valable jusqu'au 11 octobre 2018. M. A... a sollicité le 10 août 2018 le bénéfice du regroupement familial pour son épouse. Par un arrêté du 20 décembre 2018, le préfet de la Gironde a rejeté sa demande. M. A... relève appel du jugement du 17 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire (...) ". Aux termes de l'article R. 612-6 du code de justice administrative : " Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant ". Il résulte de ces dispositions que le défendeur à l'instance qui, en dépit d'une mise en demeure, n'a pas produit avant la clôture de l'instruction est réputé avoir acquiescé aux faits exposés par le requérant dans ses écritures. Il appartient alors seulement au juge de vérifier que la situation de fait invoquée par le demandeur n'est pas contredite par les pièces du dossier.

3. M. A... soutient que, dès lors que le préfet de la Gironde, partie défenderesse, n'a pas produit de mémoire en défense, les premiers juges auraient dû constater un acquiescement aux faits. Il ne ressort toutefois pas des mentions du jugement ni des pièces du dossier qu'une mise en demeure de produire ait été adressée au préfet. Ainsi, en l'absence de mise en demeure, les dispositions précitées de l'article R. 612-6 du code de justice administrative n'étaient pas applicables et l'appelant n'est pas fondé à soutenir que les premiers juges ont entaché leur jugement d'irrégularité en ne faisant pas application de la règle de l'acquiescement aux faits.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans ". Aux termes de l'article L. 411-6 du même code : " Peut être exclu du regroupement familial (...) 3° Un membre de la famille résidant en France ". L'article R. 411-6 du même code dispose : " Le bénéfice du regroupement familial ne peut être refusé à un ou plusieurs membres de la famille résidant sur le territoire français dans le cas où l'étranger qui réside régulièrement en France dans les conditions prévues aux articles R. 411-1 et R. 411-2 contracte mariage avec une personne de nationalité étrangère régulièrement autorisée à séjourner sur le territoire national sous couvert d'une carte de séjour temporaire d'une durée de validité d'un an. Le bénéfice du droit au regroupement familial est alors accordé sans recours à la procédure d'introduction. Peuvent en bénéficier le conjoint et, le cas échéant, les enfants de moins de dix-huit ans de celui-ci résidant en France, sauf si l'un des motifs de refus ou d'exclusion mentionnés aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-5 leur est opposé ".

5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est marié le 15 mai 2016 au Sénégal et que son épouse, entrée en France le 7 août 2016 sous couvert d'un visa long séjour mention " étudiant " pour y poursuivre ses études, n'a obtenu un titre de séjour étudiant qu'au mois d'octobre 2016. Ainsi, comme l'a opposé le préfet de la Gironde dans l'arrêté contesté, l'épouse de M. A... n'était pas, à la date du mariage, régulièrement autorisée à séjourner sur le territoire national sous couvert d'une carte de séjour temporaire d'une durée de validité d'un an. Par suite, M. A... ne remplissait pas une des conditions imposées par l'article R. 411-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. C'est donc par une exacte application desdites dispositions que le préfet de la Gironde a rejeté la demande de regroupement familial présentée par M. A... au profit de son épouse.

6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bienêtre économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

7. Il ressort des pièces du dossier que M. A... n'était marié que depuis deux ans et demi à la date de la décision contestée et qu'un enfant est né de leur union le 3 janvier 2019, postérieurement à la décision en litige. Par ailleurs, son épouse n'est pas isolée dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 28 ans et où résident ses parents et ses frères et soeurs. En outre, si son épouse justifie avoir travaillé en France au cours des mois d'avril à juillet 2017 en qualité de préparatrice de commandes, ainsi qu'à compter du 2 novembre 2017, en qualité d'agent de service, cette circonstance ne permet pas de caractériser à elle-seule une intégration professionnelle et sociale particulière dans la société française. Au surplus, elle n'avait été autorisée à travailler qu'en qualité d'étudiante étrangère, titre dont le renouvellement a été refusé par un arrêté du 21 janvier 2019 du préfet de la Gironde qui oblige par ailleurs l'épouse de M. A... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Enfin, la décision portant refus de regroupement familial n'implique qu'une séparation temporaire du couple pour la durée nécessaire à l'instruction d'une demande régulière de regroupement familial. Au regard de ces circonstances, le préfet de la Gironde n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de la décision contestée et n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. Il ressort de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et tendant à la mise à la charge de l'Etat des dépens de l'instance ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 4 février 2021 à laquelle siégeaient :

Mme E... C..., présidente,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme G..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 mars 2021.

La présidente,

Marianne C...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 20BX03545 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20BX03545
Date de la décision : 04/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-02 Étrangers. Séjour des étrangers. Autorisation de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY-SABOURDY
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : LOPY

Origine de la décision
Date de l'import : 12/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-03-04;20bx03545 ?
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