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04/05/2021 | FRANCE | N°20BX03504

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 04 mai 2021, 20BX03504


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Saint-Martin d'annuler la décision de la préfète de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin du 26 novembre 2019 procédant au classement sans suite de sa demande d'acquisition de la nationalité française.

Par une ordonnance n° 2000004 du 25 août 2020, le président du tribunal administratif de Saint-Martin a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 octobre 2020, M. B..., représenté par Me E...

, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 25 août 2020 du président du tribunal ad...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Saint-Martin d'annuler la décision de la préfète de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin du 26 novembre 2019 procédant au classement sans suite de sa demande d'acquisition de la nationalité française.

Par une ordonnance n° 2000004 du 25 août 2020, le président du tribunal administratif de Saint-Martin a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 octobre 2020, M. B..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 25 août 2020 du président du tribunal administratif de Saint-Martin ;

2°) d'annuler la décision du 26 novembre 2019 de la préfète de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin ;

3°) d'enjoindre à la préfète de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin de réexaminer sa demande et de faire droit à sa demande de naturalisation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que le président du tribunal s'est fondé sur les dispositions des articles 43 et 44 du décret du 30 décembre 1993 pour déclarer sa requête comme irrecevable alors que la décision de classement sans suite contestée est fondée sur les dispositions de l'article 40 de ce décret, lesquelles n'imposent pas l'exercice d'un recours administratif préalable avant la saisine du tribunal administratif ; la possibilité de contester la décision de classement sans suite prévue à l'article 40 dudit décret selon les voies et délais de recours ordinaires est confirmée par la circulaire n° NORIMIC1000113C du 27 juillet 2010 alors en outre que la décision contestée qui mentionne les voies et délais de recours, précise qu'elle peut être contestée directement par la voie contentieuse devant le tribunal administratif ;

- la décision contestée est illégale dès lors qu'il a transmis à la préfecture l'ensemble des pièces sollicitées dont l'acte de mariage légalisé par le consul de son pays d'origine ;

- il remplit les conditions pour obtenir sa naturalisation dès lors qu'il justifie d'une résidence habituelle à Saint-Martin de plus de cinq ans, qu'il est parfaitement intégré et respecte les valeurs républicaines, que toute sa famille se trouve en France et qu'il a créé sa propre entreprise de maçonnerie.

La requête a été transmise à la préfète de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F...,

- et les observations de Me D..., représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant haïtien, né en 1968, a présenté une demande de naturalisation enregistrée le 11 avril 2017 à la préfecture de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin. Par une décision du 26 novembre 2019, la préfète a procédé au classement sans suite de sa demande sur le fondement de l'article 40 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993. M. B... relève appel de l'ordonnance du 25 août 2020 par lequel le président du tribunal administratif de Saint-Martin a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision pour irrecevabilité manifeste.

Sur la régularité de l'ordonnance attaqué :

2. Aux termes de l'article 37-1 susvisé du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité français : " La demande est accompagnée des pièces suivantes : (...) 6° Le cas échéant, la copie intégrale du ou des actes de mariage ainsi que les pièces de nature à justifier la dissolution des unions antérieures (...) ". Aux termes de l'article 40 du ce décret : " Sans préjudice de l'application des dispositions du dernier alinéa de l'article 35, l'autorité qui a reçu la demande peut mettre en demeure le postulant de produire les pièces complémentaires ou d'accomplir les formalités administratives qui sont nécessaires à l'examen de sa demande. Si le postulant ne défère pas à cette mise en demeure dans le délai qu'elle fixe, la demande peut être classée sans suite. Le postulant est informé par écrit de ce classement ". Aux termes de l'article 43 de ce décret : " Le préfet du département de résidence du postulant ou, à Paris, le préfet de police déclare la demande irrecevable si les conditions requises par les articles 21-15, 21-16, 21-17,21-22, 21-23, 21-24 et 21-27 du code civil ne sont pas remplies. Si, dès la procédure de constitution du dossier, une pièce fait apparaître que la demande est manifestement irrecevable, une décision constatant l'irrecevabilité de la demande peut du préfet ou, à Paris, du préfet de police est transmise sans délai au ministre chargé des naturalisations. Si les motifs de l'irrecevabilité disparaissent, l'intéressé peut déposer une nouvelle demande ". Aux termes de l'article 44 du décret : " Si le préfet du département de résidence du postulant ou, à Paris, le préfet de police estime, même si la demande est recevable, qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient au postulant, s'il le juge opportun, de formuler une nouvelle demande. La décision du préfet ou, à Paris, du préfet de police est transmise sans délai au ministre chargé des naturalisations ". Aux termes de son article 45 : " Dans les deux mois suivant leur notification, les décisions prises en application des articles 43 et 44 peuvent faire l'objet d'un recours auprès du ministre chargé des naturalisations, à l'exclusion de tout autre recours administratif. Ce recours, pour lequel le demandeur peut se faire assister ou être représenté par toute personne de son choix, doit exposer les raisons pour lesquelles le réexamen de la demande est sollicité. Il constitue un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier. Le silence gardé par le ministre chargé des naturalisations sur ce recours pendant plus de quatre mois vaut décision de rejet du recours ".

3. Pour rejeter, sur le fondement des dispositions de l'article R. 221-1 du code de justice administrative, la demande de M. B... présentée sans ministère d'avocat, le président du tribunal administratif de Saint-Martin a retenu que cette demande n'avait pas été précédée du recours administratif préalable obligatoire à la saisine du juge prévu par les dispositions précitées de l'article 45 du décret du 30 décembre 1993. Toutefois, il ressort des termes de la décision du 26 novembre 2019 attaquée, que la décision prise à l'encontre de M. B... ne constitue pas une décision d'irrecevabilité ou de rejet au sens des dispositions des articles 43 et 44 du décret susvisé mais constitue une décision de classement sans suite fondée sur l'article 40 du décret dont la contestation relève des voies et délais de recours ordinaires. Par suite, c'est à tort que le président du tribunal a rejeté comme irrecevable la demande dont il était saisi. L'ordonnance du 25 août 2020 est donc irrégulière.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Saint-Martin.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

5. Il ressort des pièces du dossier que pour procéder, par la décision litigieuse, au classement sans suite de la demande de M. B..., la préfète de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin s'est fondée sur la circonstance que l'intéressé n'avait pas produit, malgré deux demandes en ce sens en date des 24 juillet et 2 novembre 2019, l'acte de mariage légalisé par le consul de son pays d'origine. Toutefois, M. B... qui a produit en première instance son acte de mariage revêtu de la légalisation par les autorités de son pays d'origine à la date du 25 octobre 2019, soutient, sans être contredit, avoir transmis l'acte demandé aux services de la préfecture mais que ces derniers, qui ont au demeurant reconnu qu'un document leur a été transmis, n'ont pas analysé le verso du document envoyé qui comporte les cachets des autorités haïtiennes. Dans ces conditions, M. B... est fondé à soutenir que la décision de classement sans suite prise par la préfète de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin repose sur un motif erroné.

6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à demander l'annulation de la décision du 26 novembre 2019 de la préfète de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Eu égard à la nature de la décision en litige, le présent arrêt n'implique pas qu'il soit fait droit à la demande de naturalisation de M. B... mais implique seulement que cette demande soit réexaminée. Il y a lieu, par suite, en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, d'enjoindre à la préfète de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin de procéder à ce réexamen et de prendre une nouvelle décision dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. B... de la somme de 1 200 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance du 25 août 2020 du président du tribunal administratif de Saint-Martin est annulée.

Article 2 : La décision du 26 novembre 2019 de la préfète de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin est annulée.

Article 3 : Il est enjoint à la préfète de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin de réexaminer la demande de M. B... et de prendre une nouvelle décision dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 200 euros à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., au ministre de l'intérieur et à la préfète de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin.

Délibéré après l'audience du 23 mars 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme A... F..., première conseillère

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 mai 2021.

La présidente,

Elisabeth Jayat

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 20BX03504


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX03504
Date de la décision : 04/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

26-01-01-01 Droits civils et individuels. État des personnes. Nationalité. Acquisition de la nationalité.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Birsen SARAC-DELEIGNE
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : CASANOVA

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-05-04;20bx03504 ?
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