La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/09/2021 | FRANCE | N°21BX00916

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 28 septembre 2021, 21BX00916


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 3 février 2021 par lequel la préfète de la Vienne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour pour une durée de deux ans, ainsi que l'arrêté du même jour portant assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2100320 du 9 février 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de

Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 3 février 2021 par lequel la préfète de la Vienne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour pour une durée de deux ans, ainsi que l'arrêté du même jour portant assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2100320 du 9 février 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 mars 2021, M. B..., représenté par Me Robillard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 9 février 2021 ;

2°) d'annuler les décisions du 3 février 2021 de la préfète de la Vienne ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Vienne de lui délivrer une carte de séjour temporaire d'une durée d'un an dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, d'enjoindre à la préfète de la Vienne de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous la même astreinte et de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de lui donner acte de ce qu'elle s'engage à renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle si elle parvient, dans les six mois de la délivrance de l'attestation de fin de mission, à recouvrer auprès de l'Etat la somme ainsi allouée.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué pris dans son ensemble est entaché d'incompétence de son auteure dès lors que la délégation de signature est trop large pour permettre de déterminer les attributions qui ont été déléguées ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- cette décision a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière au regard des dispositions de l'article L. 122-1 du code des relations entre l'administration et le public dès lors que la préfète ne lui a pas permis de formuler des observations écrites sur la perspective de son éloignement ;

- elle méconnaît l'article L. 511-1-II-1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; les éléments retenus par la préfète pour fonder sa décision ne peuvent en aucun cas caractériser l'existence d'une menace à l'ordre public au sens de ces articles alors en outre que son casier judiciaire est vierge, qu'il a reconnu les faits et qu'il doit bénéficier de la présomption d'innocence en l'absence de condamnation ; la convocation pour une comparution immédiate confirme l'absence de gravité des faits reprochés ; en le privant de la possibilité de se défendre devant le tribunal, la mesure d'éloignement aura pour effet de porter atteinte à son droit à un procès équitable ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant refus d'un délai de départ volontaire est dépourvue de motivation ;

- elle est entaché d'erreur d'appréciation au regard des circonstances sanitaires ;

- la décision fixant le pays de destination est dépourvue de base légale ;

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée, la motivation de la décision contestée ne faisant pas ressortir que la préfète aurait pris en compte les quatre critères cumulatifs prévus au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 511-1 III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il justifie de circonstances humanitaires faisant obstacle au prononcé d'une interdiction de retour ;

- la décision portant assignation à résidence est dépourvue de base légale ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il n'est pas justifié de ce que son éloignement demeure une perspective raisonnable compte tenu notamment des consignes sanitaires strictes mises en place et des restrictions aériennes ; l'obligation de se présenter trois fois par semaine au commissariat de Poitiers le met personnellement en danger et constitue également un risque de propagation de la Covid-19 ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juin 2021, la préfète de la Vienne conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 mai 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant marocain, né le 18 mai 1992, est entré en France le 16 août 2012 sous couvert d'un visa long séjour et a obtenu un titre de séjour étudiant renouvelé jusqu'au 7 décembre 2019. A la suite de son placement en garde à vue pour faux et usage de faux documents administratifs, par arrêté du 3 février 2021, la préfète de la Vienne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire national pour une durée de deux ans. Par un arrêté du même jour, la préfète de la Vienne l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. M. B... relève appel du jugement du 9 février 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur les moyens communs à l'ensemble des décisions :

2. Ainsi que l'a relevé le tribunal, la préfète de la Vienne a, par un arrêté n° 2020-SG-DCPPAT-072 du 27 novembre 2020, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture de ce département, donné délégation à M. Emile Soumbo, secrétaire général de la préfecture de la Vienne, à l'effet de signer l'ensemble des décisions entrant dans le champ du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Une telle délégation n'est ni trop générale, ni trop imprécise. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des actes attaqués ne peut qu'être écarté.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) ".

4. La décision contestée vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8, et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier les dispositions du I et du II de l'article L. 511-1. Elle précise que M. B... qui s'est vu délivrer un titre de séjour " mention " étudiant ", n'a pas sollicité le renouvellement de son titre de séjour et se maintient irrégulièrement sur le territoire national depuis décembre 2019. La préfète indique que l'intéressé a falsifié un titre de séjour pour pouvoir travailler puis a été placé en garde à vue pour faux et usage de faux documents administratifs. L'arrêté mentionne que M. B... se déclare célibataire, sans enfant à charge et sans emploi et que, dans ces conditions, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale. De même, l'arrêté contesté précise qu'après examen approfondi de la situation personnelle de M. B... et eu égard au constat de son séjour irrégulier et à l'ensemble des déclarations de l'intéressé, il n'existe pas d'obstacle à ce que M. B... soit obligé de quitter le territoire français. La décision attaquée est ainsi suffisamment motivée et le moyen tiré de son insuffisante motivation doit, en conséquence, être écarté.

5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment de cette motivation que la préfète de la Vienne s'est livrée à un examen complet de la situation personnelle de l'intéressé.

6. En troisième lieu, selon l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. (...) ".

7. Il ressort de l'ensemble des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment de son article L. 512-1 alors applicable, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français dans un délai déterminé. Dans ces conditions, les dispositions précitées de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration, qui fixent les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu des dispositions de l'article L. 211-2 du même code, ne sauraient être utilement invoquées à l'encontre d'une décision portant obligation de quitter le territoire français prise sur le fondement de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en outre que l'intéressé a pu présenter ses observations lors de son audition du 3 février 2021 par les services de police.

8. En quatrième lieu, M. B... se borne à reproduire en appel, sans les assortir d'éléments nouveaux, les moyens qu'il avait développés en première instance tirés de ce que la décision contestée méconnaît l'article L. 511-1-II-1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le magistrat désigné.

9. En dernier lieu, aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...) ". Aux termes de l'article 410 du code de procédure pénale : " Le prévenu régulièrement cité à personne doit comparaître, à moins qu'il ne fournisse une excuse reconnue valable par la juridiction devant laquelle il est appelé (...) ". Aux termes de l'article 495-7 du code de procédure pénale : " Pour tous les délits, à l'exception de ceux mentionnés à l'article 495-16 et des délits d'atteintes volontaires et involontaires à l'intégrité des personnes et d'agressions sexuelles prévus aux articles 222-9 à 222-31-2 du code pénal lorsqu'ils sont punis d'une peine d'emprisonnement d'une durée supérieure à cinq ans, le procureur de la République peut, d'office ou à la demande de l'intéressé ou de son avocat, recourir à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité conformément aux dispositions de la présente section à l'égard de toute personne convoquée à cette fin ou déférée devant lui en application de l'article 393 du présent code, lorsque cette personne reconnaît les faits qui lui sont reprochés. ". Selon les dispositions de l'article 495-8 du code de procédure pénale : " (...) Les déclarations par lesquelles la personne reconnaît les faits qui lui sont reprochés sont recueillies, et la proposition de peine est faite par le procureur de la République, en présence de l'avocat de l'intéressé choisi par lui ou, à sa demande, désigné par le bâtonnier de l'ordre des avocats, l'intéressé étant informé que les frais seront à sa charge sauf s'il remplit les conditions d'accès à l'aide juridictionnelle. La personne ne peut renoncer à son droit d'être assistée par un avocat. L'avocat doit pouvoir consulter sur-le-champ le dossier. (...) Le procureur de la République peut, avant de proposer une peine conformément aux dispositions du cinquième alinéa du présent article, informer par tout moyen la personne ou son avocat des propositions qu'il envisage de formuler (...) ".

10. Il ressort des pièces du dossier qu'il est reproché à M. B... d'avoir détenu frauduleusement et fait usage d'un titre de séjour falsifié. Il a été convoqué devant le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Poitiers, le 24 juin 2021, en vue d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. La mesure d'éloignement en litige n'a toutefois pas privé M. B... D... la possibilité de comparaître en personne dans le cadre de cette procédure en sollicitant, le cas échéant, un visa à cet effet. Par ailleurs, cette procédure qui peut être mise en œuvre par le procureur de la République, d'office ou à la demande de l'intéressé, ne revêt pour l'intéressé aucun caractère contraignant. La convocation précise d'ailleurs que, dans le cas où il ne se présenterait pas, il serait poursuivi devant le tribunal correctionnel, devant lequel il a été cité à comparaître et devant lequel il pourra, en vertu de l'article 410 du code de procédure pénale, faire valoir qu'il est dans l'impossibilité de comparaître pour une cause indépendante de sa volonté. Par suite, le moyen tiré de la violation de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

Sur la légalité de la décision portant refus de délai de départ volontaire :

11. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification (...). / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) / c) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ; / (...) / e) Si l'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ; f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2. / (...) ".

12. L'arrêté attaqué vise les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précise que l'intéressé s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français après l'expiration de son titre de séjour " étudiant " sans en solliciter le renouvellement. Il mentionne également qu'il a falsifié un titre de séjour pour travailler et n'est en possession d'aucun document d'identité et de voyage. Par suite, la préfète de la Vienne qui n'avait pas à faire état des conditions d'exécution de la décision attaquée au regard du contexte sanitaire lié à la covid-19, a suffisamment énoncé les considérations de droit et de fait fondant la décision litigieuse.

13. Si M. B... soutient qu'un délai de départ volontaire aurait dû lui être octroyé compte tenu de la crise sanitaire actuelle relative à l'épidémie de covid-19 puisqu'aucun départ ne peut actuellement être organisé en raison de la fermeture des frontières internationales, il ne produit aucun élément permettant de retenir qu'à la date de la décision attaquée, les autorités marocaines refuseraient, en raison de cette pandémie, le rapatriement de leurs ressortissants. En tout état de cause, cette circonstance n'a d'incidence que sur l'exécution de la décision litigieuse et demeure sans incidence sur la légalité de cette décision. Par suite, le requérant qui se trouvait dans la situation décrite par les dispositions du c, e et f du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'est pas fondé à soutenir que la préfète aurait entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en lui refusant un délai de départ volontaire.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

14. La décision fixant le pays de destination de M. B... vise les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En outre, elle relève que l'intéressé est un ressortissant de nationalité marocaine et que la décision opposée ne contrevient pas aux dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision contestée doit être écarté.

15. M. B... se borne à reprendre en appel, sans apporter aucun élément de fait ou de droit nouveau, le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 3 de de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal.

Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

16. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

17. Si le préfet doit tenir compte, pour décider de prononcer à l'encontre d'un étranger soumis à une obligation de quitter sans délai le territoire français une interdiction de retour et fixer sa durée, de chacun des quatre critères énumérés au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ces mêmes dispositions ne font pas obstacle à ce qu'une telle mesure soit décidée quand bien même une partie de ces critères, qui ne sont pas cumulatifs, ne serait pas remplie. Il résulte en outre des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité administrative prend en compte les circonstances humanitaires qu'un étranger peut faire valoir et qui peuvent justifier qu'elle ne prononce pas d'interdiction de retour à son encontre.

18. La décision contestée vise les dispositions législatives précitées et indique que l'examen de la situation de M. B... a été effectué relativement à la durée de l'interdiction de retour, " au regard notamment du huitième alinéa " du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, c'est-à-dire des quatre critères, non cumulatifs, évoqués au point précédent. Enfin, l'autorité préfectorale justifie la durée de deux ans fixée pour l'interdiction de retour par le fait que le requérant célibataire et sans enfant, est en situation irrégulière depuis décembre 2019, qu'entré en France en 2012, il ne démontre pas y avoir tissé de liens personnels, qu'il est connu des services de police pour faux et usage de faux document administratif et que son comportement constitue une menace à l'ordre public. Ce faisant, la préfète de la Vienne a suffisamment motivé sa décision portant interdiction de retour pour une durée de deux ans.

19. Comme indiqué précédemment, M. B... ne justifie pas de liens privés, familiaux ou professionnels en France tels qu'il aurait vocation à y rester et ne justifie pas en se prévalant de sa durée de présence sur le territoire national où réside son frère, de circonstances humanitaires de nature à faire obstacle à l'édiction d'une décision d'interdiction de retour sur le territoire français. S'il soutient qu'il ne peut être considéré comme une menace pour l'ordre public, cette circonstance n'est pas de nature à faire obstacle, à elle seule, au prononcé d'une interdiction de retour si la situation de l'intéressé, au regard notamment des autres critères énumérés par les dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, justifie légalement la décision d'interdiction de retour. Dans ces conditions, en décidant de prendre à l'encontre de M. B... une décision d'interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans, la préfète de la Vienne n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur la décision portant assignation à résidence :

20. M. B... se borne à reprendre en appel, sans apporter aucun élément de fait ou de droit nouveau, les moyens tirés de ce que la décision contestée est insuffisamment motivée, de ce qu'elle est dépourvue de base légale et est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le magistrat désigné.

21. Aux termes du I de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) 5° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ; / 6° Doit être reconduit d'office à la frontière en exécution d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une interdiction de circulation sur le territoire français ou d'une interdiction administrative du territoire (...) ".

22. Il ressort des pièces du dossier que M. B... se trouvait dans une situation prévue par les dispositions précitées de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, permettant que la préfète de la Vienne prenne à son encontre une mesure d'assignation à résidence. Si l'intéressé soutient, en se prévalant d'un article de presse, qu'à la date de la décision du 3 février 2021, l'exécution de cette décision présente un danger pour sa santé en raison de l'existence d'un foyer de contamination à la covid-19 au sein du commissariat de Poitiers où il doit se présenter trois fois par semaine à 8h00, il ne ressort pas des pièces du dossier que les mesures sanitaires en vigueur auraient été insuffisantes pour éviter que la santé du requérant soit mise en danger par cette obligation. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

23. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal de Poitiers a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des arrêtés de la préfète de la Vienne du 3 février 2021. Par voie de conséquence, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée à la préfète de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 31 août 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

M. Frédéric Faïck, président assesseur,

Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 septembre 2021.

La rapporteure,

Birsen C...La présidente,

Elisabeth JayatLa greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

N° 21BX00916


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX00916
Date de la décision : 28/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Birsen SARAC-DELEIGNE
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : ROBILIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-09-28;21bx00916 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award