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11/03/2021 | FRANCE | N°20BX02504

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 11 mars 2021, 20BX02504


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 13 août 2019 par lequel le préfet du Tarn lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé un pays de renvoi.

Par un jugement n° 1907111 du 8 juillet 2020, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté et enjoint au préfet du Tarn de procéder au réexamen de la demande de M. B....

Procédure deva

nt la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 août 2020, le préfet du Tarn demande à la cou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 13 août 2019 par lequel le préfet du Tarn lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé un pays de renvoi.

Par un jugement n° 1907111 du 8 juillet 2020, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté et enjoint au préfet du Tarn de procéder au réexamen de la demande de M. B....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 août 2020, le préfet du Tarn demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Toulouse.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a retenu que M. O... L... ne disposait pas d'une délégation de signature pour édicter le refus de séjour contenu dans l'arrêté du 13 août 2019 ;

- les moyens invoqués par M. B... dans ses écritures de première instance ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 novembre 2020, M. B..., représenté par Me M..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête du préfet du Tan ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Tarn du 13 août 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Tarn de lui délivrer une carte de séjour temporaire et, à défaut, de réexaminer sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que ;

- les moyens invoqués par le préfet ne sont pas fondés ;

- le jugement n'a commis aucune erreur d'interprétation de la délégation accordée au directeur de cabinet du préfet ;

- la décision est insuffisamment motivée en droit et en fait et n'a pas procédé à un examen complet de sa situation, au-delà de la promesse d'embauche présentée ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de son parcours de formation depuis 5 ans et de l'absence de liens au Maroc ;

- elle méconnaît les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L.313-11 (7°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 décembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme I... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant marocain né le 4 avril 1997, est entré en France, selon ses déclarations, le 11 février 2015. Il a été placé, à l'âge de 19 ans, dans le cadre d'une assistance éducative prononcée par le juge des enfants du 5 août au 24 octobre 2016, puis a bénéficié d'un accueil contractualisé " jeune majeur". Le 23 novembre 2018, il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 13 août 2019, le préfet du Tarn la lui a refusée, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Le préfet du Tarn relève appel du jugement du 8 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté, lui a enjoint de réexaminer la demande de M. B... et a mis à sa charge la somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

2. Pour annuler l'arrêté du préfet du Tarn du 13 août 2019, le tribunal administratif de Toulouse s'est fondé sur la circonstance que M. O... L..., sous-préfet, directeur de cabinet, n'avait pas reçu de délégation pour signer le refus de titre de séjour opposé à M. B.... Toutefois, par un arrêté du 20 juin 2019, publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet du Tarn a donné délégation à M. O... L..., en cas d'empêchement de M. G... K... et de M. N... H... " pour signer tous les actes, demandes et requêtes pris en application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ". Si cette mention est suivie d'une énumération de trois domaines couverts par une telle délégation et que n'y sont pas mentionnées les décisions de refus de séjour, cette circonstance est sans incidence sur l'ampleur de la délégation accordée par le préfet du Tarn à M. O... L..., laquelle couvre l'ensemble des actes pris en application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au nombre desquels comptent les décisions de refus de titre de séjour. Par suite, le préfet du Tarn est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a retenu une incompétence de son auteur pour annuler l'arrêté du 13 août 2019.

3. Il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. B... devant le tribunal administratif de Toulouse.

4. D'une part, la décision de refus de séjour en litige vise les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont elle fait application, notamment l'article L. 313-14 de ce code. Elle est ainsi suffisamment motivée en droit et n'avait pas à viser l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, inapplicable aux ressortissants marocains. D'autre part, cette décision comporte également les considérations de faits qui en constituent le fondement. Elle est ainsi suffisamment motivée en fait en dépit de ce que ses motifs ne reprennent pas l'ensemble des éléments caractérisant la situation de l'intéressé. Cette motivation révèle qu'il a été procédé à un examen particulier de la situation du requérant.

5. M. B... soutient que le préfet du Tarn a commis une erreur de droit en s'abstenant d'examiner la possibilité de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " en application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ressort toutefois des termes mêmes de la décision de refus de séjour en litige que le préfet a procédé à un tel examen au regard de sa vie privée et familiale en France. Le moyen manque en fait et ne peut, par suite, qu'être écarté.

6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. M. B... soutient être entré en France le 11 février 2015, à l'âge de 17 ans, à la suite du décès de sa grand-mère au Maroc, et vivre désormais en France où se trouve son grand-père, qui est désormais sa seule attache familiale compte tenu de ce qu'il " n'a pas connu ses parents " et n'aurait pas de frères et soeurs. Il a toutefois déclaré à son arrivée avoir quitté le Maroc à la suite de disputes avec son père et sa belle-mère, et a renseigné sa fiche familiale en faisant mention des prénoms et dates de naissance de ses deux frères et de sa soeur. Il ressort des pièces du dossier qu'il a bénéficié d'une assistance éducative prononcée par le juge des enfants du 5 août au 24 octobre 2016, puis d'un accueil contractualisé " jeune majeur ", qu'il a ensuite poursuivi des études lui permettant d'obtenir un certificat d'aptitude professionnelle d'installateur sanitaire le 3 juillet 2018, mais qu'il n'a, depuis, pas exercé d'activité professionnelle durable. Par ailleurs, M. B... ne conteste pas être célibataire ainsi que sans charge de famille sur le territoire français et il ne justifie par aucune pièce de l'intensité des liens qu'il allègue entretenir avec son grand-père résidant dans le nord de la France, qui ne l'a pas accueilli alors même qu'il est entré mineur en France. Dans ces conditions, la décision en litige n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, en tout état de cause, des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui n'étaient pas le fondement de sa demande, doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, la décision de refus de séjour litigieuse n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. B....

8. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point précédent, la décision faisant obligation à M. B... de quitter le territoire français ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation.

9. Les moyens dirigés contre les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ayant tous été écartés, les moyens tirés, par voie d'exception, de l'illégalité de ces décisions, soulevés à l'encontre des décisions d'éloignement et de détermination du pays de renvoi, ne peuvent qu'être écartés également.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Tarn est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 13 août 2019. Par suite, les conclusions présentées en appel par M. B... ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1907111 du tribunal administratif de Toulouse du 8 juillet 2020 est annulé.

Article 2 : La demande de M. B... présentée devant le tribunal administratif de Toulouse ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... B..., au ministre de l'intérieur et à Me M....

Copie en sera adressée, pour information au préfet du Tarn.

Délibéré après l'audience du 9 février 2021 à laquelle siégeaient :

Mme P... J..., présidente,

Mme A... E..., présidente-assesseure,

Mme D... I..., conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 mars 2021.

La rapporteure,

Kolia I...

La présidente,

Catherine J...

La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 20BX02504


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX02504
Date de la décision : 11/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Kolia GALLIER
Rapporteur public ?: Mme BEUVE-DUPUY
Avocat(s) : DUJARDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-03-11;20bx02504 ?
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