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29/06/2021 | FRANCE | N°20BX03872

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 29 juin 2021, 20BX03872


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 22 novembre 2019 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 200295 du 28 mai 2020, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, un mémoire et des pièce

s, enregistrés le 27 novembre 2020, le 1er avril 2021 et le 25 mai 2021, Mme C..., représentée p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 22 novembre 2019 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 200295 du 28 mai 2020, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, un mémoire et des pièces, enregistrés le 27 novembre 2020, le 1er avril 2021 et le 25 mai 2021, Mme C..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 28 mai 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 22 novembre 2019 en litige ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler ; subsidiairement, de prendre une nouvelle décision dans le délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir :

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement des sommes de 1 920 euros et 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37-2 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

En ce qui concerne le refus de séjour :

- le préfet ne pouvait, sans commettre d'irrégularité au regard de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration, lui refuser la délivrance d'un titre de séjour sans l'inviter préalablement à fournir un certificat médical plus récent sur l'état de santé de sa mère ;

- cette décision a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que le préfet n'a pas saisi la commission du titre de séjour ;

- le préfet a commis une erreur de droit, de fait et d'appréciation sur l'état de santé de sa mère ; l'administration ne peut légalement se fonder sur la circonstance que le certificat médical du 2 août 2018 qu'elle a produit à l'appui de sa demande serait trop ancien, alors que les services de la préfecture ne lui ont accordé que tardivement un rendez-vous pour qu'elle puisse présenter sa demande de titre de séjour ; les pièces médicales qu'elle produit à l'appui de son recours justifient que sa présence aux côtés de sa mère est indispensable au quotidien ;

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- compte tenu de l'état de santé de sa mère, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant que son admission au séjour ne répondait pas à des considérations humanitaires ou à des motifs exceptionnels au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi :

- ces décisions sont dépourvues de base légale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour sur lequel elles se fondent.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 avril 2021, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2020/014424 du 29 octobre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E... F...,

- et les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante sénégalaise née le 9 février 1998, est entrée en France, selon ses déclarations, le 6 juin 2018 pour rendre visite à sa mère malade. Le 11 juin 2019, elle a déposé en préfecture de Haute-Vienne une demande de titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 22 novembre 2019, le préfet a rejeté cette demande, assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de renvoi. Mme C... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité du refus de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration : " Lorsqu'une demande adressée à l'administration est incomplète, celle-ci indique au demandeur les pièces et informations manquantes exigées par les textes législatifs et réglementaires en vigueur. Elle fixe un délai pour la réception de ces pièces et informations. / Le délai mentionné à l'article L. 114-3 au terme duquel, à défaut de décision expresse, la demande est réputée acceptée ne court qu'à compter de la réception des pièces et informations requises. / Le délai mentionné au même article au terme duquel, à défaut de décision expresse, la demande est réputée rejetée est suspendu pendant le délai imparti pour produire les pièces et informations requises. (...). "

3. Comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, en précisant, dans l'arrêté en litige, que Mme C... avait produit un certificat médical trop " ancien " pour établir la nécessité de sa présence en France aux côtés de sa mère malade, le préfet de la Haute-Vienne n'a pas estimé que la demande de titre de séjour dont il était saisi était incomplète mais a considéré que les pièces produites à l'appui de cette demande n'étaient pas suffisamment probantes pour conduire à la délivrance du titre sollicité. Ce faisant, le préfet s'est prononcé sur une condition de fond, de sorte que Mme C... ne peut utilement se prévaloir d'un manquement par le préfet aux dispositions précitées de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration imposant à l'administration d'inviter le demandeur à compléter un dossier lacunaire au plan procédural. Au demeurant, Mme C... conservait la possibilité de fournir pendant l'instruction de sa demande tout document médical plus récent portant sur l'état de santé de sa mère.

4. En deuxième lieu, les articles R. 311-1 à R. 311-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile organisent la procédure d'examen des demandes de titres de séjour susceptibles d'être présentées par des étrangers. En vertu de l'article R. 311-1 du même code, la demande de titre de séjour doit être déposée, soit en préfecture ou dans les lieux désignés par le préfet de département, soit par voie postale dans l'hypothèse où l'autorité administrative l'aurait autorisée pour des catégories de titre déterminées. Selon l'article R. 311-2, la demande est présentée par l'intéressé " dans les deux mois de son entrée en France (...) " ou, s'il séjournait déjà en France, dans des délais qu'il définit. Aux termes de l'article R. 311-4 : " Il est remis à tout étranger admis à souscrire une demande de première délivrance (...) de titre de séjour un récépissé qui autorise la présence de l'intéressé sur le territoire pour la durée qu'il précise. (...) ".

5. Aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe ne fixe de délai déterminé dans lequel l'autorité administrative serait tenue de recevoir un étranger ayant demandé à se présenter en préfecture pour y déposer sa demande de titre de séjour. Toutefois, eu égard aux conséquences qu'a sur la situation de l'étranger, notamment sur son droit à se maintenir en France et, dans certains cas, à y travailler, la détention du récépissé qui lui est en principe remis après l'enregistrement de sa demande, et au droit qu'il a de voir sa situation examinée au regard des dispositions relatives au séjour des étrangers en France, il incombe à l'autorité administrative, après lui avoir fixé un rendez-vous, de le recevoir en préfecture et, si son dossier est complet, de procéder à l'enregistrement de sa demande dans un délai raisonnable.

6. Il ressort des pièces du dossier que les services de la préfecture ont informé Mme C..., le 28 janvier 2019, de ce qu'un rendez-vous lui serait accordé le 11 juin 2019 pour le dépôt de sa demande de titre de séjour. Il ne ressort pas des pièces du dossier que ce délai serait déraisonnable et qu'il aurait nui à la situation de Mme C... qui a eu la possibilité, entre temps, de rassembler et de produire les pièces utiles à l'instruction de sa demande de titre de séjour. Par suite, Mme C..., qui a d'ailleurs bénéficié de la délivrance d'un récépissé de demande de titre de séjour le 11 juin 2019, n'est pas fondée à soutenir que le refus en litige serait illégal en raison du délai excessif à traiter sa demande.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".

8. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... est entrée en France le 6 juin 2018, soit un an et demi seulement avant l'intervention de l'arrêté en litige. Mme C... se prévaut de la présence sur le territoire français de sa mère, qui y demeure depuis 2010 sous couvert d'une carte de séjour pluriannuelle, mais n'apporte pas d'éléments précis de nature à établir l'ancienneté et la continuité des liens qu'elle aurait entretenus avec cette dernière avant son arrivée en France en 2018. Par ailleurs, si l'état de santé de la mère de Mme C... nécessite un accompagnement quotidien " pendant le temps du traitement spécifique mis en place ", selon les termes d'un certificat médical établi le 6 février 2020 par un médecin du centre hospitalier universitaire de Limoges, il ne ressort pas des pièces du dossier que la présence de Mme C... auprès de cette dernière serait indispensable et qu'une tierce personne ne pourraient apporter à l'intéressée l'assistance nécessaire. Mme C..., qui est célibataire sans enfants, ne produit aucun élément permettant d'estimer qu'elle aurait mis à profit son court séjour sur le territoire français pour y nouer des attaches privées et familiales présentant un caractère ancien, durable et intense. Enfin, il ressort des pièces du dossier que Mme C..., qui a vécu séparée de sa mère entre 2010 et 2018, conserve des attaches familiales dans son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à l'âge de 20 ans et où résident notamment ses deux soeurs. Dans ces conditions, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet de la Haute-Vienne n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de la requérante au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, le moyen soulevé par Mme C..., tiré de " l'erreur de droit, de fait et d'appréciation sur l'état de santé de sa mère " doit aussi être écarté.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 (...) peut être délivrée (...) à l'étranger (...) dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir (...) ".

10. Eu égard à ce qui précède, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'admission au séjour de Mme C... répondrait à des considérations humanitaires ou à des motifs exceptionnels au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer une carte de séjour temporaire en application de ces dispositions doit être écarté.

11. En dernier lieu, il résulte de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles L. 313-11, L. 314-11 et L. 314-12 auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. Mme C... n'étant pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour en application des dispositions de l'article L. 313-11, le préfet n'était pas tenu, en application de l'article L. 312-2 précité, de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande.

Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de renvoi :

12. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par la voie de l'exception d'illégalité du refus de titre, de ce que les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi sont illégales ne peut qu'être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Madame B... C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera délivrée au préfet de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 1er juin 2021 à laquelle siégeaient :

M. Frédéric Faïck, président,

Mme E... F..., première conseillère,

Mme A... G..., première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 juin 2021.

La rapporteure,

Caroline F...

Le président,

Frédéric Faïck

La greffière,

Virginie Santana La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX03872


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX03872
Date de la décision : 29/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. FAÏCK
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : MALABRE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-06-29;20bx03872 ?
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