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11/10/2021 | FRANCE | N°19BX01071

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 11 octobre 2021, 19BX01071


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges de prescrire au ministre de la justice de prendre les mesures qu'implique l'exécution de son jugement n° 1400278 du 15 juillet 2016 qui a, d'une part, annulé les décisions des 14 décembre 2012 et 10 décembre 2013 de la directrice interrégionale des services pénitentiaires de Bordeaux refusant de reconnaître comme imputable au service l'accident dont elle a été victime le 14 septembre 2012 et, d'autre part, enjoint au ministre de la justice de

reconnaître cette imputabilité et d'en tirer les conséquences relatives au...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges de prescrire au ministre de la justice de prendre les mesures qu'implique l'exécution de son jugement n° 1400278 du 15 juillet 2016 qui a, d'une part, annulé les décisions des 14 décembre 2012 et 10 décembre 2013 de la directrice interrégionale des services pénitentiaires de Bordeaux refusant de reconnaître comme imputable au service l'accident dont elle a été victime le 14 septembre 2012 et, d'autre part, enjoint au ministre de la justice de reconnaître cette imputabilité et d'en tirer les conséquences relatives au traitement de l'intéressée.

Par un jugement n° 1800165 du 17 janvier 2019, le tribunal a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 mars 2019, Mme B..., représentée par Me Benaim, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1800165 du tribunal ;

2°) d'enjoindre au ministre de la justice de prendre toutes les mesures nécessaires à l'exécution complète du jugement du 15 juillet 2016 en procédant à la régularisation de ses traitements à compter du 10 octobre 2013 sous astreinte de 15 euros par jour ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la question de l'imputabilité au service de son arrêt de travail à compter du 10 octobre 2013 soulevait un litige distinct de celui tranché par le tribunal dans son jugement du 15 juillet 2016 ;

- elle a repris son travail le 29 janvier 2013 avec obligation de soins, ce qui ne permet pas de considérer que son état était consolidé et guéri à cette date ; l'arrêt de travail dont elle a fait l'objet à compter du 10 octobre 2013 constitue ainsi une prolongation des conséquences de l'accident de service dont elle a été victime en 2012 ;

- l'imputabilité au service doit s'étendre à l'ensemble des soins et arrêts de travail en lien avec l'accident dont elle a été victime en 2012 ; dans son jugement du 15 juillet 2016, le tribunal n'a nullement limité au 29 janvier 2013 la période que l'administration doit prendre en charge à raison de l'accident de service ; en application de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, elle a droit à ce que l'administration prenne en charge des arrêts de travail à compter du 10 octobre 2013.

Par un mémoire en défense du 16 juillet 2021, le ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Il soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Faïck,

- les conclusions de Mme Isabelle Le Bris, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le 14 septembre 2012, Mme A... B..., surveillante pénitentiaire en maison d'arrêt, a été admise aux urgences du centre hospitalier universitaire de Limoges en raison d'une entorse à la cheville que lui a occasionnée une chute survenue alors qu'elle s'apprêtait à rejoindre son lieu de travail après avoir garé son véhicule sur le parc de stationnement de la maison d'arrêt. Mme B..., qui a été placée en congé de maladie du 14 septembre 2012 jusqu'au 29 janvier 2013, a demandé à la directrice interrégionale des services pénitentiaires de Bordeaux la reconnaissance de l'imputabilité au service de son accident mais sa demande a été rejetée par deux décisions du 14 décembre 2012 et du 10 décembre 2013. A la demande de Mme B..., le tribunal administratif de Limoges a annulé ces décisions de refus par un jugement n° 1400278 du 15 juillet 2016, lequel a également prescrit au ministre de la justice de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 14 septembre 2012 et d'en tirer les conséquences de droit notamment sur le traitement de l'intéressée. Estimant que ce jugement n'avait pas entièrement été exécuté par l'administration, Mme B... a saisi le tribunal administratif de Limoges, sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, d'une demande tendant à ce qu'il soit prescrit au ministre de prendre toutes les mesures nécessaires à la complète exécution de ce jugement. Le tribunal a rejeté cette demande par un jugement du 17 janvier 2019 dont Mme B... relève appel.

2. Dans le jugement attaqué, le tribunal a indiqué que l'exécution de sa décision n° 1400278 du 15 juillet 2016 impliquait seulement que le ministre de la justice reconnaisse l'imputabilité au service de l'accident de Mme B... pour la période du 14 septembre 2012 au 28 janvier 2013 inclus. Le tribunal en a déduit que, dès lors qu'elle portait sur la prise en charge par l'administration de ses arrêts de travail, résultant d'une rechute, postérieurs au 10 octobre 2013, la demande d'exécution du jugement n° 1400278 présentée par Mme B... soulevait un litige distinct de celui tranché par sa décision du 15 juillet 2016.

3. Aux termes du 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " (...) si la maladie provient (...) d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service (...). Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ". Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à l'existence de troubles présentant un lien direct et certain avec l'accident de service.

4. Dans sa décision n° 1400278, le tribunal a jugé que Mme B... était en droit de bénéficier de l'application des dispositions précitées après avoir estimé que son accident du 14 septembre 2012 était imputable au service. A l'article 2 de son jugement, le tribunal a enjoint au ministre de la justice de reconnaitre l'imputabilité au service de cet accident. En exécution de ce jugement, le ministre a pris une décision du 6 mars 2017 portant reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident et précisant que Mme B... percevrait l'intégralité de son traitement et obtiendrait le remboursement des honoraires médicaux dont elle a assumé la charge à raison de cet accident pour la période du 14 septembre 2012 au 28 janvier 2013 inclus.

5. Toutefois, et contrairement à ce qu'a estimé le tribunal dans le jugement attaqué, l'injonction prononcée à l'article 2 de la décision juridictionnelle n° 1400278 ne limitait pas au 29 janvier 2013 la prise en charge par l'administration des conséquences de l'accident de Mme B... reconnu imputable au service. Il importe peu, à cet égard, que Mme B... ait repris ses fonctions à cette date du 29 janvier 2013 alors qu'il est constant qu'elle a ultérieurement continué à recevoir des soins en raison de cet accident. Par suite, les nouveaux arrêts maladie de Mme B... et les soins qui lui ont été administrés à raison de son accident postérieurement au 29 janvier 2013 doivent être pris en charge par l'administration en exécution du jugement n° 1400278 s'ils présentent un lien direct et certain avec cet accident.

6. Il résulte de l'instruction que Mme B... a été examinée le 19 septembre 2013 par un médecin dont le rapport ne fait pas état d'une consolidation de son état de santé et que, selon un autre rapport médical du 13 janvier 2014, les séquelles résultant de son entorse à la cheville n'étaient toujours pas stabilisées. Par ailleurs, le médecin traitant de Mme B... a évoqué, dans un certificat médical du 10 octobre 2013, une rechute puis établi un certificat rectificatif annulant le précédent et faisant état de " douleurs importants et invalidantes " chez l'intéressée. Il résulte de ces éléments que l'état de santé de Mme B... n'était pas consolidé et que les troubles que celle-ci continuait de présenter au 10 octobre 2013 et au-delà étaient la conséquence directe et certaine de son accident du 14 septembre 2012 reconnu imputable au service en 2016 par le tribunal administratif de Limoges. Par suite, Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande tendant à ce qu'il soit prescrit à l'Etat de prendre en charge ses arrêts maladie à compter du 10 octobre 2013 au motif qu'elle soulevait un litige distinct de l'exécution de la décision n° 1400278.

7. Il résulte de ce qui précède que le jugement attaqué doit être annulé. Il appartient à la cour, afin de pourvoir à la complète exécution du jugement n° 1400278, d'enjoindre au ministre de la justice de prendre en charge, au titre du congé d'invalidité temporaire imputable au service, les arrêts maladies de Mme B... à compter du 10 octobre 2013 en lien avec l'accident de service survenu le 14 septembre 2012 et d'en tirer les conséquences qui en résultent au niveau de la rémunération de cette dernière. Il y a lieu d'impartir au ministre un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt pour exécuter cette injonction. Dans les circonstances de l'espèce, l'astreinte demandée n'est pas nécessaire.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Il y a lieu de faire application de ces dispositions en mettant à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la requérante et non compris dans les dépens.

DECIDE

Article 1er : Le jugement n° 1800165 du tribunal administratif de Limoges du 17 janvier 2019 est annulé.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de la justice de prendre en charge, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, au titre du congé d'invalidité temporaire imputable à l'accident du 14 septembre 2012, les arrêts maladies de Mme B... à compter du 10 octobre 2013 et d'en tirer les conséquences nécessaires en termes de rémunération de cet agent.

Article 3 : L'Etat versera à Mme B... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 13 septembre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

M. M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 octobre 2021.

Le rapporteur,

Frédéric Faïck

Le président,

Didier Artus

La greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre de la justice en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 19BX01071


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX01071
Date de la décision : 11/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Procédure - Jugements.

Procédure - Jugements - Exécution des jugements - Prescription d'une mesure d'exécution.


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : BENAIM

Origine de la décision
Date de l'import : 19/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-10-11;19bx01071 ?
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