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13/12/2021 | FRANCE | N°19BX03543

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 13 décembre 2021, 19BX03543


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les décisions des 9 mai et 18 juillet 2017 par lesquelles la commune de Toulouse a, respectivement, rejeté sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de l'état anxio-dépressif dont elle est atteinte et rejeté le recours gracieux qu'elle a formé contre cette décision.

Par un jugement n° 1703093 du 4 juillet 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ces demandes ;

Procédure devant la cour :>
Par une requête enregistrée le 27 août 2019 et des mémoires enregistrés les 17 février ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les décisions des 9 mai et 18 juillet 2017 par lesquelles la commune de Toulouse a, respectivement, rejeté sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de l'état anxio-dépressif dont elle est atteinte et rejeté le recours gracieux qu'elle a formé contre cette décision.

Par un jugement n° 1703093 du 4 juillet 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ces demandes ;

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 août 2019 et des mémoires enregistrés les 17 février 2020, 27 juillet 2020 et 30 avril 2021, Mme C..., représentée par Me Hirtzlin-Pinçon, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 4 juillet 2019 ;

2°) d'annuler les décisions des 9 mai et 18 juillet 2017 par lesquelles la commune de Toulouse a, respectivement, rejeté sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de l'état anxio-dépressif dont elle est atteinte et rejeté le recours gracieux qu'elle a formé contre cette décision ;

3°) d'enjoindre à la commune de Toulouse d'adopter une décision reconnaissant l'imputabilité au service de sa pathologie et reconstituant sa carrière dans le délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat et au bénéfice de son conseil une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la composition de la formation de jugement ne permet pas d'en assurer l'impartialité ;

- ce jugement a été rendu à l'issue d'un délibéré trop court qui ne lui a, de surcroit, pas laissé le loisir de produire une note en délibéré ;

- ce jugement est entaché de multiples erreurs et témoigne de la " servilité " du tribunal à l'égard de la commune ;

- les motifs de ce jugement impliquent la mise en cause de la société Total Gaz au titre de l'accident survenu dans l'usine AZF en 2001 ;

- la décision litigieuse est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière ;

- le signataire de cette décision n'était pas compétent pour la signer ;

- sa maladie est imputable au service.

Par des mémoires enregistrés les 8 juin 2020 et 29 avril 2021, la commune de Toulouse, représentée par Me Aveline, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme C... au titre des frais exposés pour l'instance.

Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 29 mars 2021 la clôture d'instruction a été fixée au 30 avril 2021 à 12h00.

Un mémoire de Mme C... a été enregistré le 26 octobre 2021, postérieurement à la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- les conclusions de Mme Le Bris, rapporteure publique,

- et les observations de Me Aveline, représentant la commune de Toulouse.

Une note en délibéré présentée par Me Aveline représentant la commune de Toulouse a été enregistrée le 18 novembre 2021.

Considérant ce qui suit :

1. Le 24 août 2009, Mme C..., animateur territorial, a été affectée à sa demande à l'Office de la tranquillité de la commune de Toulouse sur un poste de régulatrice coordination médiation. Le 16 octobre 2014, Mme C... a fait une tentative de suicide par intoxication médicamenteuse dans les locaux de l'office de la tranquillité. Par décision du 19 octobre 2014, la commune de Toulouse a reconnu cet accident comme imputable au service. En revanche, elle a refusé, par une décision du 9 mai 2017, d'admettre l'imputabilité au service des troubles anxio-dépressifs dont était atteinte Mme C... et a rejeté le 18 juillet suivant le recours gracieux formé par cette dernière. Mme C... relève appel du jugement du 4 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, si l'appelante fait valoir que la formation de jugement était notamment composée d'un magistrat nommé et titularisé dans le grade de conseiller du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel à compter du 1er janvier 2011 et qui avait précédemment exercé les fonctions d'assistant auprès du conseil municipal de la Ville de Toulouse du 13 septembre au 31 décembre 2010, cette seule circonstance ne permet aucunement de mettre en cause son impartialité ou son indépendance, compte tenu du délai écoulé entre la fin de ces fonctions et les décisions litigieuses des 9 mai et 18 juillet 2017 auxquelles il n'a pu prendre aucune part et qui ne sont pas davantage fondées en droit ou en fait sur des décisions plus anciennes auxquelles il aurait pu prendre part.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article R.731-3 du code de justice administrative ; " A l'issue de l'audience, toute partie à l'instance peut adresser au président de la formation de jugement une note en délibéré ".

4. Mme C... n'établit pas qu'elle aurait été privée de la possibilité de produire une note en délibéré ou que le jugement aurait été rendu sans que la formation de jugement puisse prendre en compte tous les éléments du dossier aux seuls motifs que le rapporteur public aurait refusé de lui adresser une version écrite des conclusions qu'il a prononcées à l'audience, que le dossier était complexe et que le jugement attaqué aurait été lu en audience publique une semaine après l'audience.

5. En troisième lieu, si l'appelante soutient que le jugement attaqué est entaché de multiples erreurs de fait et que les premiers juges se sont appropriés à tort les conclusions de la commune défenderesse, ces moyens ont trait au bien-fondé du jugement attaqué et demeurent sans incidence sur sa régularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

6. En premier lieu, par un arrêté en date du 9 juillet 2015, transmis à la préfecture de la Haute-Garonne et publié par affichage en mairie le 9 juillet 2015, M. A... E... a reçu délégation du maire de la commune de Toulouse à l'effet de signer " tous actes et documents relatifs aux situations administratives des agents ". Dans ces conditions, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision litigieuse du 9 mai 2017 doit être écarté.

7. En deuxième lieu, les circonstances que la commission de réforme ne se soit prononcée que le 24 février 2017, que la commune n'a pris sa décision que trois mois plus tard et que la mention des voies et délais de recours figurant au bas dans la décision litigieuse fait référence à un texte réglementaire abrogé demeurent sans incidence sur la légalité de cette décision.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa version applicable à la date de la décision en litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ".

9. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service sans qu'il soit nécessaire d'établir l'existence d'un incident survenu dans le cadre du service, ni celle d'un dysfonctionnement grave ou d'un comportement fautif de l'administration.

10. D'une part, l'office de la tranquillité, initialement composé de trente-cinq agents dont 25 opérateurs, huit régulateurs et deux superviseurs, avait pour objet " notamment mais non uniquement à apporter une réponse aux incivilités et autres nuisances subis par les toulousains " ainsi qu'à l'amélioration du cadre de vie (enlèvements de déchets verts, d'encombrants, nettoiement, tags, ordures ménagères, éclairage, problèmes de chaussée, enlèvements de véhicules....) en mettant, en particulier, à disposition des résidents un numéro de téléphone permettant de joindre de jour comme de nuit des opérateurs. Cet objet impliquait donc en lui-même que le service soit accessible 24h/24 et que soient traités les appels téléphoniques de personnes excédées ou en grande difficulté. Ces contraintes étaient d'ailleurs parfaitement exposées dans la fiche de poste qu'a pu consulter Mme C... avant de faite acte de candidature sur un poste de régulatrice. Le service était organisé autour de pôles composés d'opérateurs, lesquels étaient encadrés par un régulateur. L'organisation mise en place lors de la création de l'office s'est rapidement avérée perfectible et, dès le mois de mars 2010, la mairie a pris des mesures pour améliorer les conditions de travail de ses agents, d'abord en refondant leurs plannings puis en recrutant 6 médiateurs supplémentaires en novembre et décembre 2010. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier qu'il existait au sein de l'office de la tranquillité des problèmes d'ajustement interpersonnel comme dans toute organisation collective. En revanche, l'appelante ne fait état d'aucun élément, notamment aucun témoignage, permettant de considérer ses conditions de travail comme particulièrement difficiles et pénibles ou de nature à altérer, en elles-mêmes, l'état de santé des agents. En outre, si les organisations syndicales, y compris celle représentée par Mme C..., ont régulièrement mis en avant la pénibilité du travail, leurs revendications ne portaient pas sur un aménagement de l'organisation ou des conditions de travail mais sur l'obtention de compensations financières.

11. En outre, si Mme C..., qui avait été nommée agent chargé de la mise en œuvre des règles d'hygiènes et de sécurité à compter du 1er février 2011 et exerçait les fonctions de représentante syndicale, soutient qu'elle subissait des contraintes particulières liées à son affectation sur un secteur de la ville particulièrement difficile et qu'elle était le seul régulateur pour deux opérateurs, la commune fait valoir, sans être sérieusement contestée, que la répartition par type d'appel au sein du secteur de l'intéressée ne révèle aucune spécificité, que son activité syndicale donnait lieu à décharge et que les quelques heures supplémentaires qu'elle pouvait être amenée à accomplir l'étaient sur la base du volontariat.

12. Ainsi, il n'est pas établi que l'exercice de ses fonctions par Mme C... ou ses conditions de travail, nonobstant jusqu'en septembre 2012 des horaires irréguliers et quatre jours de travail de nuit chaque mois, seraient en elles-mêmes de nature à susciter le développement de la maladie dont elle demeure atteinte.

13. D'autre part, Mme C... évoque dans ses écritures un syndrome d'épuisement professionnel consécutif à son affectation le 24 août 2009 à l'office de la tranquillité, diagnostiqué en septembre 2012, pris en compte par la médecine préventive en novembre 2012, et à l'origine d'un changement d'affectation excluant le travail de nuit. Elle entend également se prévaloir du certificat médical établi pas son médecin le 21 décembre 2015 selon lequel " les troubles anxio-dépressifs de l'agent ne sont donc dus qu'au syndrome d'épuisement professionnel qui est donc imputable au service ". Toutefois, il ressort également des pièces du dossier, notamment des certificats établis par un médecin-psychiatre à la demande de l'appelante les 8 octobre 2014 et 27 février 2015 que celle-ci a été suivie sur le plan médico-psychologique et a bénéficié d'un traitement antidépresseur dès le mois de septembre 2009, soit quelques semaines après son affectation à l'office de la tranquillité, et jusqu'au mois de septembre 2012.

14. Par ailleurs, l'appelante a indiqué, lors des différentes expertises réalisées, que ce syndrome d'épuisement professionnel a été causé soit parce qu'elle aurait été " rétrogradée " et qu'un conflit serait " alors apparu avec sa hiérarchie directe ", soit parce qu'elle aurait été victime du " harcèlement d'un collègue de travail ". Toutefois, elle ne produit aucun élément permettant d'accréditer ces allégations avant le courriel qu'elle a reçu du collègue de travail concerné le 17 avril 2014 et ne fait elle-même état, dans la fiche de signalement d'agression qu'elle a remplie le 16 juin suivant, d'aucun conflit professionnel avant le mois d'août 2011.

15. Enfin, si ce courriel du 17 avril 2014, le signalement d'agression qu'elle a remplie le 16 juin 2014 et son ingestion d'un cocktail médicamenteux sur son lieu de travail, le 16 octobre 2014, à la suite de l'annonce de la fermeture prochaine de l'office de la tranquillité, sont de nature, respectivement, à entraîner ou à caractériser une situation de souffrance au travail, il s'agit d'événements isolés qui s'inscrivent dans le contexte d'un syndrome dépressif déjà ancien de près de cinq années et ne permettent pas de caractériser une forme de harcèlement, de violence psychologique ou même un environnement professionnel particulièrement tendu compte tenu du caractère mesuré des termes de ce courriel et des termes qui auraient été employés à son encontre lors de cette altercation, dont le déroulement n'est au demeurant corroboré par aucun élément factuel ni aucun témoignage.

16. Dans ces conditions, bien que les médecins-experts qui l'ont examinée le 21 octobre 2016, à la demande de la commission de réforme, ont constaté que Mme C... souffrait d'un " retentissement thymique à type de dépression réactionnelle liée à des difficultés professionnelles et un conflit l'opposant à un de ses collègues de travail qui serait devenu son directeur ", ce seul constat ne permet pas de considérer que le syndrome dépressif dont souffre l'appelante depuis son affectation à l'office de la tranquillité est imputable au service.

17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions des 9 mai et 18 juillet 2017 par lesquelles la commune de Toulouse a, respectivement, rejeté sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de son état anxio-dépressif et rejeté le recours gracieux qu'elle a formé contre cette décision. Par suite et sans qu'il soit besoin de mettre en cause la société Total Gaz, sa requête doit être rejetée y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme C..., une somme de 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

DÉCIDE :

Article 1er : La requête est rejetée.

Article 2 : Mme C... versera à la commune de Toulouse une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié Mme B... C... et à la commune de Toulouse.

Délibéré après l'audience du 15 novembre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 décembre 2021.

Le rapporteur,

Manuel D...

Le président,

Didier ArtusLa greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

3

N°19BX03543


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX03543
Date de la décision : 13/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-04-01 Fonctionnaires et agents publics. - Positions. - Congés. - Congés de maladie.


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : CABINET GOUTAL ALIBERT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 21/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-12-13;19bx03543 ?
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