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17/05/2021 | FRANCE | N°19BX00516

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 17 mai 2021, 19BX00516


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... E... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner Météo-France à lui verser, d'une part, la somme de 29 500 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait du refus persistant de cet établissement de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont elle a été victime le 2 novembre 2015, d'autre part, la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Par un jugement n° 1703311 du 29 novembre 2018, le tribunal administratif de Toulou

se a, d'abord, condamné Météo-France à lui verser une indemnité compensant la perte...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... E... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner Météo-France à lui verser, d'une part, la somme de 29 500 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait du refus persistant de cet établissement de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont elle a été victime le 2 novembre 2015, d'autre part, la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Par un jugement n° 1703311 du 29 novembre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a, d'abord, condamné Météo-France à lui verser une indemnité compensant la perte de l'intégralité de son traitement du 1er février 2016 au 22 mars 2016 et une somme de 1 000 euros au titre de son préjudice moral et l'a renvoyée devant son administration en vue de la liquidation de cette indemnité. Il a ensuite mis à la charge de Météo-France la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, enfin, a rejeté le surplus des conclusions de sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 13 février 2019 et le 12 janvier 2021, Mme E..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement en tant qu'il a limité son indemnisation à la période du 1er février au 22 mars 2016 et en tant qu'il a limité son préjudice moral à la somme de 1000 euros ;

2°) de condamner Météo-France à lui verser une somme de 36 420 euros en réparation de ses entiers préjudices ;

3°) de mettre à sa charge la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement sera confirmé en tant qu'il a admis que Météo-France avait commis une faute en ne reconnaissant pas son accident du 2 novembre 2015 comme étant imputable au service. En effet, si son administration avait accompli les diligences nécessaires, elle aurait dû percevoir un plein traitement et bénéficier de la prise en charge de ses soins dès le mois de décembre 2015 ;

- en revanche, elle est fondée à demander la réformation du jugement en tant qu'il a rejeté sa demande portant la réparation de son préjudice financier sur la période du 2 novembre 2015 au 29 novembre 2016 ;

- à titre subsidiaire, elle a droit à percevoir un plein traitement sur la période allant du 1er février au 20 juin 2016, date de sa radiation des cadres ;

- elle n'a pas refusé de se soumettre à une contrevisite médicale et a transmis tous ses arrêts maladie à l'exception du volet n°1 qu'elle ne devait pas transmettre ;

- sa perte de traitement s'élève à la somme de 21 420 euros sur la période allant du 2 novembre 2015 au 29 novembre 2016 ;

- elle est aussi fondée à demander la somme de 5000 euros au titre de la perte de sa mutuelle santé et la somme de 10 000 euros au titre de son préjudice moral et des troubles qu'elle a subis dans ses conditions d'existence.

Par des mémoires enregistrés les 18 avril 2019 et 25 janvier 2021, Météo France, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête présentée par Mme E... ;

2°) de mettre à sa charge la somme de 3000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- Mme E... ayant modifié sa demande en cours d'instance, à défaut de justifier avoir lié le contentieux sur ce point, sa demande n'est pas recevable ;

- aucun moyen n'est fondé.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le décret n° 86-972 du 26 octobre 1984 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F... B...,

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteure publique,

- et les observations de Me A..., représentant Mme E..., et de Me D..., représentant Météo France.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., technicienne supérieure de la météorologie de Météo-France, affectée à compter de l'année 1990 au centre départemental de Bordeaux-Mérignac, a été mutée le 17 novembre 2002, dans le cadre d'une réorganisation des services, au sein de la division commerce-communication de cet établissement. A compter du 2 novembre 2009, elle a été placée en congé de longue durée, prolongé jusqu'au 1er novembre 2014. Mme E... ayant sollicité sa réintégration à mi-temps thérapeutique, le comité médical a émis le 18 juin 2015 un avis favorable à sa reprise de fonctions à temps partiel thérapeutique pour une durée de trois mois " dans les plus brefs délais ". Par décision du 16 octobre 2015, le président-directeur général de Météo-France a réintégré Mme E... dans ses fonctions à temps partiel thérapeutique pour une période de trois mois à compter du 1er novembre 2015, et l'a affectée d'office à Toulouse dans l'intérêt du service. Le jour de sa réintégration, le 2 novembre 2015, Mme E... a été victime d'un accident sur le trajet pour se rendre de son domicile à son travail. Le 1er décembre 2015, Mme E... a transmis à Météo-France une déclaration d'accident de service et une demande d'admission au bénéfice des dispositions de l'article 34 § 2° de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 afin que son accident soit reconnu imputable au service. Le 20 février 2017, la commission de réforme a émis un avis favorable à la qualification d'accident de service de l'accident survenu le 2 novembre 2015. Par lettre du 3 mai 2017, Météo-France a alors informé la requérante que l'établissement suivrait l'avis de la commission de réforme à la condition qu'elle complète son dossier de déclaration d'accident de service. Toutefois, en l'absence de reconnaissance de son accident de service, Mme E... a, après avoir lié le contentieux par un courrier daté du 17 juillet 2017, demandé au tribunal administratif de Toulouse la condamnation de Météo-France à lui verser une indemnité en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait du refus de cet établissement de reconnaître l'accident de service dont elle a été victime le 2 novembre 2015. Dans la présente instance, elle demande la réformation du jugement du 29 novembre 2018 du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il a limité la condamnation de Météo-France à réparer le préjudice en lui versant une indemnité compensant la perte de l'intégralité de son traitement sur la période du 1er février 2016 au 22 mars 2016 et la somme de 1 000 euros au titre de son préjudice moral.

Sur les conclusions indemnitaires :

2. Météo-France ne conteste pas, en appel, qu'il a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en refusant de reconnaître comme accident de service, l'accident dont a été victime Mme E... le 2 novembre 2015, en dépit des pièces suffisantes dont il disposait pour admettre la matérialité des faits, des lésions physiques subies par Mme E... et de l'avis favorable émis par la commission de réforme le 20 février 2017.

En ce qui concerne les préjudices :

S'agissant du préjudice matériel :

3. D'une part, aux termes de l'article 34 de la loi susvisée du 11 janvier 1984 : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 35. Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) ". Aux termes de l'article 34 bis de la loi du 11 janvier 1984 précitée : " Après un congé de maladie, de longue maladie ou un congé de longue durée, les fonctionnaires peuvent être autorisés à accomplir un service à temps partiel pour raison thérapeutique, accordé pour une période de trois mois renouvelable dans la limite d'un an pour une même affection (...). Les fonctionnaires autorisés à travailler à temps partiel pour raison thérapeutique perçoivent l'intégralité de leur traitement (...) ".

4. D'autre part, en vertu de l'article 35 de cette loi : " Des décrets en Conseil d'Etat fixent les modalités des différents régimes de congé et déterminent leurs effets sur la situation administrative des fonctionnaires. Ils fixent également les modalités d'organisation et de fonctionnement des comités médicaux compétents en matière de congé de maladie, de longue maladie et de longue durée. Ils déterminent, en outre, les obligations auxquelles les fonctionnaires demandant le bénéfice ou bénéficiant des congés prévus aux 2°, 3° et 4° de l'article 34 sont tenus de se soumettre en vue, d'une part, de l'octroi ou du maintien de ces congés et, d'autre part, du rétablissement de leur santé, sous peine de voir réduire ou supprimer le traitement qui leur avait été conservé ". Aux termes de l'article 24 du décret du 14 mars 1986 : " (...) en cas de maladie dûment constatée et mettant le fonctionnaire dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, celui-ci est de droit mis en congé de maladie " ; que, selon le deuxième alinéa de l'article 25 du même décret : " L'administration peut faire procéder à tout moment à la contre-visite du demandeur par un médecin agréé ; le fonctionnaire doit se soumettre, sous peine d'interruption du versement de sa rémunération, à cette contre-visite ".

5. Il résulte de l'instruction que Mme E..., placée en congé de longue durée jusqu'au 1er novembre 2014, a été réintégrée dans ses fonctions à compter du 1er novembre 2015, à temps partiel thérapeutique, pour une période de trois mois sur le site de Météo-France situé à Toulouse. Suite à l'accident de service dont elle a été victime le 2 novembre 2015, elle a été placée en congé de maladie ordinaire à compter du 2 novembre 2015 et a perçu un plein traitement jusqu'au 31 janvier 2016, puis un demi-traitement à compter du 1er février 2016 jusqu'à sa radiation des cadres pour abandon de poste.

6. En vertu des dispositions précitées, comme l'accident a été reconnu comme étant imputable au service à compter du 2 novembre 2015, la requérante aurait pu conserver l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'elle soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa sortie de service.

7. Toutefois, Météo-France invoque les dispositions de l'article 35 de la loi du 11 janvier 1984 et celles de l'article 25 du décret du 14 mars 1986, et prétend que son plein-traitement n'aurait pas été rétabli dès lors que Mme E... s'est soustraite à des contre-visites médicales.

8. Il résulte de ce qui a été dit dans l'arrêt n°19BX0518 de ce jour que Mme E... n'a pas justifié ses absences aux deux contre-visites médicales des 19 février et 22 mars 2016, auxquelles elle avait été régulièrement convoquée et devait, de ce fait, être regardée comme étant irrégulièrement en arrêt maladie. Par suite, Météo-France était en droit de réduire ou de suspendre son traitement à compter du 22 mars 2016. Dès lors, elle n'établit pas d'un préjudice financier indemnisable après cette date. Dans ces conditions, Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a limité l'indemnité compensant la perte de l'intégralité de son traitement à la période du 1er février 2016 au 22 mars 2016.

9. En deuxième lieu, M. E... demande la somme de 5000 euros en réparation du préjudice qu'elle prétend avoir subi du fait de la perte de sa couverture mutuelle consécutive à la suspension de son traitement par Météo-France en novembre et décembre 2015. Toutefois, elle n'apporte au sujet de ces pertes de couverture aucune précision concernant leurs circonstances, leur durée et une éventuelle régularisation. Par suite, elle n'établit pas le préjudice qu'elle allègue avoir subi et ne peut prétendre à une indemnisation à ce titre.

S'agissant du préjudice moral :

10. Il ne résulte pas de l'instruction que les premiers juges auraient fait une insuffisante évaluation du préjudice moral tiré de l'abstention fautive de l'administration à reconnaître l'imputabilité au service de son accident subi par Mme E... en lui accordant la somme de 1 000 euros.

Sur les frais d'instance :

11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de Météo-France présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à Mme G... E... et au président-directeur général de Météo-France.

Délibéré après l'audience du 7 avril 2021 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,

Mme F... B..., première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mai 2021.

Le président,

Didier ARTUS

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui les concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N°19BX00516


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX00516
Date de la décision : 17/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Congés.

Fonctionnaires et agents publics - Cessation de fonctions - Radiation des cadres.


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: Mme Déborah DE PAZ
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : CABINET CORNET VINCENT SEGUREL (CVS)

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-05-17;19bx00516 ?
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