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29/06/2021 | FRANCE | N°20BX03986

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 29 juin 2021, 20BX03986


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... D... épouse G... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision, en date du 1er octobre 2018, par laquelle le préfet de la Charente-Maritime a rejeté la demande d'admission au séjour en France, dans le cadre du regroupement familial, qu'elle avait présentée en faveur de son époux.

Par un jugement n° 1803060 du 4 juin 2020, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 d

cembre 2020, Mme A... D... épouse G..., représentée par Me H..., demande à la cour :

1°) d'an...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... D... épouse G... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision, en date du 1er octobre 2018, par laquelle le préfet de la Charente-Maritime a rejeté la demande d'admission au séjour en France, dans le cadre du regroupement familial, qu'elle avait présentée en faveur de son époux.

Par un jugement n° 1803060 du 4 juin 2020, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 décembre 2020, Mme A... D... épouse G..., représentée par Me H..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 4 juin 2020 ;

2°) d'annuler la décision du 1er octobre 2018 en litige ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Charente-Maritime de lui délivrer une autorisation de regroupement familial dans le délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard :

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;

- la décision attaquée méconnaît les dispositions de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle justifie de ressources stables et suffisantes supérieures au seuil prévu par la réglementation ;

- le préfet a commis une erreur de droit en s'estimant lié par l'insuffisance des ressources pour rejeter la demande de regroupement familial ;

- la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est mariée depuis 2010 et est mère de deux enfants ; elle entretien et ses enfants aussi des liens avec leur mari et père resté au Maroc ;

- la décision attaquée méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative au droit de l'enfant ; elle prive ses enfants de la possibilité de vivre avec leur père.

Mme A... D... épouse G... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 octobre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E... F...,

- et les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... D... épouse G..., est une ressortissante marocaine né le 6 novembre 1991 qui séjourne en France sous couvert d'une carte de résident valable jusqu'au 3 décembre 2024. Par une décision du 1er octobre 2018, le préfet de la Charente-Maritime a rejeté sa demande de regroupement familial au profit de son époux. Mme A... D... épouse G... relève appel du jugement rendu le 4 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques (...) ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. À cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

3. Il résulte des termes de la décision litigieuse du 1er octobre 2018 que le préfet de la Charente-Maritime, après avoir mentionné les articles L. 411-1 et R. 411-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et rappelé la teneur des dispositions de l'article L.411-1, a indiqué que les ressources de Mme A... D... épouse G..., pendant la période de référence allant de mai 2017 à avril 2018, s'élevaient à une moyenne mensuelle inférieure à celui prévue par la réglementation pour que la demande de regroupement familial puisse être satisfaite. Par ailleurs, le préfet a indiqué que sa décision ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de Mme A... D... épouse G... au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ne méconnait pas les stipulations de 1'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant. Ainsi, le refus de regroupement familial opposé à Mme A... D... épouse G... comporte un énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde. Il n'est, par suite, pas insuffisamment motivé.

4. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France (...) sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code (...) peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint (...) ". ". Aux termes de l'article L. 411-5 du même code : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. (...) Les ressources doivent atteindre un montant qui tient compte de la taille de la famille du demandeur. Le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L. 441-1 fixe ce montant qui doit être au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel (...) ". Selon l'article R. 411-4 du même code : " Pour l'application du 1° de l'article L. 411-5, les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période. (...). ". Enfin aux termes de l'article R. 421-4 de ce code : " A l'appui de sa demande de regroupement, le ressortissant étranger présente les copies (...) des pièces suivantes : (...) 3° Les justificatifs des ressources du demandeur et, le cas échéant, de son conjoint, tels que le contrat de travail dont il est titulaire ou, à défaut, une attestation d'activité de son employeur, les bulletins de paie afférents à la période des douze mois précédant le dépôt de sa demande, ainsi que le dernier avis d'imposition sur le revenu en sa possession (...) et sa dernière déclaration de revenus. La preuve des revenus non salariaux est établie par tous moyens ; (...) ".

5. A l'appui de sa demande de regroupement familial, déposée le 5 mai 2018, Mme A... D... épouse G... a produit son avis d'impôt sur le revenu de l'année 2018 indiquant qu'elle a perçu en 2017 un revenu net de 12 832 euros ainsi que trois bulletins de salaires des mois de mars, avril et mai 2018 dont les montants sont de 949,59 euros à deux reprises et de 987,67 euros. Il ressort des pièces du dossier, comme l'a relevé le tribunal administratif, que la moyenne de ces revenus est inférieure à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance pendant la période de référence définie à l'article R. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, Mme A... D... épouse G..., ne remplissait pas la condition réglementaire relative au montant des ressources du demandeur. Par suite, le préfet de la Charente-Maritime a fait une exacte application des dispositions de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en rejetant la demande de regroupement familial de Mme A... D... épouse G....

6. En troisième lieu, il ne ressort pas des termes de la décision attaquée que le préfet, qui a vérifié si sa décision portait atteinte à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, se serait cru à tort tenu de rejeter la demande de regroupement familial du seul fait que les ressources de Mme A... D... épouse G... n'atteignaient pas le seuil requis par la règlementation. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur de droit quant à l'étendue de sa compétence doit être écarté.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

8. Si, en vertu de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative peut légalement rejeter une demande de regroupement familial sur le fondement des dispositions de l'article L. 411-5 du même code au motif que l'intéressé ne remplirait pas l'une ou l'autre des conditions légales requises, notamment dans le cas de ressources insuffisantes du demandeur pendant la période de référence d'un an ayant précédé sa demande, elle ne peut le faire qu'après avoir vérifié que, ce faisant, elle ne porte pas une atteinte excessive au droit du demandeur au respect de sa vie privée et familiale, garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celle de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

9. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... D... épouse G... est mariée depuis le 23 décembre 2010 avec M. G... et que leurs deux enfants sont nés en 2013 et 2018 à La Rochelle. Pour établir la réalité des relations qu'elle et ses enfants entretiennent avec leur époux et père, la requérante produit des copies de son passeport sur lesquelles figurent quelques tampons d'entrée au Maroc entre 2013 et 2018 ainsi que quelques photos de l'ensemble de la famille. Toutefois, en l'absence de précisions sur les conditions de séjour de la requérante au Maroc et d'autres éléments permettant de caractériser la nature des liens qu'elle et ses enfants entretiennent avec leur mari et père, en particulier leur ancienneté, leur stabilité et leur intensité, le refus en litige ne peut être regardé, au vu des pièces du dossier, comme ayant porté une atteinte disproportionnée au droit de Mme A... D... épouse G... au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le refus en litige n'a pas méconnu l'intérêt supérieur des enfants de la requérante, consacré par l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.

10. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance, que Mme A... D... épouse G... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'annulation doivent être rejetée, y compris ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... D... épouse G... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... D... épouse G... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera délivrée au préfet de la Charente-Maritime.

Délibéré après l'audience du 1er juin 2021 à laquelle siégeaient :

M. Frédéric Faïck, président,

Mme E... F..., première conseillère,

Mme B... I..., première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 juin 2021.

La rapporteure,

Caroline F...

Le président,

Frédéric Faïck

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 20BX03986


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX03986
Date de la décision : 29/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. FAÏCK
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : MARQUES - MELCHY

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-06-29;20bx03986 ?
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