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14/10/2021 | FRANCE | N°21BX00182

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 14 octobre 2021, 21BX00182


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 26 février 2020 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre

de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2002489 du 21 octobre 2020, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 12 janvier 2021, M. B..., représenté par Me Da Ros, demande à la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 26 février 2020 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre

de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2002489 du 21 octobre 2020, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 janvier 2021, M. B..., représenté par Me Da Ros, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde du 26 février 2020 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour, ou à titre subsidiaire de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir,

sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de procéder à l'effacement de l'interdiction

de retour dans le système d'information Schengen ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit de son conseil d'une somme

de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

En ce qui concerne l'arrêté dans son ensemble :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la mention " pour le préfet,

le secrétaire général " permettait d'identifier le signataire dont le nom et le prénom ne figurent pas sur l'arrêté ; ainsi, l'arrêté est entaché d'incompétence ;

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- il réside en France depuis 2010 et s'est marié le 11 décembre 2020 ; son épouse, avec laquelle il vivait depuis 2018, est titulaire d'une carte de résident et suit un traitement d'aide à la procréation depuis janvier 2019, de sorte que sa présence est nécessaire et que la décision porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme

et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne l'interdiction de retour :

- elle est entachée d'erreur de droit dès lors que la préfète n'a pas tenu compte de la durée de présence en France, dont il a justifié, et s'est fondée sur l'existence d'attaches familiales dans son pays d'origine et sur son maintien en France malgré une mesure d'éloignement, critères non prévus par le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa vie privée

et familiale dès lors que contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, le traitement d'assistance médicale à la procréation a commencé antérieurement à l'arrêté contesté et que son épouse, titulaire d'une carte de résident et qui travaille dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, a vocation à s'établir durablement en France.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 mars 2021, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés

et s'en rapporte à ses écritures de première instance.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision

du 10 décembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique,

sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., de nationalité indienne, né en 1984, a déclaré être entré en France en 2010 sous couvert d'un visa délivré par les autorités italiennes. Le 14 mars 2019, il a sollicité

la délivrance d'un titre de séjour en se prévalant des dispositions du 7° de l'article L. 313-11,

de l'article L. 313-14 et de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers

et du droit d'asile. Par un arrêté du 26 février 2020, la préfète de la Gironde a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays

de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. B... relève appel du jugement du 21 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux

a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur l'arrêté dans son ensemble :

2. La copie de l'arrêté produite en première instance par la préfète de la Gironde permet de lire, malgré un encrage insuffisant du tampon, qu'il a été signé pour la préfète et par délégation, par " le secrétaire général, T. Suquet ". Celui-ci bénéficiait d'une délégation de signature consentie par la préfète de la Gironde le 12 novembre 2019, dûment publiée au recueil des actes administratifs. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'impossibilité d'identifier le signataire devrait entraîner l'annulation de l'arrêté pour incompétence.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

4. Si M. B... se prévaut d'une présence en France depuis 2010, très peu attestée, la vie familiale qu'il invoque n'est pas antérieure à 2018, année au cours de laquelle a commencé

sa vie commune avec une compatriote titulaire d'une carte de résident. Eu égard à son caractère récent à la date de la décision de refus de titre de séjour, le moyen tiré de la méconnaissance

des stipulations précitées ne peut être accueilli, alors même que la compagne de M. B... venait de commencer, en janvier 2019, un traitement dans le cadre d'un désir de grossesse. Le mariage célébré le 11 décembre 2020, postérieurement à la décision du 26 février 2020, ne peut être utilement invoqué pour en contester la légalité.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

5. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à invoquer, par la voie

de l'exception, une illégalité de la décision de refus de titre de séjour.

6. Pour les motifs exposés au point 4, le moyen tiré de la méconnaissance

des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

Sur l'interdiction de retour :

7. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) III. - L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. (...) / Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Sauf menace grave pour l'ordre public, la durée totale de l'interdiction de retour ne peut excéder cinq ans, compte tenu des prolongations éventuellement décidées. (...) ".

8. Alors même que les pièces produites ne suffisent pas à justifier d'une présence continue en France depuis 2010, que M. B... n'a pas exécuté une obligation de quitter

le territoire français du préfet des Alpes-Maritimes du 16 octobre 2015 et que sa vie maritale était récente à la date de l'obligation de quitter le territoire français de la préfète de la Gironde,

sa relation avec une compatriote titulaire d'une carte de résident suffit à faire regarder l'interdiction de retour d'une durée de deux ans comme entachée d'erreur d'appréciation.

Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de la requête, M. B...

est fondé à en demander l'annulation.

9. Il résulte de tout ce qui précède que seules les conclusions à fin d'annulation dirigées contre l'interdiction de retour d'une durée de deux ans peuvent être accueillies et que M.B... est fondé, dans cette mesure, à demander la réformation du jugement attaqué.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

10. Aux termes de l'article R. 613-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les modalités de suppression du signalement d'un étranger effectué au titre d'une décision d'interdiction de retour sont celles qui s'appliquent, en vertu de l'article 7 du décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées, aux cas d'extinction du motif d'inscription dans ce traitement. " Aux termes de l'article 7 du décret du 28 mai 2010 : " Les données à caractère personnel enregistrées dans le fichier sont effacées sans délai en cas (...) d'extinction du motif de l'inscription. (...) ".

11. Le présent arrêt implique seulement que soit effacé le signalement de M. B... aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen. Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre à la préfète de la Gironde de mettre en œuvre la procédure d'effacement de ce signalement, et les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte relatives à la délivrance d'un titre de séjour ou au réexamen de la demande de titre de séjour doivent être rejetées.

Sur les frais exposés à l'occasion du litige :

12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme

à la charge de l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : L'interdiction de retour d'une durée de deux ans prononcée le 26 février 2020

par la préfète de la Gironde à l'encontre de M. B... est annulée.

Article 2 : Il est enjoint à la préfète de la Gironde de mettre en œuvre la procédure d'effacement du signalement de M. B... aux fins de non admission dans le système d'information Schengen.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 2002489 du 21 octobre 2020

est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 14 septembre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 octobre 2021.

La rapporteure,

Anne A...

La présidente,

Catherine GiraultLa greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 21BX00182


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX00182
Date de la décision : 14/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : DA ROS

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-10-14;21bx00182 ?
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