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02/12/2021 | FRANCE | N°20BX02316

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 02 décembre 2021, 20BX02316


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision du 7 septembre 2017 par laquelle le préfet des Landes lui a ordonné de se dessaisir des armes en sa possession dans le délai d'un mois et la décision du 3 octobre 2017 par laquelle cette même autorité lui a ordonné de se dessaisir d'une arme nouvellement acquise et de lui indiquer avant le 10 octobre 2017 la destination de l'ensemble des armes, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé contre ces dé

cisions.

Par un jugement n° 1800165 du 16 juin 2020, le tribunal administ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision du 7 septembre 2017 par laquelle le préfet des Landes lui a ordonné de se dessaisir des armes en sa possession dans le délai d'un mois et la décision du 3 octobre 2017 par laquelle cette même autorité lui a ordonné de se dessaisir d'une arme nouvellement acquise et de lui indiquer avant le 10 octobre 2017 la destination de l'ensemble des armes, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé contre ces décisions.

Par un jugement n° 1800165 du 16 juin 2020, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 juillet 2020, M. A..., représenté par Me Defos du Rau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 16 juin 2020 du tribunal administratif de Pau ;

2°) d'annuler la décision du 7 septembre 2017 par laquelle le préfet des Landes lui a ordonné de se dessaisir des armes en sa possession dans le délai d'un mois et la décision du 3 octobre 2017 par laquelle cette même autorité lui a ordonné de se dessaisir d'une arme nouvellement acquise et de lui indiquer avant le 10 octobre 2017 la destination de l'ensemble des armes, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé contre ces décisions.

Il soutient que :

- les décisions attaquées sont entachées d'erreurs de fait quant au nombre d'armes qu'il détient, qui sont ainsi au nombre de cinq ; elles sont donc illégales en tant qu'elles lui ordonnent de restituer des objets qui ne sont pas en sa possession ;

- la seule affirmation que son comportement serait incompatible avec la détention d'une arme ne saurait fonder les décisions attaquées, sans communication d'éléments précis et objectifs, notamment issus de l'enquête administrative ; ces décisions ont donc été prises de façon arbitraire et en dehors du respect du contradictoire ;

- les décisions critiquées ont été prises sans qu'il soit informé des accusations portées à son encontre, elles sont contraires aux articles 6 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- faute d'éléments précis, elles sont entachées d'erreur d'appréciation, aucun élément ne permettant de considérer qu'il constituerait une personne dangereuse au sens de l'article L. 313-3-1 du code de la sécurité intérieure ; en effet, son bulletin n° 2 du casier judiciaire ne comporte aucune condamnation et le parquet n'a pas donné suite à la demande du préfet quant aux suites données à ses antécédents judiciaires ;

- par ailleurs, il dispose d'une armoire forte pour stocker ses armes et est détenteur d'un permis de chasse depuis 1979.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 janvier 2021, la préfète des Landes conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 86-76 du 17 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,

- et les conclusions de Mme Florence Madelaigue, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 7 septembre 2017, le préfet des Landes a ordonné à M. B... A... de se dessaisir des armes en sa possession. Par une décision du 3 octobre 2017, cette même autorité a ordonné à M. A... de se dessaisir d'une arme nouvellement acquise et de lui indiquer avant le 10 octobre 2017 la destination des armes concernées. M. A... fait appel du jugement du tribunal administratif de Pau du 16 juin 2020, qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions ainsi qu'à celle du rejet implicite du recours gracieux qu'il a formé contre lesdites décisions.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 312-3-1 du code de la sécurité intérieure : " L'autorité administrative peut interdire l'acquisition et la détention des armes, munitions et de leurs éléments des catégories A, B et C aux personnes dont le comportement laisse craindre une utilisation dangereuse pour elles-mêmes ou pour autrui ". En outre, aux termes de l'article L. 312-3 du même code : " Sont interdites d'acquisition et de détention d'armes, de munitions et de leurs éléments des catégories A, B et C : 1° Les personnes dont le bulletin n° 2 du casier judiciaire comporte une mention de condamnation pour l'une des infractions suivantes : meurtre, assassinat ou empoisonnement prévus aux articles 221-1 et suivants du code pénal ; (...) viol et agressions sexuelles prévus aux articles 222-22 à 222-31-2 du même code ". Aux termes de l'article L. 312-11 du même code : " Sans préjudice des dispositions de la sous-section 1, le représentant de l'État dans le département peut, pour des raisons d'ordre public ou de sécurité des personnes, ordonner à tout détenteur d'une arme, de munitions et de leurs éléments de toute catégorie de s'en dessaisir ".

3. Les décisions contestées sont fondées sur " un comportement incompatible avec la détention d'armes ". Par suite, et comme le fait valoir la préfète en défense, elles doivent être regardées comme étant fondées, non sur le 1° de l'article L. 312-3 du code de la sécurité intérieure, qui interdit l'acquisition et la détention de certaines armes par les personnes dont le bulletin n° 2 du casier judiciaire comporte une mention de condamnation, mais sur l'article L. 312-3-1 du même code, qui prévoit que l'autorité administrative peut interdire l'acquisition et la détention d'armes aux personnes dont le comportement laisse craindre une utilisation de ces armes dangereuse pour elles-mêmes ou pour autrui, ces dispositions visant à prévenir les atteintes à l'ordre public, en protégeant tant les personnes visées par ces mesures d'interdiction que les tiers.

4. Il ressort des pièces du dossier que, les 21 mai et 3 octobre 2017, les services de la préfecture des Landes ont été destinataires de deux dossiers de demandes d'enregistrement d'armes de catégorie D, déposés par M. A..., qui par ailleurs se revendique chasseur et qui possède un permis de chasse depuis 1979. Lors de l'examen de son dossier, il est apparu que, si le bulletin n° 2 du casier judiciaire de l'intéressé était vierge, des mentions le concernant figuraient au fichier du traitement des antécédents judiciaires (TAJ), ce qui a motivé une enquête de gendarmerie à l'issue de laquelle a été émis, dans un procès-verbal du 1er septembre 2017, un avis défavorable à la demande de M. A....

5. La préfète des Landes se prévaut, pour justifier l'édiction des deux décisions contestées, d'une part, de ce que M. A... était connu du fichier TAJ et, d'autre part, de ses propres déclarations dans le cadre de l'enquête de gendarmerie. Il ressort en effet de la " fiche de contrôle préliminaire TAJ " qu'elle produit, que l'intéressé a été " mis en cause " dans trois affaires, un " attentat à la pudeur sur mineur de moins de 15 ans " le 1er janvier 1983, une " émission clandestine TV radio " le 1er septembre 1998, et un " viol sur des majeur(e)s " et " autres violences volontaires aggravées " dans la nuit du 18 au 19 juin 2003. Par ailleurs, M. A... a déclaré, dans le cadre de l'enquête de moralité menée par la gendarmerie avoir été " condamné en 2003 pour viol ", avoir effectué à ce titre un an de prison ferme et versé une amende de 7 500 euros.

6. La pratique de la chasse ou du tir sportif, ainsi que la valeur des armes dont l'intéressé doit se dessaisir, sont sans incidence sur l'appréciation portée par le préfet sur les risques liés à la détention d'une arme. De même, la circonstance que des faits n'aient aucun lien avec l'usage d'une arme ou avec un quelconque fait de violence ou de menace ne s'oppose pas à ce que le préfet ordonne au demandeur de l'enregistrement d'une arme de se dessaisir de celle-ci dès lors que les dispositions applicables de l'article L. 312-3-1 du code de sécurité intérieure n'exigent pas qu'un tel lien soit établi. Cependant, en l'espèce, les suites judiciaires des faits mentionnés au point précédent ne sont pas connues. De plus, eu égard à leur nature pour le deuxième d'entre eux et en raison pour tous ces faits de leur ancienneté à la date de la décision attaquée, alors en outre que l'intéressé n'avait que 21 ans en 1983, et compte tenu de ce que l'administration ne précise pas l'implication réelle dans ces faits de M. A..., seulement qualifié de " mis en cause " par la fiche TAJ, et qu'en tout état de cause, comme cela a été dit ci-dessus, le bulletin n° 2 de son casier judiciaire ne comporte aucune mention, il n'est pas établi que son comportement laisserait craindre une utilisation d'arme ou de matériel dangereuse pour lui-même ou pour autrui au sens de l'article L. 312-3-1 du code de la sécurité intérieure, ou qu'ils caractériseraient des raisons d'ordre public ou de sécurité des personnes au sens de l'article L. 312-11 du même code, le procès-verbal de l'enquête de gendarmerie relevant au surplus qu'il " n'est pas connu défavorablement par la mairie de la commune de Gabarret ". Dans ces conditions, le préfet des Landes a fait une inexacte application des dispositions précitées du code de la sécurité intérieure. Par suite, M. A... est fondé à soutenir que les décisions attaquées des 7 septembre et 3 octobre 2017 sont entachées d'erreur d'appréciation et doivent être annulées, ainsi que, par voie de conséquence, la décision de rejet implicite opposée à son recours gracieux.

7. Au demeurant, alors que la décision ordonnant la remise d'armes et de munitions à l'autorité administrative, qui emporte pour l'intéressé une interdiction d'acquérir ou de détenir des armes et munitions, constitue une mesure de police administrative devant être motivée, en l'espèce, en se bornant à indiquer que l'enquête administrative diligentée par ses services fait apparaître que le comportement de M. A... " est incompatible avec la détention d'une arme ", le préfet n'a pas mis celui-ci en situation de comprendre les motifs de droit et de fait l'ayant amené à prendre la décision litigieuse et d'en discuter le bien fondé.

8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens soulevés, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande d'annulation des décisions des 7 septembre et 3 octobre 2017.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1800165 du 16 juin 2020 du tribunal administratif de Pau est annulé.

Article 2 : Les décisions du préfet des Landes des 3 et 10 octobre 2017, ainsi que le rejet implicite du recours gracieux formé par M. A... contre ces décisions, sont annulés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée à la préfète des Landes.

Délibéré après l'audience du 4 novembre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,

Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 décembre 2021.

La rapporteure,

Florence Rey-Gabriac

Le président,

Éric Rey-Bèthbéder

La greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX02316


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 20BX02316
Date de la décision : 02/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05 Police. - Polices spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : SCP DEFOS DU RAU - CAMBRIEL - REMBLIERE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-12-02;20bx02316 ?
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