La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/03/2021 | FRANCE | N°19BX00888

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 23 mars 2021, 19BX00888


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... F... a demandé au tribunal administratif de la Guyane de condamner le centre hospitalier Andrée Rosemon (CHAR) à lui verser une indemnité d'un montant total de 50 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime résulter de la prise en charge de sa mère, Mme H... L..., décédée dans cet établissement le 16 janvier 2011.

Par un jugement n° 1500953 du 22 novembre 2018, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 mars 2

019, Mme F..., représentée par Me I..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... F... a demandé au tribunal administratif de la Guyane de condamner le centre hospitalier Andrée Rosemon (CHAR) à lui verser une indemnité d'un montant total de 50 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime résulter de la prise en charge de sa mère, Mme H... L..., décédée dans cet établissement le 16 janvier 2011.

Par un jugement n° 1500953 du 22 novembre 2018, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 mars 2019, Mme F..., représentée par Me I..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner le CHAR à lui verser une indemnité de 50 000 euros ;

3°) de mettre à la charge du CHAR une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- alors que l'état de Mme L..., qui avait présenté un épisode de détresse respiratoire le 16 janvier au matin, était stabilisé à son arrivée au service des urgences, il s'est dégradé en raison de l'incompétence du personnel soignant qui a été incapable de pratiquer l'aérosol et l'aspiration bronchique et a décidé une injection de morphine à l'origine du décès ;

- la morphine, qui constitue un soin palliatif, est contre-indiquée en cas d'insuffisance respiratoire en raison d'un risque d'étouffement ;

- les doses prescrites de scopolamine ont considérablement réduit l'efficacité des aspirations bronchiques par leur effet d'asséchement des glaires ;

- les difficultés à pratiquer la ventilation non invasive (VNI) le 16 janvier 2011 sont de nature à faire douter de la qualification du personnel, dont le CHAR n'a pas justifié malgré sa demande de production de divers documents ;

- aucun pneumologue n'est intervenu alors que l'affaiblissement des poumons constituait le symptôme principal depuis le 4 janvier 2011 ;

- au regard de la présence d'une bactérie multi-résistante, il est surprenant qu'aucune mesure d'hygiène n'ait été prise à partir de la réadmission de Mme L... dans l'établissement le 15 janvier 2011 ;

- elle maintient sa demande d'indemnisation à hauteur de 50 000 euros présentée en première instance ;

- il est inéquitable de lui faire supporter les frais de l'expertise, qu'elle n'avait pas demandée.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 mars 2020, le CHAR, représenté par la SELARL Fabre, Savary, Fabbro, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de Mme F... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- l'appel est irrecevable pour tardiveté ;

- à titre subsidiaire, l'expert n'a retenu aucun manquement.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- et les conclusions de Mme B... C..., rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme L..., née le 17 juillet 1926, a été hospitalisée au centre hospitalier Andrée Rosemon (CHAR) du 4 au 12 janvier 2011 pour une détresse respiratoire en rapport avec une pneumopathie et un épanchement pleural gauche. Deux nouveaux épisodes de détresse respiratoire ont conduit à sa réadmission dans cet établissement le 15 janvier de 11 h 54 à 21 h 22, puis le 16 janvier à partir de 12 h 14. Mme L... est décédée à l'hôpital dans la soirée du 16 janvier 2011. L'une de ses filles, Mme F..., a saisi le tribunal administratif de la Guyane d'une demande de condamnation du CHAR à l'indemniser des préjudices qu'elle estimait résulter d'une prise en charge inappropriée de la patiente le 16 janvier 2011. Par un jugement avant-dire droit du 27 octobre 2016, le tribunal a ordonné une expertise dont le rapport, déposé le 21 janvier 2018, a conclu que les soins avaient été adaptés, de qualité et conformes aux données actualisées de la science. Mme F... relève appel du jugement du 22 novembre 2018 par lequel le tribunal a rejeté sa demande indemnitaire et mis les frais d'expertise à sa charge.

Sur la responsabilité du CHAR :

2. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...). ".

3. Il résulte de l'instruction que Mme L..., âgée de 84 ans, était atteinte d'une maladie d'Alzheimer évoluant depuis 1997, pathologie dont l'expert précise que la progression provoque une dégradation générale de l'état de santé et un affaiblissement du système immunitaire. La patiente, grabataire et alimentée par une sonde gastrique, se trouvait dans un état d'insuffisance respiratoire sévère à la suite de la pneumopathie à bactérie multi-résistante pour laquelle elle avait été hospitalisée du 4 au 12 janvier 2011, les radiographies faisant apparaître un épanchement de sang (hémothorax) occupant plus de la moitié du poumon gauche. Alors que l'état infectieux s'était amélioré, Mme L... avait été réadmise au CHAR les 15 et 16 janvier pour une détresse respiratoire aiguë liée essentiellement à l'atteinte du poumon gauche. Sa famille avait été informée à plusieurs reprises de l'acharnement thérapeutique qu'aurait constitué une réanimation agressive en cas d'aggravation. La circonstance que les soins dispensés, qui avaient un caractère palliatif, ont été sans effet sur l'insuffisance respiratoire sévère ayant entraîné le décès, n'est pas de nature à mettre en cause la compétence du personnel soignant. L'expert a précisé, s'agissant de l'infirmière diplômée ayant pratiqué le 16 janvier une aspiration des mucosités relevant de sa compétence, que la présence de sang sur la canule s'expliquait par le caractère traumatique de ce geste, lequel n'a " rien ramené " en l'absence de mucosités, dans une situation vraisemblable de râle agonique chez une personne en détresse respiratoire avec un poumon gauche inefficace et un poumon droit encombré. Il résulte des mentions portées sur la fiche d'hospitalisation que la ventilation non invasive de confort pratiquée le 15 janvier a été tentée à nouveau le lendemain à la demande insistante de la famille, puis arrêtée en raison d'une aggravation rapide de l'état respiratoire avec désaturation à 50 % et remplacée par une oxygénothérapie, ce qui n'est pas davantage de nature à caractériser une faute.

4. Selon l'expert, d'une part, la scopolamine est indiquée dans la plupart des protocoles de dyspnée en soins palliatifs car elle présente l'intérêt d'éviter les sécrétions et de limiter la gêne liée à l'encombrement bronchique, ce qui permet de diminuer les aspirations traumatiques pour le malade, et d'autre part, la morphine, longtemps déconseillée, est admise depuis plusieurs années dans les situations de dyspnée en fin de vie et constituerait même, selon une publication, le seul traitement ayant montré son efficacité. Mme F..., qui part du postulat erroné que l'état de santé de sa mère aurait relevé de soins curatifs et non palliatifs, ne conteste pas utilement le caractère adapté de ces deux prescriptions.

5. L'expert a relevé que le médecin urgentiste avait les compétences pour gérer une détresse respiratoire, ce qui a d'ailleurs été fait avec succès le 15 janvier 2011. Par suite, l'absence d'intervention d'un pneumologue ne peut être regardée comme fautive. Enfin, quand bien même la bactérie multi-résistante aurait toujours été présente, ce qui ne résulte pas des pièces du dossier médical, l'absence de mesures d'hygiène particulières les 15 et 16 janvier 2011 est sans lien avec l'évolution de l'état de santé et le décès de Mme L....

6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le CHAR, Mme F... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

7. Les dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative posent le principe que les dépens, tels que les frais d'expertise, sont mis à la charge de toute partie perdante. Elles permettent au juge d'y déroger " si les circonstances de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties ". Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de réformer le jugement attaqué en tant qu'il a mis les frais d'expertise à la charge de Mme F....

8. La requérante, qui est la partie perdante, n'est pas fondée à demander l'allocation d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre une somme à sa charge au titre des frais exposés par le CHAR à l'occasion du présent litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme F... est rejetée.

Article 2 : La demande présentée par le CHAR au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... F... et au centre hospitalier Andrée Rosemon.

Délibéré après l'audience du 23 février 2021 à laquelle siégeaient :

Mme M... K..., présidente,

Mme A... E..., présidente-assesseure,

Mme D... J..., conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mars 2021.

La rapporteure,

Anne E...

La présidente,

Catherine K...La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 19BX00888


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX00888
Date de la décision : 23/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme BEUVE-DUPUY
Avocat(s) : CHARLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-03-23;19bx00888 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award