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03/02/2022 | FRANCE | N°21BX01334

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 03 février 2022, 21BX01334


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 27 mars 2018 par lequel la préfète de la Haute-Vienne a rejeté la demande de regroupement familial présentée par M. A... au bénéfice de son épouse et la décision implicite rejetant le recours gracieux formé le 25 mai 2018.

Par un jugement n° 1801267 du 25 septembre 2020, le tribunal a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 mars 2021, M

. et Mme A..., représentés

par Me Malabre, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 27 mars 2018 par lequel la préfète de la Haute-Vienne a rejeté la demande de regroupement familial présentée par M. A... au bénéfice de son épouse et la décision implicite rejetant le recours gracieux formé le 25 mai 2018.

Par un jugement n° 1801267 du 25 septembre 2020, le tribunal a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 mars 2021, M. et Mme A..., représentés

par Me Malabre, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et de renvoyer l'affaire au tribunal administratif de Limoges ou à tout autre limitrophe;

2°) d'ordonner la production de l'entier dossier de regroupement familial, en ce compris le recours gracieux ;

3°) subsidiairement d'annuler la décision du préfet de la Haute-Vienne

du 27 mars 2018 ;

4°) d'enjoindre au préfet d'admettre Mme A... au séjour dans le délai d'un mois

à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou de réexaminer sa situation ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit de son conseil de sommes

de 1 920 et 2 400 euros respectivement au titre de la première instance et de l'appel, sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative

et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

-le jugement n'a pas statué sur le rejet du recours gracieux, expressément attaqué, alors qu'il n'appartenait qu'à l'administration de produire la lettre en sa possession, ce que le tribunal aurait dû lui imposer ;

-le tribunal ne pouvait se fonder d'office sur le caractère prétendument assermenté d'un agent de l'OFII, qui ne ressortait pas du dossier, sans soumettre cet élément au contradictoire ;

-il a indiqué dans son recours gracieux, dont le préfet a accusé réception le 25 mai 2018, n'avoir jamais refusé la visite de son logement et se tenir à la disposition de l'administration ; l'agent de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a regardé l'intérieur de son logement et rien ne permettait de penser qu'il ne se satisfaisait pas de cet aperçu rapide, qu'il a justifié en indiquant être pressé ; aucun avis signé n'a ensuite été rendu ; l'administration disposait du bail de son logement HLM, lequel répond par définition aux normes de salubrité légales, et n'a programmé aucune seconde visite au vu d'un occupant perturbé au suivi psychiatrique au long cours ;

-il réside régulièrement en France depuis 1999, et son état de santé, comportant reconnaissance en mai 2015 d'un handicap entre 50 et 75 % et bénéfice de l'allocation adulte handicapé, requiert désormais la présence de son épouse, avec laquelle il est marié depuis 1975, auprès de lui. Celle-ci, qui est restée en France lors de sa dernière entrée régulière en 2014, l'assiste quotidiennement, ce que leurs enfants ne peuvent faire. Cinq de leurs neuf enfants sont français, et beaucoup de leurs-petits enfants ont également la nationalité française. La décision méconnaît ainsi l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les articles 17 et 23 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le droit constitutionnel au respect de sa vie privée et familiale, et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 septembre 2021, le préfet de

la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision

du 28 janvier 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, fait à New York

le 19 décembre 1966 ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...

- et les observations de Me Malabre, représentant M. et Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant algérien né en 1959, est entré en France en 1999 et a bénéficié de cartes de résident régulièrement renouvelées. Il a sollicité le 8 septembre 2017 l'admission au séjour de son épouse au titre du regroupement familial, en faisant valoir son état de santé. Par une décision du 27 mars 2018, le préfet de la Haute-Vienne a rejeté sa demande. M. A... et son épouse relèvent appel du jugement du 25 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté leur demande d'annulation de cette décision.

2. Aux termes de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants :...) 2°) Le demandeur ne dispose ou ne disposera à la date d'arrivée de sa famille an France, d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant en France ;(...) Peut être exclu du regroupement familial(...) 2- un membre de la famille séjournant à un autre titre ou irrégulièrement sur le territoire français. " Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Pour rejeter la demande, le préfet s'est fondé d'une part sur la circonstance que le requérant aurait refusé la visite de son logement par l'enquêteur de l'OFII et d'autre part sur l'irrégularité du séjour de Mme A... en France et l'absence de liens stables entre les époux.

4. Si le préfet a produit un avis défavorable du maire de Limoges motivé par un refus de visite du logement, M. A... soutient sans être contredit qu'il a ouvert sa porte à l'enquêteur, qui a constaté qu'il était désorienté, a jeté un rapide coup d'œil à l'appartement HLM dont il est locataire et est reparti en disant qu'il était pressé, et justifie par un accusé de réception avoir adressé un recours gracieux au préfet dans lequel il aurait indiqué se tenir à disposition pour une nouvelle visite si nécessaire. Le préfet, qui n'a pas produit cette lettre et pas davantage l'entier dossier de demande de regroupement familial comprenant le bail, ne conteste ainsi pas utilement les affirmations du requérant concernant la nécessité d'une nouvelle visite pour vérifier l'adéquation de son logement.

5. Par ailleurs, il ressort du passeport de Mme A... qu'elle est entrée régulièrement en France en 2014 et il n'est pas contesté qu'elle s'y est maintenue de façon irrégulière depuis lors, ce qui lui est précisément reproché par la décision attaquée, qui ne saurait alors sans contradiction se fonder sur une prétendue absence de liens stables entre les époux. Il ressort également des pièces du dossier que quatre enfants du couple résident régulièrement sur le territoire français, dont trois en Haute-Vienne, et que les enfants de ceux-ci sont français. M. A... a bénéficié, au titre d'un handicap évalué entre 50 et 75 %, de l'allocation adulte handicapé à partir de 2015, et le psychiatre qui le suit depuis plusieurs années au centre hospitalier spécialisé Esquirol attestait en 2018 du besoin d'étayage et de l'utilité de la présence de son épouse à ses côtés. Dans ces conditions, et alors que les enfants des requérants, adultes ayant leurs propres familles, n'ont pas vocation à apporter une aide quotidienne à leur père, M. et Mme A... sont fondés à soutenir que la décision porte une atteinte disproportionnée à leur droit de mener une vie familiale normale et méconnaît ainsi, malgré l'irrégularité du séjour de Mme A..., les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement, les époux A... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a refusé d'annuler la décision du 27 mars 2018 et le rejet de leur recours gracieux. Au regard de la nécessité d'une visite du logement, il y a seulement lieu d'enjoindre au préfet de réexaminer la demande dans un délai de trois mois, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat

une somme globale de 1 500 euros à verser à Me Malabre, au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative

à l'aide juridique, pour la première instance et l'appel.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 25 septembre 2020 du tribunal administratif de Limoges, la décision du 27 mars 2018 du préfet de la Haute-Vienne et la décision implicite de rejet du recours gracieux sont annulés.

Article 2 : Le préfet réexaminera la demande de regroupement familial présentée par M. A... au bénéfice de son épouse dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Malabre une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et Mme C... A..., au ministre de l'intérieur et au préfet de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

Mme Marie-Pierre Beuve-Dupuy, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 février 2022.

La présidente-assesseure

Anne Meyer

La présidente, rapporteure,

Catherine E...La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX01334


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX01334
Date de la décision : 03/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour. - Motifs.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Catherine GIRAULT
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : MALABRE

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-02-03;21bx01334 ?
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