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04/11/2021 | FRANCE | N°21BX00146

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 04 novembre 2021, 21BX00146


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 23 septembre 2020 par lequel la préfète de la Corrèze a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de soixante jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2001358 du 10 décembre 2020, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les

7 janvier et 18 août 2021, M. A..., représenté par Me Dumont, demande à la cour :

1°) d'annuler c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 23 septembre 2020 par lequel la préfète de la Corrèze a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de soixante jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2001358 du 10 décembre 2020, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 janvier et 18 août 2021, M. A..., représenté par Me Dumont, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 10 décembre 2020 du tribunal administratif de Limoges ;

2°) d'annuler l'arrêté du 23 septembre 2020 de la préfète de la Corrèze ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Corrèze de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à son avocate sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi sur l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens.

Il soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les dispositions du I de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle est également entachée d'une erreur d'appréciation ;

- cette décision méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de soixante jours et fixation du pays de destination sont illégales dès lors qu'elles ont pour effet de compromettre son avenir professionnel ; elles méconnaissent ainsi les dispositions de l'article L. 511- du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elles sont également entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juillet 2021, la préfète de la Corrèze conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. A... n'est fondé.

Par une décision n° 2021/002558 du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Bordeaux du 1er avril 2021, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté du 31 décembre 2002 modifiant et complétant l'arrêté du 27 décembre 1983 fixant le régime des bourses accordées aux étrangers boursiers du Gouvernement français ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Éric Rey-Bèthbéder a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant ukrainien, né le 6 août 2002, est entré en France le 9 septembre 2019, selon ses déclarations, muni d'un passeport ukrainien en cours de validité. Il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le 13 mai 2020. Par arrêté du 23 septembre 2020, la préfète de la Corrèze a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de soixante jours et a fixé le pays de destination. Le 27 septembre 2020, M. A... a formé un recours gracieux à l'encontre de cet arrêté, lequel a été implicitement rejeté. Il relève appel du jugement du 10 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention "étudiant" (...) ". En vertu de l'article R. 313-7 du même code : " Pour l'application du I de l'article L. 313-7, l'étranger qui demande la carte de séjour portant la mention "étudiant" (...) doit présenter, outre les pièces mentionnées aux articles R. 311-2-2 et R. 313-1, les pièces suivantes : / 1° La justification qu'il dispose de moyens d'existence, correspondant au moins au montant de l'allocation d'entretien mensuelle de base versée, au titre de l'année universitaire écoulée, aux boursiers du Gouvernement français (...) ". Enfin, aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 31 décembre 2002 modifiant et complétant l'arrêté du 27 décembre 1983 fixant le régime des bourses accordées aux étrangers boursiers du Gouvernement français : " Le montant de l'allocation d'entretien prévu à l'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 1983 susvisé est fixé à 615 euros par mois ".

3. Lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé. Lorsque le préfet recherche d'office si l'étranger peut bénéficier d'un titre de séjour sur un ou plusieurs autres fondements possibles, l'intéressé peut alors se prévaloir à l'encontre de la décision de rejet de sa demande de titre de séjour de la méconnaissance des dispositions au regard desquelles le préfet a également fait porter son examen. Dans le cas où, comme en l'espèce, le préfet énonce, parmi les motifs de la décision portant refus de séjour, que l'intéressé " n'entre dans aucun cas d'attribution d'un titre de séjour en application du code précité ", il doit être réputé avoir examiné si le demandeur était susceptible de recevoir l'un des titres de séjour dont la loi dispose qu'ils sont attribués de plein droit.

4. Toutefois, les dispositions du I de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoient pas la délivrance de plein droit d'un titre de séjour, de sorte que M. A... ne peut utilement s'en prévaloir à l'encontre de l'arrêté litigieux. En tout état de cause, M. A... se borne à produire les relevés de son compte bancaire afférents à une période postérieure à l'arrêté litigieux, soit du 2 octobre 2020 au 4 janvier 2021, et qui font ressortir des ressources nettement inférieures au seuil définis par les dispositions citées au point 2, notamment pour les mois d'octobre, de novembre et de décembre. M. A... fait également valoir qu'il est pris en charge par son frère. Si le relevé du compte bancaire de ce dernier, qui ne fait apparaître aucun versement sur le compte de l'appelant, révèle un solde créditeur d'un montant de 1 509,30 euros pour le mois de septembre 2020, cette circonstance n'est pas de nature à établir qu'il procurerait à M. A... une aide financière et matérielle, alors, au demeurant, qu'il ressort des pièces du dossier qu'il est seulement titulaire d'une carte de séjour " étudiant " ne l'autorisant à travailler qu'à titre accessoire. Par suite, et quand bien même M. A... serait hébergé par son frère depuis son arrivée en France, M. A... ne répond pas aux conditions exigées par les dispositions du I de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ne saurait soutenir que la préfète aurait commis une erreur d'appréciation.

5. En second lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". En vertu de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° À l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

6. En soutenant que la préfète de la Corrèze aurait dû examiner sa situation au regard, notamment, des conditions de sa vie privée et familiale, M. A... doit être regardé comme reprenant en appel le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur le fondement desquelles il a sollicité un titre de séjour le 13 mai 2020, ainsi que des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. M. A... se prévaut de la présence de son frère sur le territoire français, titulaire d'une carte de séjour " étudiant " chez qui il est hébergé, de son indépendance financière, de la stabilité et de la régularité de ses ressources, de son inscription dans un lycée au titre des années scolaires 2019-2020 et 2020-2021 et des bons résultats qu'il a obtenus au titre de l'année scolaire 2020-2021. Toutefois, il est constant qu'il est célibataire et sans enfant. Par ailleurs, il n'établit ni même n'allègue la présence en France d'autres membres de sa famille et être dépourvu d'attaches en Ukraine, pays dont il a la nationalité, ou au Maroc, où il est né. Dans ces conditions, et compte tenu du caractère récent de son entrée en France à la date de l'arrêté litigieux, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté litigieux a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, il n'est fondé à soutenir, ni que cet arrêté aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni qu'il aurait méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; (...) ".

9. En soutenant qu'il lui est reproché de s'être maintenu sur le territoire français après l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire français, sans avoir régularisé sa situation par l'obtention d'un visa long séjour, et de s'être ainsi maintenu irrégulièrement sur le territoire français, alors qu'il n'aurait fait que suivre les indications données par les services de la préfecture, M. A... doit être regardé comme se prévalant de la méconnaissance des dispositions du 2° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. A... s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français après l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire français. Par suite, la préfète de la Corrèze, qui pouvait légalement obliger l'appelant à quitter le territoire français sur le fondement du 2° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'a pas méconnu ces dispositions.

11. En second lieu, si M. A... soutient qu'il devra effectuer son service militaire en cas de retour en Ukraine pendant au moins 18 mois, cette seule circonstance ne saurait être de nature à l'empêcher d'y poursuivre sa scolarité et à compromettre son avenir professionnel. Par suite, la préfète de la Corrèze n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle entraine sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

12. Pour les mêmes raisons que celles exposées au point 11, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle entraine sur sa situation personnelle.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 septembre 2020. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées au titre des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur. Une copie sera transmise pour information à la préfète de la Corrèze.

Délibéré après l'audience du 7 octobre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,

Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 novembre 2021.

La présidente-assesseure,

Frédérique Munoz-Pauziès

Le président-rapporteur

Éric Rey-BèthbéderLa greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

N° 21BX00146


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 21BX00146
Date de la décision : 04/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Eric REY-BETHBEDER
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : DUMONT

Origine de la décision
Date de l'import : 07/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-11-04;21bx00146 ?
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