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14/10/2021 | FRANCE | N°19BX02249

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 14 octobre 2021, 19BX02249


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler son évaluation professionnelle de l'année 2017 établie le 30 novembre 2017 et d'enjoindre au centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse de lui attribuer une note chiffrée à la hausse et de supprimer les appréciations littérales défavorables contenues dans cette évaluation.

Par un jugement n° 1800695 du 4 avril 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

P

ar une requête, enregistrée le 6 juin 2019, Mme B..., représentée par Me Duverneuil, demande ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler son évaluation professionnelle de l'année 2017 établie le 30 novembre 2017 et d'enjoindre au centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse de lui attribuer une note chiffrée à la hausse et de supprimer les appréciations littérales défavorables contenues dans cette évaluation.

Par un jugement n° 1800695 du 4 avril 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 juin 2019, Mme B..., représentée par Me Duverneuil, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) d'annuler son évaluation professionnelle au titre de l'année 2017 ;

3°) d'enjoindre au CHU de Toulouse de lui attribuer une note chiffrée à la hausse et de supprimer les appréciations littérales défavorables contenues dans cette évaluation ;

4°) de mettre à la charge du CHU de Toulouse une somme de 2 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa notation a été établie à l'issue d'une procédure irrégulière ; la commission administrative paritaire locale s'est prononcée sur la base d'un rapport et d'annexes à ce rapport portant, non pas sur sa manière de servir, mais sur le comportement qui lui était reproché dans le cadre de la procédure disciplinaire engagée à son encontre, ayant donné lieu à l'infliction d'un blâme qu'elle n'a au demeurant pas été mise à même de contester ; elle n'a pas bénéficié d'un débat contradictoire devant la commission administrative paritaire locale ; l'avis de cette commission n'a pas été émis sur la base d'éléments de son dossier individuel portant sur sa manière de servir ;

- son évaluation professionnelle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; les appréciations littérales défavorables ne sont pas en cohérence avec la notation attribuée, correspondant à un très bon travail ; l'appréciation littérale mentionnant qu'elle peut s'opposer à réaliser des tâches figurant dans sa fiche de poste est erronée dès lors que s'occuper du linge sale du vestiaire ne fait pas partie des tâches décrites dans sa fiche de poste ; il existe une discordance entre les notes attribuées pour chaque item et l'appréciation littérale générale ;

- son évaluation professionnelle, qui se traduit par une absence de progression des notes chiffrées, a pour finalité de la sanctionner et est ainsi entachée d'un détournement de pouvoir ; le gel de sa notation est constitutif d'une sanction déguisée et d'une discrimination syndicale ;

- en toute hypothèse, il était inéquitable de mettre à sa charge les frais d'instance exposés devant le tribunal.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 décembre 2020, le centre hospitalier universitaire de Toulouse, représenté par Me Sabatté, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- aucun texte ni aucun principe n'impose que l'examen, par la commission administrative compétente, d'une demande de révision de sa notation par un fonctionnaire soit réalisé dans le cadre d'une procédure contradictoire ;

- il était en droit d'instruire la commission administrative paritaire de comportements ayant par ailleurs donné lieu à des poursuites disciplinaires, qui sont pris en compte pour apprécier la valeur professionnelle d'un fonctionnaire ;

- l'évaluation professionnelle de la requérante ne constitue pas une sanction justifiant la mise en œuvre d'une procédure disciplinaire ;

- la matérialité des faits à l'origine des appréciations littérales figurant sur la feuille d'évaluation est établie par les pièces produites ; il est ainsi établi que Mme B... a fait état de son refus d'effectuer des tâches, en particulier l'évacuation du linge sale dans les sas des salles d'intervention, les vestiaires et le sas de transfert ; si la nouvelle fiche de poste des aides-soignants diffusée le 20 février 2017 est moins détaillée que la précédente et ne mentionne plus expressément l'évacuation du linge sale dans les vestiaires, elle mentionne l'entretien du sas de lavage chirurgical, tâche que la requérante a refusé d'exécuter ; et quand bien même la nouvelle fiche de poste ne mentionnait pas l'évacuation du linge sale dans les vestiaires, il appartenait à la requérante de se conformer aux consignes du cadre de santé, cette tâche étant en adéquation avec son grade ; elle a en outre refusé d'exécuter d'autres tâches figurant sur sa fiche de poste, notamment d'assister le personnel soignant en salle d'intervention ; la requérante a également incité ses collègues à ne pas se conformer aux consignes du cadre de santé concernant le rangement dans les vestiaires ; elle a par ailleurs fait obstacle au bon déroulement de réunions de service en s'opposant systématiquement à sa hiérarchie ; les appréciations littérales et les notes attribuées ne sont affectées d'aucune discordance de nature à révéler une erreur manifeste d'appréciation ; la requérante ne détient aucun droit à l'augmentation de sa notation ;

- la seule circonstance que des éléments pris en compte pour apprécier la valeur professionnelle de l'intéressée aient aussi donné lieu à l'infliction d'une sanction disciplinaire ne suffit pas à démontrer que son évaluation professionnelle constituerait une sanction déguisée ;

- l'évaluation professionnelle en litige a eu pour unique finalité d'apprécier la valeur professionnelle de la requérante sur la période de référence, sans but punitif ni volonté de déprécier la requérante à raison de ses activités syndicales ; elle ne procède ainsi pas d'un détournement de pouvoir.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n°86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

- l'arrêté du 6 mai 1959 relatif à la notation du personnel des établissements d'hospitalisation, de soins et de cure publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy,

- les conclusions de Mme Kolia Gallier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Duverneuil, représentant Mme B..., et de Me Sabatté, représentant le centre hospitalier universitaire de Toulouse.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., aide-soignante titulaire en poste au bloc opératoire de l'hôpital des enfants du centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse, a, par courrier du 27 septembre 2017, demandé à la commission administrative paritaire locale n°8 de l'établissement de proposer la révision de son évaluation professionnelle au titre de l'année 2017. Cette commission, lors de sa séance du 7 novembre 2017, n'a pas proposé de révision. Une nouvelle évaluation a été établie le 30 novembre 2017, maintenant la note initiale de 20/25 et comportant, contrairement à l'évaluation initiale, une appréciation littérale afférente à chacun des cinq éléments d'appréciation. Par une décision du 7 décembre 2017, le directeur du CHU de Toulouse a transmis à Mme B... l'évaluation ainsi établie le 30 novembre 2017. Mme B... relève appel du jugement du 4 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de son évaluation au titre de l'année 2017, telle que rectifiée le 30 novembre 2017.

2. Aux termes de l'article 17 de la loi 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Les notes et appréciations générales attribuées aux fonctionnaires et exprimant leur valeur professionnelle leur sont communiquées ". Aux termes de l'article 65 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Le pouvoir de fixer les notes et appréciations générales exprimant la valeur professionnelle des fonctionnaires dans les conditions définies à l'article 17 du titre Ier du statut général est exercé par l'autorité investie du pouvoir de nomination, après avis du ou des supérieurs hiérarchiques directs ". Aux termes de l'article 2 de l'arrêté modifié en date du 6 mai 1959 relatif à la notation du personnel des établissements d'hospitalisation, de soins et de cure publics : " L'autorité ayant pouvoir de nomination attribue annuellement à chaque agent titulaire ou stagiaire et pour chacun des éléments de notation qui sont applicables à l'intéressé une note chiffrée établie selon un barème de 0 à 5 [...]. En vue de la notation de chaque agent, le chef de service ou supérieur hiérarchique et éventuellement le directeur économe sont appelés à fournir à l'autorité investie du pouvoir de nomination un avis écrit sur la qualification de l'agent pour chacun des cinq éléments prévus à l'article 1er ci-dessus. La note chiffrée est égale au total des points attribués pour chacun desdits éléments. Elle est communiquée par écrit à l'agent intéressé et aux commissions paritaires conformément aux dispositions de l'article L. 814 (deuxième alinéa) du code de la santé publique ". Il résulte de ces dispositions, d'une part, qu'un agent ne saurait se prévaloir d'un quelconque droit à une augmentation de sa note chiffrée, d'autre part, que si la notation du fonctionnaire repose sur une appréciation de la valeur professionnelle dont il a fait montre au cours de l'année écoulée, cet examen inclut nécessairement une comparaison avec la période précédente afin de permettre à l'autorité de tenir compte d'une éventuelle évolution de la manière de servir de l'agent.

3. Aux termes de l'article 65 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, dans sa rédaction alors en vigueur : " (...) Les commissions administratives paritaires ont connaissance des notes et appréciations ; à la demande de l'intéressé, elles peuvent en proposer la révision ".

4. En premier lieu, la requérante persiste à soutenir en appel que la procédure suivie devant la commission administrative paritaire locale (CAPL) à la suite de sa demande de révision serait viciée. Elle fait valoir que le rapport établi le 27 octobre 2017 par le cadre de santé supérieur du pôle blocs opératoires ainsi que les pièces annexées à ce rapport, qui ont été transmis à la CAPL dans le cadre de son recours en révision de son évaluation professionnelle, étaient exclusivement relatifs à la procédure disciplinaire engagée à son encontre, de sorte que la commission n'aurait pas été mise à même de se prononcer sur sa manière de servir. Toutefois, et ainsi que l'ont relevé les premiers juges, les éléments ainsi transmis à la CAPL, qui faisaient état du comportement de Mme B... adopté au cours de l'année évaluée et ayant contribué à la détérioration du climat relationnel au sein de son service ainsi que de ses refus de se conformer aux consignes de sa hiérarchie, concernaient sa manière de servir. Dans ces conditions, le moyen ne peut qu'être écarté.

5. En deuxième lieu, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'avis émis par la CAPL sur sa demande de révision de son évaluation professionnelle n'a pas été émis à l'issue d'une procédure contradictoire, le recours à une telle procédure n'étant prévu par aucune disposition législative ou réglementaire.

6. En troisième lieu, Mme B... soutient qu'il existe une discordance entre, d'une part, la note chiffrée de 4/5 accordée pour les éléments d'appréciation " sens du travail en commun " et " tenue générale et ponctualité ", cette notation traduisant une très bonne valeur professionnelle, et, d'autre part, les appréciations littérales défavorables afférentes à ces mêmes items d'évaluation. Cependant, la seule circonstance que les appréciations littérales litigieuses comportent des réserves, qui justifient d'ailleurs l'absence de progression des notes chiffrées correspondantes par rapport à l'évaluation établie au titre de l'année précédente, n'est pas de nature à traduire une incohérence. La requérante soutient également que, contrairement à ce qui est mentionné dans les appréciations littérales de son évaluation professionnelle, elle n'a pas refusé d'effectuer des tâches prévues par sa fiche de poste, l'évacuation du linge sale des vestiaires ne figurant pas sur la nouvelle fiche de poste diffusée le 10 février 2017. Cependant, il ressort des pièces du dossier, en particulier du témoignage d'une aide-soignante du même service du 10 février 2017, que la requérante a incité ses collègues à ne plus rien ranger dans les vestiaires dès avant la diffusion de la nouvelle fiche de poste, alors qu'une telle tâche figurait sur la fiche de poste alors opposable du 2 février 2011. De plus, il ressort des pièces du dossier que, lors d'une réunion de service du 13 mars 2017, la requérante a annoncé son refus, non seulement d'évacuer le linge sale des vestiaires, mais encore de procéder à l'entretien des sas de transfert, cette dernière tâche figurant pourtant sur la nouvelle fiche de poste des aides-soignants. Enfin, il ressort des pièces versées par le CHU de Toulouse que la requérante a, au cours de l'année 2017, et ainsi que l'indique l'appréciation littérale générale, adopté un comportement véhément à l'égard de sa hiérarchie de nature à perturber le bon fonctionnement du service, la matérialité de ce fait n'étant au demeurant pas contestée par la requérante. Dans ces conditions, et alors que l'autorité chargée d'évaluer la valeur professionnelle d'un agent est, contrairement à ce que soutient Mme B..., en droit de prendre en compte des manquements à la discipline de la part de l'intéressé, les moyens tirés de ce que l'évaluation professionnelle en litige serait entachée d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

7. En quatrième lieu, cette évaluation professionnelle traduit, comme indiqué, une appréciation dénuée d'erreur manifeste sur la manière de servir de Mme B..., qui n'avait aucun droit à une augmentation de sa note chiffrée. Il n'est pas établi que le maintien de sa notation à 20/25 aurait eu pour finalité, non pas de porter une appréciation fidèle sur sa manière de servir au cours de l'année de référence, mais de la sanctionner. Le moyen tiré de ce que le gel de sa notation constituerait une sanction déguisée illégale ne peut ainsi qu'être écarté.

8. Si Mme B... fait aussi valoir que le gel de sa notation serait motivé par son appartenance syndicale, elle n'apporte aucun commencement de preuve d'une telle discrimination. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

9. Enfin, et compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.

10. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent, par suite, être accueillies.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du CHU de Toulouse les frais que Mme B... a exposés dans la présente instance et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la requérante le versement de quelque somme que ce soit sur ce même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier universitaire de Toulouse en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au centre hospitalier universitaire de Toulouse.

Délibéré après l'audience du 14 septembre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 octobre 2021.

La rapporteure,

Marie-Pierre Beuve Dupuy

La présidente,

Catherine Girault

La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX02249


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX02249
Date de la décision : 14/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-06-01 Fonctionnaires et agents publics. - Notation et avancement. - Notation.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : CABINET VACARIE et DUVERNEUIL

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-10-14;19bx02249 ?
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