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13/01/2022 | FRANCE | N°21BX02805

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 13 janvier 2022, 21BX02805


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse, d'une part, d'annuler l'arrêté du 13 novembre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé la délivrance du titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, a fixé le pays de destination et l'a interdite de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et, d'autre part, d'enjoindre audit préfet, sous astreinte, de réexaminer sa situation et de justifier de l

'effacement du signalement dont elle a fait l'objet dans le système d'informa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse, d'une part, d'annuler l'arrêté du 13 novembre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé la délivrance du titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, a fixé le pays de destination et l'a interdite de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et, d'autre part, d'enjoindre audit préfet, sous astreinte, de réexaminer sa situation et de justifier de l'effacement du signalement dont elle a fait l'objet dans le système d'information Schengen aux fins de non-admission.

Par un jugement n° 2006411 du 4 juin 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 juillet 2021, et un mémoire en production de pièces enregistré les 8 juillet 2021, Mme A..., représentée par Me Germain, demande à la cour :

1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

2°) d'annuler ce jugement du 4 juin 2021 du tribunal administratif de Toulouse ;

3°) d'annuler l'arrêté du 13 novembre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé la délivrance du titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, a fixé le pays de destination et l'a interdite de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;

4°) d'enjoindre audit préfet, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de sept jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de réexaminer son droit au séjour dans le délai d'un mois à compter de cette notification ;

5°) de lui enjoindre également de procéder au retrait de son inscription du système d'information Schengen ;

6°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

En ce qui concerne le refus de séjour :

- il est insuffisamment motivé en fait ;

- le refus de titre sur le fondement de la vie privée et familiale est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; elle est présente sur le territoire français depuis août 2017 et y a développé d'importantes attaches amicales ; en outre, elle apprend le français et fait des efforts d'intégration ;

- c'est également à la suite d'une erreur d'appréciation que le préfet lui a refusé le séjour sur le fondement du travail ; elle justifie d'une promesse d'embauche à durée indéterminée ; elle est une cuisinière expérimentée ;

- en refusant de lui accorder un titre au regard de son état de santé, le préfet a encore commis une erreur d'appréciation ; elle doit prendre à vie des hormones thyroïdiennes et son hypothyroïdie est mal équilibrée ; elle souffre également d'asthme ; or, compte-tenu de l'état du système de santé au Cambodge et du coût des traitements, elle ne pourra avoir accès aux soins requis par son état de santé dans son pays d'origine ; l'absence de traitement aurait pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;

- cette décision est contraire à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales;

En ce qui concerne la mesure d'éloignement :

- cette décision est insuffisamment motivée en fait ;

- du fait de son état de santé, elle viole le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur d'appréciation ;

- elle viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

-elle est privée de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

-cette décision est insuffisamment motivée en fait ;

-elle est entachée d'une erreur d'appréciation en raison de la nature et de l'intensité de ses liens en France.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 octobre 2021, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Par une décision du 22 juillet 2021, l'aide juridictionnelle totale a été accordée à Mme A....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Rey-Gabriac a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A..., ressortissante cambodgienne née en avril 1987, est entrée irrégulièrement en France, le 26 août 2017, munie d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour. S'étant maintenue irrégulièrement en France à l'expiration de son visa, elle est interpellée par les services de police le 29 août 2018 et fait l'objet d'un arrêté du même jour portant obligation de quitter le territoire français sans délai. La légalité de cet arrêté est confirmée par le tribunal administratif de Toulouse le 2 octobre 2018, puis par une ordonnance de la présente cour rendue le 21 octobre 2018. Elle n'établit pas avoir exécuté cette mesure d'éloignement, mais sollicite, le 28 novembre 2019, son admission exceptionnelle au séjour, sur le triple fondement de la vie privée et familiale, du travail et de son état de santé. À la suite de l'avis émis le 17 septembre 2020 par le collège des médecins de I'OFII, le préfet de la Haute-Garonne, par un arrêté du 13 novembre 2020, lui refuse la délivrance du titre de séjour sollicité, l'oblige à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, fixe le pays de destination et l'interdit de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Mme A... fait appel du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 4 juin 2021, qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'application des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée (...) par la juridiction compétente ou son président (...) ".

3. Par une décision du 22 juillet 2021, Mme A... a bénéficié de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, les conclusions tendant à l'admission provisoire de la requérante au bénéfice de l'aide juridictionnelle étant devenues sans objet, il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le refus de séjour :

4. En premier lieu, la décision attaquée vise les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. Au titre des considérations de fait, elle mentionne notamment les conditions d'entrée et de séjour en France de Mme A..., la mesure d'éloignement sans délai dont elle a fait l'objet en août 2018, le fait qu'elle est célibataire et sans enfant et est hébergée par une grand-tante, le fait qu'elle dispose d'une promesse d'embauche, puis apprécie son état de santé en relevant que, si l'absence de traitement pourrait avoir pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle pourra bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Par suite, le préfet, qui n'était pas tenu de mentionner de façon exhaustive tous les éléments ayant trait à la situation personnelle de Mme A..., a suffisamment motivé en fait le refus de séjour contesté.

5. En deuxième lieu, aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° À l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée (...) ".

6. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif saisi de l'affaire, au vu des pièces du dossier et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi et de la possibilité d'y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi et la possibilité d'en bénéficier effectivement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

7. L'avis du collège des médecins de l'OFII rendu le 17 septembre 2020 indique que l'état de santé de Mme A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé au Cambodge, elle pourra y bénéficier d'un traitement approprié, et qu'enfin, son état de santé lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine.

8. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite d'une ablation de la thyroïde en 2017, Mme A... doit prendre, à vie, des hormones thyroïdiennes de substitution (lévothyroxine). Elle fait valoir qu'elle a besoin d'un suivi régulier, d'autant plus que son hypothyroïdie est mal équilibrée, comme le montrent les dosages sanguins et les réajustements de traitements successifs. Si elle ne conteste pas la disponibilité de la lévothyroxine au Cambodge, le préfet ayant d'ailleurs, en première instance, produit un tableau des médicaments disponibles dans ce pays montrant que cette hormone de synthèse en fait partie, elle fait valoir que, compte-tenu de son origine rurale et de la structure du système de santé au Cambodge, elle ne pourra avoir accès au traitement, trop coûteux, ni aux prises de sang ou aux échographies régulières dont elle a besoin. Cependant, en se bornant à faire état de considérations générales sur l'état économique du Cambodge et de son système de santé, Mme A... n'établit pas qu'elle ne pourrait avoir un accès effectif aux soins requis par son état de santé. Si devant la juridiction, elle fait également valoir qu'elle souffre d'asthme et produit à cet effet des prescriptions de bronchodilatateurs, d'une part, il est constant qu'elle n'avait pas invoqué cette pathologie lors de sa demande de titre sur le fondement de son état de santé et, d'autre part et en tout état de cause, elle ne conteste pas la disponibilité des traitements anti-asthmatiques au Cambodge ni sa possibilité d'y accéder effectivement. Dans ces conditions, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la Haute-Garonne aurait commis une erreur d'appréciation de son état de santé et aurait méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : 1° À l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de 1 'article L. 341-2 du code du travail (...) ". Aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur; 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail ".

10. Mme A... se prévaut d'une promesse d'embauche en contrat à durée indéterminée, datée du 25 septembre 2019, en tant qu'aide de cuisine dans un restaurant asiatique de Castelsarrasin. Cependant, alors que cette promesse est rédigée sur papier libre sans être accompagnée d'un contrat de travail et sans précision sur le salaire, Mme A... ne justifie pas avoir effectué auprès des services chargés de l'emploi les formalités nécessaires pour les étrangers souhaitant exercer une activité professionnelle en France et donc d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 5221-2 du code du travail. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

11. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / (...) ".

12. En se prévalant des éléments et circonstances exposés au point 10, Mme A... n'établit pas que son admission au séjour répondrait à des considérations humanitaires ou se justifierait au regard de motifs exceptionnels au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il suit de là que le moyen tiré de ce que le préfet de la Haute-Garonne aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard desdites dispositions doit être écarté.

13. En dernier lieu, aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° À l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1.- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2.- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

14. Mme A... fait valoir qu'elle est en France depuis 2017, qu'elle fait des efforts d'intégration notamment en apprenant le français, qu'elle a développé de solides relations amicales, qu'elle s'est formée pour acquérir des compétences en cuisine et dispose d'ailleurs d'une promesse d'embauche dans un restaurant, qu'elle est volontaire et travailleuse et n'est pas connue défavorablement de la justice. Cependant, il ressort des pièces du dossier qu'après l'expiration de son visa de court séjour, elle s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire français et n'établit pas avoir déféré à la mesure d'éloignement prise à son encontre en août 2018, même si par ailleurs elle n'apporte pas la preuve, par la production de quelques documents médicaux au titre des années 2018 à 2020, d'une résidence continue en France depuis son entrée sur le territoire en août 2017. En outre, malgré les attestations qu'elle produit, elle ne démontre pas une insertion sociale et professionnelle particulière et est célibataire et sans enfant, alors qu'elle a vécu près de trente ans dans son pays d'origine ou vivent à minima ses deux parents, deux sœurs et deux frères. Dans ces conditions, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a pris la décision attaquée et n'a, dès lors, méconnu ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'a pas non plus commis d'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de l'intéressée.

En ce qui concerne la mesure d'éloignement :

15. En premier lieu, lorsqu'une obligation de quitter le territoire français assortit un refus de titre de séjour, la motivation de celle-ci se confond avec celle du refus de séjour dont elle découle nécessairement. En l'espèce, ainsi qu'il a été dit au point 4, la décision de refus de séjour est suffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la mesure d'éloignement en litige doit être écarté.

16. En deuxième lieu, aux termes du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".

17. Il résulte de ce qui a été dit au point 8, que Mme A... ne peut se prévaloir, à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, des dispositions précitées dans la mesure où il n'est pas établi qu'elle ne pourrait pas accéder effectivement aux soins appropriés à son état de santé dans son pays d'origine.

18. En dernier lieu, pour les mêmes raisons que celles exposées au point 14, la décision en litige n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la fixation du pays de renvoi :

19. La décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas entachée d'illégalité, elle ne saurait, pour ce motif, priver de base légale la décision fixant le pays de renvoi.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

20. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " III. ' L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. (...) (...). Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ".

21. L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité préfectorale en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français.

22. En premier lieu, la décision attaquée d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, vise les dispositions précitées du 4ème alinéa du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indique l'absence de comportement troublant l'ordre public de la requérante, mentionne que " si l'intéressée est en France depuis août 2017, elle a fait l'objet d'une mesure d'éloignement sans délai en août 2018 non exécutée, dont la légalité a été confirmée par les juridictions administratives compétentes ", puis relève que Mme A... ne justifie d'aucune circonstance humanitaire particulière, précise que la nature et l'intensité de ses liens ne sont pas établis en France, qu'elle est célibataire et sans charge de famille et n'a jamais bénéficié d'un droit au séjour même temporaire. Elle est, par suite, suffisamment motivée en droit comme en fait.

23. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme A... a fait l'objet d'une précédente obligation de quitter le territoire français le 29 août 2018 et s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire français. En outre, l'intéressée n'établit pas la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, alors qu'elle dispose d'attaches familiales dans son pays d'origine. Par ailleurs, elle peut bénéficier d'un traitement approprié dans ce pays. Eu égard à ces circonstances de fait qui ne présentent pas un caractère humanitaire, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la Haute-Garonne aurait entaché l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an d'une erreur d'appréciation.

24. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

25. Le présent arrêt rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme A.... Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent être accueillies.

Sur les frais de l'instance :

26. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme A... sur ces fondements.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions présentées par Mme A... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.

Article 2 : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera transmise pour information au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 16 décembre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,

Mme Rey-Gabriac, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 janvier 2022.

La rapporteure,

Florence Rey-Gabriac

Le président

Éric Rey-BèthbéderLa greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 21BX02805


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 21BX02805
Date de la décision : 13/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : GERMAIN BENEZETH

Origine de la décision
Date de l'import : 25/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-01-13;21bx02805 ?
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