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23/03/2021 | FRANCE | N°19BX01853

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 23 mars 2021, 19BX01853


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière les Trois Boot's a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler le certificat d'urbanisme du 8 juin 2017 par lequel le maire de la commune d'Abzac a déclaré non réalisable son projet de construction d'une maison d'habitation sur la parcelle cadastrée section A 349p (lot 3) située au lieu-dit " Les Arnauds-Ouest ".

Par un jugement n° 1703983 du 14 mars 2019, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregist

rée le 7 mai 2019, la société civile immobilière Les Trois Boot's, représentée par Me C..., d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière les Trois Boot's a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler le certificat d'urbanisme du 8 juin 2017 par lequel le maire de la commune d'Abzac a déclaré non réalisable son projet de construction d'une maison d'habitation sur la parcelle cadastrée section A 349p (lot 3) située au lieu-dit " Les Arnauds-Ouest ".

Par un jugement n° 1703983 du 14 mars 2019, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 mai 2019, la société civile immobilière Les Trois Boot's, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n°1703983 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler le certificat d'urbanisme négatif du 8 juin 2017 ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Abzac la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le terrain d'assiette de son projet est situé dans les parties actuellement urbanisées de la commune au sens de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme ; ce terrain est proche du bourg, à quelques dizaines de mètres seulement de constructions qui forment un ensemble suffisamment dense ;

- la commune a acheté une bande de terrains située en face de sa propriété qu'elle a aménagée en voie de circulation avec entrées et sorties ; cet aménagement ne permet pas de considérer que l'accès à la route départementale depuis le terrain d'assiette du projet serait dangereux en raison de la configuration de la voie et de la circulation existante ;

- le terrain d'assiette du projet est desservi par l'ensemble des réseaux d'équipements publics.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mars 2020, la commune d'Abzac, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la requérante la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés,

- le projet est contraire au schéma de cohérence territoriale (SCOT) du Grand Libournais qui situe son terrain d'assiette en dehors du périmètre aggloméré de la commune ;

- subsidiairement, le certificat d'urbanisme est légalement justifié par l'application de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

Par ordonnance du 21 août 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 13 octobre 2020 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. F... A...,

- les conclusions de Mme J..., rapporteure publique,

- et les observations de Me H..., représentant la commune d'Abzac.

Considérant ce qui suit :

1. La société civile immobilière (SCI) Les Trois Boot's est propriétaire des parcelles cadastrées section A n° 348 et 349, situées au lieu-dit " Les Arnauds-Ouest " sur le territoire de la commune d'Abzac. Ces parcelles ont été divisées en trois lots destinés à accueillir chacun une maison d'habitation. Afin de savoir si son projet de construction sur la parcelle n° 349 p (lot n° 3) était réalisable au regard de la réglementation d'urbanisme applicable, la SCI Les Trois Boot's a sollicité le 13 avril 2017 la délivrance d'un certificat d'urbanisme opérationnel sur le fondement des dispositions du a) et du b) de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme. Le 8 juin 2017, le maire d'Abzac a délivré, au nom de la commune, un certificat d'urbanisme déclarant ce projet non réalisable au motif qu'il porte sur un terrain situé en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune en application de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme. Le 19 juin 2017, la SCI Les Trois Boot's a adressé au maire un recours gracieux tendant au retrait du certificat d'urbanisme du 8 juin 2017 qui a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. La SCI Les Trois Boot's relève appel du jugement rendu le 14 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation du certificat d'urbanisme en litige.

Sur la légalité du certificat d'urbanisme du 8 juin 2017 :

2. Aux termes de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme : " Le certificat d'urbanisme, en fonction de la demande présentée : a) Indique les dispositions d'urbanisme, les limitations administratives au droit de propriété et la liste des taxes et participations d'urbanisme applicables à un terrain ; b) Indique en outre, lorsque la demande a précisé la nature de l'opération envisagée ainsi que la localisation approximative et la destination des bâtiments projetés, si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération ainsi que l'état des équipements publics existants ou prévus. Lorsqu'une demande d'autorisation ou une déclaration préalable est déposée dans le délai de dix-huit mois à compter de la délivrance d'un certificat d'urbanisme, les dispositions d'urbanisme, le régime des taxes et participations d'urbanisme ainsi que les limitations administratives au droit de propriété tels qu'ils existaient à la date du certificat ne peuvent être remis en cause à l'exception des dispositions qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique ". Aux termes de l'article L. 111-3 du même code : " En l'absence de plan local d'urbanisme, de tout document d'urbanisme en tenant lieu ou de carte communale, les constructions ne peuvent être autorisées que dans les parties urbanisées de la commune. ".

3. Les dispositions précitées de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme ont pour effet d'interdire, en principe, en l'absence de plan local d'urbanisme ou de carte communale opposable aux tiers ou de tout document d'urbanisme en tenant lieu, les constructions implantées en dehors des parties urbanisées de la commune, c'est-à-dire des parties du territoire communal qui comportent déjà un nombre et une densité significatifs de constructions. Il en résulte qu'en dehors du cas où elles relèvent des exceptions expressément et limitativement prévues par l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme, les constructions ne peuvent être autorisées dès lors que leur réalisation a pour effet d'étendre la partie actuellement urbanisée de la commune.

4. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des plans et vues aériennes qui y sont produits, que la parcelle n° 349p (lot 3) se situe à l'angle sud-ouest de la parcelle n° 645, dont elle a été détachée, en bordure de la route départementale n° 247. Elle est bordée sur son côté ouest par des constructions alors que sur son côté est, un espace de quelques dizaines de mètres seulement la sépare des parcelles n° 348p et 348p (lot 2) qui, elles, sont à proximité immédiate du centre-bourg. Eu égard à la configuration des lieux, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des plans et vues aériennes qui y sont produits, que la parcelle n° 349p (lot 3) en litige occupe un compartiment de terrain différent de celui constitué des parties urbanisées situées de part et d'autre. Ainsi, le projet décrit dans la demande de certificat d'urbanisme, alors même qu'il se situe dans une zone où les activités agricoles sont présentes, ne saurait être regardé comme conduisant à une extension des parties urbanisées de la commune contrairement à ce qu'a estimé le tribunal. Ce projet doit, au surplus, s'implanter sur un terrain qui est desservi par les réseaux d'eau, d'électricité et d'assainissement.

5. A supposer que le projet de la société requérante porterait atteinte à l'alternance entre espaces bâtis et coupures vertes, qui caractériserait l'urbanisation communale, cette circonstance serait sans incidence sur l'appréciation qu'il y a lieu de porter sur le positionnement de la parcelle n° 349p (lot 3) au sein des parties urbanisées de la commune au sens de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme.

6. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a jugé que le maire d'Abzac a pu légalement fonder le certificat d'urbanisme en litige sur l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme après avoir relevé que la parcelle en litige ne se situait pas dans les parties urbanisées de la commune.

7. Dans ses écritures, la commune d'Abzac fait valoir que le certificat d'urbanisme doit être fondé sur le document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale (SCOT) du Grand Libournais, approuvé le 6 octobre 2016, qui situe le terrain d'assiette du projet en dehors du périmètre aggloméré. Elle doit être regardée comme demandant que ce motif soit substitué à celui qui a initialement fondé le certificat d'urbanisme en litige.

8. Il ressort des pièces du dossier que le document d'orientation et d'objectifs du SCOT du Grand Libournais, approuvé le 6 octobre 2016, entend " lutter contre l'urbanisation linéaire le long des axes de communication " et " proscrit une implantation de zone à urbaniser qui favoriserait le mitage dans (...) les linéaires le long des voies ". Il a aussi pour objectifs de " maintenir le caractère ouvert des paysages ruraux " et de " maintenir les coupures paysagères entre les espaces bâtis lorsqu'elles existent encore ". Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'implantation d'une construction sur la parcelle en litige, qui se situe dans les parties urbanisées de la commune, entraînerait un mitage des espaces bordant la route départementale n° 47 à l'entrée de la commune d'Abzac ou compromettrait les paysages ruraux existants. Si, par ailleurs, la commune fait valoir que le terrain d'assiette du projet n'appartient pas au " périmètre aggloméré " défini pour la commune d'Abzac par le document d'orientation et d'objectifs du SCOT, les plans et autres cartes produits au dossier ne permettent pas d'estimer que la parcelle considérée est située dans un périmètre qui n'aurait pas vocation à être urbanisé compte tenu des orientations du document d'orientations et d'objectifs du SCOT. Par suite, la commune d'Abzac n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que le document d'orientation et d'objectifs du SCOT du Grand Libournais fait obstacle à la réalisation du projet de la SCI Les Trois Boot's sur la parcelle en litige. La substitution de motifs sollicitée ne peut, en conséquence, être admise.

9. La commune d'Abzac fait encore valoir que les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme permettent de fonder le certificat d'urbanisme en litige en raison du caractère dangereux de l'accès à la route départementale n° 47 depuis la parcelle n° 349p (lot 3).

10. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte (...) à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ".

11. S'il ressort des pièces du dossier que la parcelle de la société se situe en bordure d'une route départementale soumise à un trafic régulier de véhicules et de poids-lourds, aucun élément du dossier ne permet d'estimer que l'accès à la route depuis la parcelle, compte tenu de la configuration des lieux et de la visibilité existante, crée un risque particulier pour la sécurité publique. La réalité de ce risque n'est pas suffisamment établie par l'attestation d'un cycliste indiquant avoir été renversé " dans le virage entre la croix des Hilaires et l'usine désaffectée " par un automobiliste " ébloui par le soleil ". Par suite, la commune n'est pas fondée à soutenir que les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme doivent être substituées au motif tiré de l'application de l'article L. 111-3 du même code qui a fondé initialement le certificat d'urbanisme en litige.

12. Enfin, les prévisions de classement en zone agricole de la parcelle en litige, contenues dans le plan local d'urbanisme intercommunal en cours d'élaboration à la date du certificat attaqué, ne peuvent utilement être invoquées pour fonder ce certificat.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Les Trois Boot's est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Le jugement du tribunal doit, dès lors, être annulé ainsi que le certificat d'urbanisme du 8 juin 2017.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Il y a lieu de faire application de ces dispositions en mettant à la charge de la commune d'Abzac la somme de 800 euros au titre des frais exposés par l'appelante et non compris dans les dépens. En revanche, ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la commune, partie perdante à l'instance.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n°1703983 du tribunal administratif de Bordeaux du 14 mars 2019 et le certificat d'urbanisme du 8 juin 2017 sont annulés.

Article 2 : La commune d'Abzac versera à la société Les Trois Boot's la somme de 800 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de la commune d'Abzac tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Les Trois Boot's et à la commune d'Abzac.

Délibéré après l'audience du 23 février 2021 à laquelle siégeaient :

Mme I... B..., présidente,

M. F... A..., président-assesseur,

Mme E... G..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mars 2021.

La présidente,

Elisabeth B... La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX01853


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX01853
Date de la décision : 23/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-025 Urbanisme et aménagement du territoire. Certificat d'urbanisme.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : MAGRET

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-03-23;19bx01853 ?
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