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06/12/2021 | FRANCE | N°18BX03157

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 06 décembre 2021, 18BX03157


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner la commune de Loudenvielle, d'une part, à procéder à la liquidation de l'indemnité de licenciement à laquelle il estime avoir droit, d'autre part, à lui verser les salaires qui lui sont dus au titre de la période du 3 octobre 2014 au 1er juin 2015, pour un montant total de 21 487,68 euros brut, enfin à lui verser une somme de 30 000 euros en réparation du préjudice que lui a causé l'illégalité fautive du licenciement dont il a fait l

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Par un jugement n° 1702239 du 18 juin 2018, le tribunal administra...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner la commune de Loudenvielle, d'une part, à procéder à la liquidation de l'indemnité de licenciement à laquelle il estime avoir droit, d'autre part, à lui verser les salaires qui lui sont dus au titre de la période du 3 octobre 2014 au 1er juin 2015, pour un montant total de 21 487,68 euros brut, enfin à lui verser une somme de 30 000 euros en réparation du préjudice que lui a causé l'illégalité fautive du licenciement dont il a fait l'objet.

Par un jugement n° 1702239 du 18 juin 2018, le tribunal administratif de Pau a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 août 2018 et un mémoire enregistré le 14 décembre 2018, M. A..., représenté par Me Mascaras, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 18 juin 2018 ;

2°) de condamner la commune de Loudenvielle, d'une part, à procéder à la liquidation de l'indemnité de licenciement, d'autre part, à lui verser les salaires qui lui sont dus au titre de la période du 3 octobre 2014 au 1er juin 2015, pour un montant total de 21 487,68 euros brut, enfin à lui verser une somme de 30 000 euros en réparation du préjudice que lui a causé l'illégalité fautive du licenciement dont il a fait l'objet ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Loudenvielle une somme de 4 000 euros au titre des frais qu'il a exposé pour l'instance.

Il soutient que :

- ses demandes sont recevables ;

- la décision prononçant son licenciement est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière ;

- son insuffisance professionnelle n'est pas établie et qu'il n'a pas été mis en mesure de prouver l'étendue et la réalité de ses compétences ;

- il a droit à une indemnité de licenciement en application des dispositions de l'article 43 du décret n°88-145 du 15 février 1988.

Par un mémoire enregistré le 14 novembre 2018, la commune de Loudenvielle conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce que le montant de l'indemnité de licenciement soit réduit de moitié et, en tout état de cause, à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de M. A... au titre des frais qu'elle a exposés pour l'instance.

Elle soutient que le recours de M. A... devant le tribunal administratif n'a pas été formé dans un délai raisonnable, que les moyens invoqués ne sont pas fondés et, qu'en application des dispositions de l'article 45 du décret n°88-145 du 15 février 1988, l'indemnité de licenciement doit être réduite de moitié en cas de licenciement pour insuffisance professionnelle.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le décret n°88-145 du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de Mme Le Bris, rapporteure publique,

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a été engagé par la commune de Loudenvielle en qualité d'agent de maîtrise de catégorie C exerçant les fonctions de responsable des ateliers municipaux et, ce, pour une durée de dix-huit mois à compter du 1er décembre 2013. Par une décision du 2 octobre 2014, le maire de cette commune a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle à effet du 3 novembre suivant. M. A... relève appel du jugement du 18 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à ce que cette commune soit condamnée, d'une part, à procéder à la liquidation de l'indemnité de licenciement, d'autre part, à lui verser les salaires qui lui sont dus au titre de la période du 3 octobre 2014 au 1er juin 2015, enfin à lui verser une somme de 30 000 euros en réparation du préjudice que lui a causé l'illégalité du licenciement dont il a fait l'objet.

Sur la recevabilité de la requête :

2. Il résulte du principe de sécurité juridique que le destinataire d'une décision administrative individuelle qui a reçu notification de cette décision ou en a eu connaissance dans des conditions telles que le délai de recours contentieux ne lui est pas opposable doit, s'il entend obtenir l'annulation ou la réformation de cette décision, saisir le juge dans un délai raisonnable, qui ne saurait, en règle générale et sauf circonstances particulières, excéder un an.

3. Toutefois, cette règle ne trouve pas à s'appliquer aux recours tendant à la mise en jeu de la responsabilité d'une personne publique qui, s'ils doivent être précédés d'une réclamation auprès de l'administration, ne tendent pas à l'annulation ou à la réformation de la décision rejetant tout ou partie de cette réclamation mais à la condamnation de la personne publique à réparer les préjudices qui lui sont imputés. Il en est de même du recours de pleine juridiction formé par un agent public pour réclamer une créance de rémunération qu'il estime détenir sur une personne publique. La prise en compte de la sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause indéfiniment des situations consolidées par l'effet du temps, est alors assurée par les règles de prescription prévues par la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ou, en ce qui concerne la réparation des dommages corporels, par l'article L. 1142-28 du code de la santé publique.

4. Il résulte de ce qui précède que la commune de Loudenvielle ne peut pas utilement faire valoir que M. A... a attendu plusieurs années avant de lui demander, le 21 juillet 2017, de l'indemniser des préjudices qu'il estime avoir subi à raison de ce licenciement et de lui verser les sommes qu'il estime lui être dues au même titre. Par suite, la commune n'est pas fondée à soutenir que la requête présentée devant le tribunal administratif de Pau par M. A..., le 26 septembre 2017, quelques jours après le rejet implicite de cette demande préalable, serait tardive.

Sur la légalité de la décision de licenciement :

5. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la décision de licenciement du 2 octobre 2014 ne comportait notamment aucune motivation en droit et que M. A... n'a jamais été invité à solliciter la communication de son dossier en méconnaissance des dispositions de l'article 39-2 du décret n°88-145 du 15 février 1988. Par suite, la commune de Loudenvielle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que cette décision était illégale.

6. Toutefois, lorsqu'une personne sollicite le versement d'une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité, pour un vice de procédure, de son licenciement pour insuffisance professionnelle, il appartient au juge de plein contentieux, saisi de moyens en ce sens, de déterminer, en premier lieu, la nature de cette irrégularité procédurale puis, en second lieu, de rechercher, en forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, si, compte tenu de la nature et de la gravité de cette irrégularité procédurale, la même décision aurait pu être légalement prise, s'agissant tant du principe même de la décision que de ses modalités, dans le cadre d'une procédure régulière.

7. En outre, le licenciement pour inaptitude professionnelle d'un agent public contractuel ne peut être fondé que sur des éléments révélant l'inaptitude de l'agent à exercer normalement les fonctions pour lesquelles il a été engagé. Une évaluation portant sur la manière dont l'agent a exercé de nouvelles fonctions correspondant à son grade durant une période suffisante et révélant son inaptitude à un exercice normal de ces fonctions peut, alors, être de nature à justifier légalement son licenciement.

8. En l'occurrence, il résulte de l'instruction que, le 4 juillet 2014, la commune a adressé à M. A... une première lettre lui rappelant qu'en dépit de plusieurs observations verbales, il persistait à ne pas respecter les procédures pourtant écrites et qui lui ont été rappelées à plusieurs reprises, notamment la validation par sa hiérarchie des bons de commande. Elle lui a adressé une seconde lettre le 14 juillet suivant pour lui rappeler qu'en dépit de l'entretien qui a eu lieu le 10 juillet 2014, elle constatait que certains bons de commandes n'étaient toujours pas présentés à sa hiérarchie pour validation. Si ces faits ont donné lieu, le même jour, à un avertissement et présentent ainsi un caractère disciplinaire, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce qu'ils soient également pris en compte pour évaluer l'insuffisance professionnelle de l'intéressé, fondée sur un ensemble d'éléments démontrant son inaptitude professionnelle et, en particulier, du constat établi contradictoirement le 29 septembre 2014 et signé par M. A... dont il ressort que, dix mois après sa prise de poste, celui-ci n'était toujours pas en capacité d'exercer au moins huit des tâches énumérées dans sa fiche de poste. Par ailleurs, si l'appelant indique que ce licenciement est intervenu avant son entretien individuel annuel, qu'il était en droit de bénéficier de l'assistance de sa hiérarchie et d'avoir accès à des formations, il n'établit ni même n'allègue qu'il n'aurait pas bénéficié d'un encadrement adapté, qu'il aurait demandé, en vain, à bénéficier d'une ou plusieurs formations et ne fait, plus généralement, état d'aucun élément permettant de considérer que son incapacité à exercer normalement les fonctions pour lesquelles il a été engagé, constatée dix mois après sa prise de poste et dont il ne conteste pas la réalité, ne caractériserait pas une insuffisance professionnelle. Ainsi, la décision prononçant son licenciement apparaît bien fondée et aurait pu légalement être prise à l'issue d'une procédure régulière ainsi que l'ont relevé les premiers juges.

Sur les préjudices :

9. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander réparation des préjudices que lui aurait causés l'irrégularité du licenciement dont il a fait l'objet.

Sur l'indemnité de licenciement :

10. Aux termes de l'article 43 du décret n°88-145 du 15 février 1988 : " Sauf lorsque le licenciement intervient, soit pour des motifs disciplinaires, soit au cours ou à l'expiration d'une période d'essai, une indemnité de licenciement est due aux agents : (...) 2° Qui, engagés à terme fixe, ont été licenciés avant ce terme ". L'article 44 de ce même décret prévoit quant à lui que : " Toutefois l'indemnité de licenciement n'est pas due aux agents mentionnés à l'article 43 lorsque ceux-ci : (...) 2° Retrouvent immédiatement un emploi équivalent dans l'une des collectivités publiques mentionnées à l'article 2 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée ou d'une société d'économie mixte dans laquelle l'Etat ou une collectivité territoriale a une participation majoritaire ". L'article 45 de ce décret prévoit que : " La rémunération servant de base au calcul de l'indemnité de licenciement est la dernière rémunération nette des cotisations de la sécurité sociale et, le cas échéant, des cotisations d'un régime de prévoyance complémentaire, effectivement perçue au cours du mois civil précédant le licenciement. Elle ne comprend ni les prestations familiales, ni le supplément familial de traitement, ni les indemnités pour travaux supplémentaires ou autres indemnités accessoires. " En outre, il résulte de l'article 46 du même décret : " L'indemnité de licenciement est égale à la moitié de la rémunération de base définie à l'article précédent pour chacune des douze premières années de services, au tiers de la même rémunération pour chacune des années suivantes, sans pouvoir excéder douze fois la rémunération de base. Elle est réduite de moitié en cas de licenciement pour insuffisance professionnelle. En cas de rupture avant son terme d'un engagement à durée déterminée, le nombre d'années pris en compte ne peut excéder le nombre des mois qui restaient à courir jusqu'au terme normal de l'engagement. ".

11. Il ressort des pièces produites pour la première fois en appel par M. A... qu'à l'issue de son licenciement, il a contacté les services de Pôle Emploi au plus tard le 12 décembre 2014 en vue de retrouver un emploi, qu'il a été inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi à compter du 28 janvier 2015 et qu'il a bénéficié à ce titre de l'allocation de retour à l'emploi (ARE). En outre, il était toujours demandeur d'emploi le 2 septembre 2015 ainsi qu'il ressort du compte-rendu de son entretien du même jour avec son conseiller Pôle Emploi, nonobstant l'exercice à titre accessoire d'une activité d'autoentrepreneur. Enfin, il ressort de ses avis d'imposition 2015 et 2016 que le total de la ligne " salaires et assimilés " s'élevait à 23 420 euros au titre de l'année 2014 mais ne s'élevait plus qu'à la somme de 8 036 euros au titre de l'année 2015, année au cours de laquelle il a bénéficié de l'ARE.

12. Dans ces conditions, l'appelant est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré qu'il devait être regardé comme ayant retrouvé immédiatement un emploi équivalent dans une des collectivités citées aux dispositions précitées du 2° de l'article 44 du décret n°88-145 du 15 février 1988 et à demander, dans cette seule mesure, la réformation du jugement attaqué.

13. Par suite, il est également fondé à demander que la commune soit condamnée à lui verser l'indemnité de licenciement due aux agents engagés à terme fixe et licenciés, avant ce terme, en application des dispositions précitées de l'article 43 du décret n°88-145 du 15 février 1988. Enfin, l'état de l'instruction ne permettant pas de déterminer avec exactitude le montant de cette indemnité, il y a lieu de renvoyer l'intéressé devant la commune de Loudenvielle pour qu'il soit procédé au calcul de ce montant en faisant application des dispositions également précitées des articles 45 et 46 du même décret, notamment, de l'abattement de 50% que ces dispositions prévoient en cas de licenciement pour insuffisance professionnelle et en prenant comme base pour le calcul de l'indemnité de licenciement, la rémunération de M. A... du mois d'octobre 2014 et la durée de contrat restant à la date d'effet de son licenciement.

14. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Pau est réformé en tant qu'il a rejeté la demande de M. A... tendant à la condamnation de la commune de Loudenvielle à lui verser une indemnité de licenciement.

Article 2 : La commune de Loudenvielle est condamnée à verser à M. A... une indemnité de licenciement. M A... est renvoyé devant la commune de Loudenvielle pour qu'il soit procédé au calcul du montant de cette indemnité.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Jean-Philippe A... et à la commune de Loudenvielle.

Délibéré après l'audience du 2 novembre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 décembre 2021.

Le rapporteur,

Manuel B...

Le président,

Didier Artus

Le greffier,

Anthony Fernandez

La République mande et ordonne au préfet des Hautes-Pyrénées en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°18BX03157


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX03157
Date de la décision : 06/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-12-03 Fonctionnaires et agents publics. - Agents contractuels et temporaires. - Fin du contrat.


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : ASSOCIATION D'AVOCATS MASCARAS - CERESIANI - LES AVOCATS ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-12-06;18bx03157 ?
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