Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... G... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler la décision du 11 octobre 2013 par laquelle le directeur du centre hospitalier universitaire (CHU) de Pointe-à-Pitre Les Abymes a mis fin à ses relations contractuelles avec cet établissement, à titre principal de requalifier son contrat en contrat à durée indéterminée, d'enjoindre au directeur du CHU de le réintégrer dans le service de neurochirurgie sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard, ou à défaut de condamner le CHU à lui verser une indemnité de 240 000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et à titre subsidiaire de condamner le CHU à lui verser une indemnité de 264 000 euros correspondant au dixième de la rémunération de chacun de ses contrats à durée déterminée depuis le 28 octobre 2002, et enfin de condamner le CHU à lui verser les sommes de 70 000 euros au titre de son préjudice financier et de 100 000 euros au titre de son préjudice moral.
Par un jugement n° 1400356 du 24 mars 2016, le tribunal a annulé la décision
du 11 octobre 2013, enjoint au directeur du CHU de Pointe-à-Pitre Les Abymes de réintégrer administrativement M. G... du 11 au 28 octobre 2013, condamné le CHU à verser
une indemnité de 51 578,10 euros à M. G... et rejeté le surplus de la demande.
Procédure initiale devant la cour :
Par une requête enregistrée le 18 mai 2016 et un mémoire enregistré le 23 mars 2018,
le CHU de Pointe-à-Pitre Les Abymes, représenté par Me D..., demande à la cour de
réformer ce jugement en tant qu'il l'a condamné à verser à M. G... une somme
excédant 13 582,70 euros.
Il soutient que :
- la rémunération de M. G... pour le mois d'octobre 2013 s'élevait non
à 9 915,62 euros mais à 2 876,71 euros bruts soit 2 316,54 euros nets ; en application de
l'article R. 6152-629 du code de la santé publique, l'indemnité de licenciement s'élève
à 13 582,70 euros ;
- à titre principal, la demande de M. G... relative à la somme de 17 298,56 euros au titre de son compte épargne-temps est nouvelle en appel et donc irrecevable ; à titre subsidiaire, M. G... ne justifie ni du non-versement des soldes de son compte
épargne-temps au titre des années 2006 à 2013, ni du montant demandé ;
- le jugement doit être confirmé en ce qu'il a alloué la somme de 2 000 euros au titre
du préjudice moral, et il s'oppose au versement d'une indemnité au titre d'un préjudice professionnel qui n'est pas démontré.
Par un mémoire en défense enregistré le 14 avril 2017, M. G..., représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour, par la voie de l'appel incident :
1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe et de condamner le CHU à lui verser une somme totale de 224 301,44 euros ;
2°) de mettre à la charge du CHU une somme de 5 000 euros au titre de
l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'indemnité de licenciement doit être portée à 60 684,10 euros ;
- il convient de lui allouer la somme de 17 298,56 euros au titre de la restitution
du solde de son compte épargne-temps ;
- l'indemnisation de son préjudice professionnel et moral doit être fixée à la somme
de 146 119,68 euros correspondant à un an de salaire.
Par un arrêt n° 16BX01655 du 6 novembre 2018, la cour a ramené à 13 582,70 euros
la somme que le CHU a été condamné à verser à M. G... et rejeté l'appel incident
de ce dernier.
Par une décision n° 427731 du 27 septembre 2019, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt en tant qu'il a statué sur les conclusions de M. G... relatives à l'indemnisation de la perte du solde de son compte épargne-temps, et renvoyé l'affaire à la cour dans cette mesure.
Procédure devant la cour après renvoi du Conseil d'Etat :
Par un mémoire enregistré le 17 décembre 2020, le CHU de Pointe-à-Pitre Les Abymes, représenté par Me D..., conclut au rejet de la demande de M. G... relative
à l'indemnisation de la perte du solde de son compte épargne-temps.
Il soutient que la pièce d'avril 2013 versée aux débats ne justifie pas que le solde
du compte épargne-temps n'aurait pas été versé à la date du licenciement, et qu'aucune pièce n'est produite pour les prétendus soldes non versés des années 2006 à 2012.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le décret n° 2012-1481 du 27 décembre 2012 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les conclusions de Mme Beuve Dupuy, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. G..., recruté en qualité d'assistant spécialiste associé à plein temps par le CHU de Pointe-à-Pitre Les Abymes du 29 octobre 2002 au 28 octobre 2008, puis en qualité de praticien contractuel à temps partiel à compter du 16 octobre 2010, a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler la décision du 11 octobre 2013 par laquelle le directeur du CHU a refusé de renouveler son contrat, et de condamner l'établissement hospitalier à lui verser une indemnité d'un montant total de 310 000 euros en réparation des préjudices qu'il estimait avoir subis du fait d'un " licenciement sans cause réelle et sérieuse ". Par un jugement du 24 mars 2016, le tribunal a annulé la décision du 11 octobre 2013 au motif qu'elle avait prononcé le licenciement avant le terme du contrat prévu le 28 octobre 2013, condamné le CHU à verser à M. G... les sommes de 49 578,10 euros au titre de l'indemnité de licenciement et de 2 000 euros au titre de son préjudice moral, et rejeté le surplus de la demande. Par un arrêt du 6 novembre 2018, la cour, saisie d'un appel du CHU de Pointe-à-Pitre Les Abymes et d'un appel incident de M. G..., a ramené l'indemnité de licenciement à la somme de 11 582,70 euros revendiquée par le CHU, rejeté pour irrecevabilité la demande, présentée pour la première fois en appel, d'une somme de 17 298,56 euros au titre de la restitution du solde du compte épargne-temps, et rejeté au fond le surplus de l'appel incident. Le pourvoi en cassation de M. G...
a été admis en tant seulement que cet arrêt a rejeté ses conclusions relatives à la perte du solde
de son compte épargne-temps. Par une décision du 22 juillet 2020, le Conseil d'Etat a annulé dans cette mesure l'arrêt du 6 novembre 2018 et renvoyé à la cour les conclusions en cause.
2. La personne qui a demandé en première instance la réparation des conséquences dommageables d'un fait qu'elle impute à une administration est recevable à détailler
ces conséquences devant le juge d'appel, en invoquant le cas échéant des chefs de préjudice
dont elle n'avait pas fait état devant les premiers juges, dès lors que ces chefs de préjudice
se rattachent au même fait générateur et que ses prétentions demeurent dans la limite du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, augmentée le cas échéant des éléments nouveaux apparus postérieurement au jugement, sous réserve des règles qui gouvernent
la recevabilité des demandes fondées sur une cause juridique nouvelle. En l'espèce,
les conclusions de M. G... relatives à la perte du solde de son compte épargne-temps
se fondent, comme en première instance, sur la responsabilité pour faute du CHU, le préjudice invoqué se rattache au même fait générateur constitué par son licenciement, et le montant demandé pour sa réparation demeure dans la limite du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par le CHU de Pointe-à-Pitre Les Abymes, tirée de l'irrecevabilité de ces conclusions comme nouvelles en appel, doit être écartée.
3. Aux termes de l'article 19 du décret du 27 décembre 2012 modifiant certaines dispositions relatives au compte épargne-temps et aux congés annuels des personnels médicaux, pharmaceutiques et odontologiques des établissements publics de santé : " Pour les jours inscrits sur le compte épargne-temps au 31 décembre 2012 et excédant le seuil mentionné à l'article R. 6152-807-1 du code de la santé publique dans sa rédaction issue du présent décret, le praticien opte, dans les proportions qu'il souhaite : 1° Pour une indemnisation dans les conditions de l'article R. 6152-807-3 du même code dans sa rédaction issue du présent décret ; 2° Pour le maintien sur le compte épargne-temps pour une utilisation sous forme de congé, sous réserve du plafond prévu au 2° de l'article R. 6152-807-4 du même code dans sa rédaction issue du présent décret. Le nombre maximal de jours pouvant être utilisés par le praticien au titre du 1° est fixé par arrêté conjoint des ministres chargés de la santé, de la fonction publique et du budget. L'indemnisation qui en résulte s'effectue en quatre fractions annuelles d'un nombre égal de jours. Toutefois, si l'agent cesse définitivement son activité, le solde éventuel lui est versé à la date de cette cessation. " L'article 2 de l'arrêté du 27 décembre 2012 pris en application de ce décret a fixé à 300 euros brut par jour le montant de l'indemnisation.
4. M. G..., qui se prévaut d'un droit à indemnisation au titre des jours inscrits
sur son compte épargne-temps, produit une note de la direction des affaires médicales du CHU du 31 janvier 2013 informant les médecins des nouvelles dispositions issues du décret
du 27 décembre 2012 et de l'arrêté du même jour, permettant l'indemnisation des jours inscrits sur le compte épargne-temps au 31 décembre 2012. Il doit ainsi être regardé comme se prévalant des dispositions citées au point précédent.
5. M. G... invoque la responsabilité pour faute du CHU à raison d'une " résistance abusive " dans la " retenue " de l'indemnisation des jours inscrits sur son compte épargne-temps, ce que le CHU ne conteste pas utilement en se bornant à faire valoir que M. G...
ne justifierait pas que le solde de son compte épargne-temps n'aurait pas été indemnisé à la date du licenciement, sans établir ni même alléguer avoir procédé à un quelconque versement. Il n'est pas contesté que M. G... n'a pas utilisé son compte épargne-temps sous forme de jours
de congés au-delà du 25 avril 2013, date à laquelle il disposait de 122 jours inscrits
au 31 décembre 2012, de sorte que le solde à la date de cessation définitive d'activité s'élevait
à 122 jours indemnisables à hauteur de 300 euros bruts par jour. Par suite, le CHU de
Pointe-à-Pitre Les Abymes doit être condamné à verser à M. G... une indemnité
de 36 600 euros bruts à ce titre.
6. A l'issue de l'instance d'appel, la somme totale allouée à M. G... se trouve ramenée de 51 578,10 euros à 50 182,70 euros. Par suite, M. G..., qui est la partie perdante, n'est pas fondé à demander l'allocation d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le CHU de Pointe-à-Pitre Les Abymes est condamné à verser à M. G...
une indemnité de 36 600 euros bruts au titre du solde de son compte épargne temps.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. G... au titre de l'article L. 761-1 du code
de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre Les Abymes et à M. A... G....
Délibéré après l'audience du 1er juin 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne C..., présidente-assesseure,
Mme B... F..., conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 juin 2021.
La rapporteure,
Anne C...
La présidente,
Catherine GiraultLa greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX00950