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23/03/2021 | FRANCE | N°20BX02692

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 23 mars 2021, 20BX02692


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... K... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 14 octobre 2019 par lequel le préfet de la Dordogne a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé un pays de renvoi.

Par un jugement n° 2000002 du 27 mai 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 août 2020

et le 10 février 2021, Mme K..., représentée par Me G..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... K... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 14 octobre 2019 par lequel le préfet de la Dordogne a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé un pays de renvoi.

Par un jugement n° 2000002 du 27 mai 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 août 2020 et le 10 février 2021, Mme K..., représentée par Me G..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 27 mai 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 14 octobre 2019 du préfet de la Dordogne ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Dordogne, à titre principal, de renouveler son titre de séjour pour une durée d'un an, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ainsi que de lui délivrer, dans l'attente, un récépissé de renouvellement de titre de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros, à verser à son conseil, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'arrêté est entaché d'une erreur de fait sur les revenus de son compagnon, dont l'activité ne pouvait être qualifiée de marginale et accessoire pour l'application du 1° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au vu des revenus qu'il percevait à la date de la décision attaquée ;

- c'est à tort que les premiers juges ont retenu qu'à la date de la décision attaquée les ressources de son compagnon étaient insuffisantes pour satisfaire aux conditions posées au 1° et 2° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le jugement est irrégulier faute pour les premiers juges de s'être prononcés sur le moyen tiré de l'erreur de droit qu'elle avait soulevé devant eux ;

- l'arrêté est également entaché d'une erreur de droit en ce qu'il se fonde sur le caractère insuffisant des ressources de son compagnon, alors que celui-ci exerce une activité professionnelle en France au sens du 1° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'un tel critère ne leur est pas applicable ; le préfet ne pouvait pas non plus exiger que ses ressources excèdent le montant du revenu de solidarité active sans prendre en compte la circonstance qu'ils sont hébergés à titre gratuit ; la décision méconnaît les articles L. 121-1, L. 121-3 et R. 121-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les premiers juges ont omis de se prononcer sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 10 du règlement (UE) n° 492/2011 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 quant au droit à la scolarité de leurs enfants italiens ;

- l'arrêté litigieux méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 février 2021, le préfet de la Dordogne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme K... ne sont pas fondés.

Mme K... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 juillet 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 4982/2011 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme H... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme K..., ressortissante congolaise née le 3 octobre 1978, est entrée en France le 15 août 2016 avec ses trois enfants de nationalité italienne. Ils ont été rejoints, en 2017, par leur compagnon et père, également ressortissant italien. La demande d'asile que Mme K... a présentée en France a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 5 avril 2017, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 19 octobre 2017. Le 23 juillet 2018, un titre de séjour lui a été délivré par le préfet de la Dordogne en qualité de " membre de famille d'un ressortissant européen ". Mme K... relève appel du jugement du 27 mai 2020 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a refusé de faire droit à sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 octobre 2019 par lequel le préfet de la Dordogne a refusé de renouveler ce titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

2. Aux termes de l'article 10 du règlement n° 492/2011 du 5 avril 2011 : " Les enfants d'un ressortissant d'un Etat membre qui est ou a été employé sur le territoire d'un autre Etat membre sont admis aux cours d'enseignement général, d'apprentissage et de formation professionnelle dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet Etat, si ces enfants résident sur son territoire. / Les Etats membres encouragent les initiatives permettant à ces enfants de suivre les cours précités dans les meilleures conditions ".

3. Il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne à la lumière de l'exigence du respect de la vie familiale prévu à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans ses deux décisions du 23 février 2010 (C-310/08 et C-480/08), qu'un ressortissant de l'Union européenne ayant exercé une activité professionnelle sur le territoire d'un Etat membre ainsi que le membre de sa famille qui a la garde de l'enfant de ce travailleur migrant peut se prévaloir d'un droit au séjour sur le seul fondement de l'article 10 du règlement du 5 avril 2011, à la condition que cet enfant poursuive une scolarité dans cet Etat, sans que ce droit soit conditionné par l'existence de ressources suffisantes. Pour bénéficier de ce droit, il suffit que l'enfant qui poursuit des études dans l'État membre d'accueil se soit installé dans ce dernier alors que l'un de ses parents y exerçait des droits de séjour en tant que travailleur migrant, le droit d'accès de l'enfant à l'enseignement ne dépendant pas, en outre, du maintien de la qualité de travailleur migrant du parent concerné. En conséquence, et conformément à ce qu'a jugé la Cour de justice dans sa décision du 17 septembre 2002 (C-413/99, § 73), refuser l'octroi d'une autorisation de séjour au parent qui garde effectivement l'enfant exerçant son droit de poursuivre sa scolarité dans l'Etat membre d'accueil est de nature à porter atteinte à son droit au respect de sa vie familiale.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., compagnon de Mme K... et père de ses enfants, a exercé une activité salariée en France du 23 juillet au 4 novembre 2018 et a donc été employé au sens des dispositions précitées. La requérante établit également que ses enfants sont scolarisés en école primaire depuis la rentrée 2016 et il n'est pas contesté qu'elle en a effectivement la garde. Dans ces conditions, les enfants de Mme K... étaient scolarisés durant la période où M. B... a exercé une activité professionnelle et l'étaient toujours à la date de l'arrêté attaqué. La requérante est dès lors fondée à soutenir que le préfet de la Dordogne a méconnu les dispositions précitées en lui refusant le renouvellement de son droit au séjour

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement ni sur les autres moyens de la requête, que Mme K... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Dordogne du 14 octobre 2019.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Le présent arrêt, eu égard à ses motifs, implique nécessairement que le préfet de la Dordogne délivre à la requérante une carte de séjour en qualité de membre de la famille d'un citoyen de l'Union. Il y a lieu d'enjoindre au préfet de procéder à cette délivrance dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

7. Mme K... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Son avocate peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me G... de la somme de 1 200 euros, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 27 mai 2020 et l'arrêté du préfet de la Dordogne du 14 octobre 2019 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Dordogne de délivrer à Mme K... une carte de séjour en qualité de membre de la famille d'un citoyen de l'Union dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me G... la somme de 1 200 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... K..., au ministre de l'intérieur et à Me G....Copie en sera adressée au préfet de la Dordogne.

Délibéré après l'audience du 23 février 2021 à laquelle siégeaient :

Mme J... I..., présidente,

Mme A... F..., présidente-assesseure,

Mme D... H..., conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 mars 2021.

La rapporteure,

Kolia H...

La présidente,

Catherine I...

La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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20BX02692


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX02692
Date de la décision : 23/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Kolia GALLIER
Rapporteur public ?: Mme BEUVE-DUPUY
Avocat(s) : PERRIN

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-03-23;20bx02692 ?
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