La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/03/2022 | FRANCE | N°19BX02872

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 24 mars 2022, 19BX02872


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Le Paludate Munich a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 20 novembre 2017 par laquelle la directrice générale des territoires de Bordeaux Métropole a partiellement rejeté sa demande d'indemnisation à l'amiable du préjudice commercial qu'elle estime avoir subi du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016 en raison de travaux publics effectués pendant cette période, et de condamner Bordeaux Métropole à lui verser une somme de 184 158 euros en réparation de ce préju

dice commercial.

Par un jugement n° 1800129 du 4 juin 2019, le tribunal admi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Le Paludate Munich a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 20 novembre 2017 par laquelle la directrice générale des territoires de Bordeaux Métropole a partiellement rejeté sa demande d'indemnisation à l'amiable du préjudice commercial qu'elle estime avoir subi du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016 en raison de travaux publics effectués pendant cette période, et de condamner Bordeaux Métropole à lui verser une somme de 184 158 euros en réparation de ce préjudice commercial.

Par un jugement n° 1800129 du 4 juin 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 juillet 2019, la société Le Paludate Munich, représentée par Me Garat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 4 juin 2019 ;

2°) d'annuler la décision du 20 novembre 2017 de la directrice générale des territoires de Bordeaux Métropole ;

3°) de condamner Bordeaux Métropole à lui verser une somme de 184 158 euros en réparation de son préjudice commercial ;

4°) de mettre à la charge de Bordeaux Métropole une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle exploite depuis 2006 une activité commerciale de restauration au 66, Quai de Paludate, à Bordeaux ; l'importance et la durée des travaux réalisés dans la zone du projet " Euratlantique " lui ont occasionné un préjudice financier ;

- elle démontre avoir subi, au titre de la période allant du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016, une baisse de chiffre d'affaires de plus de 50 % ; ce préjudice est en lien avec les travaux, qui ont entraîné une délocalisation importante des entreprises de proximité dont les employés constituaient 20 % de sa clientèle, une fermeture du parking public situé à proximité rendant le stationnement impossible pour sa clientèle et l'obligation, pour elle, de faire appel à des prestations extérieures ;

- son préjudice financier s'élève à 184 158 euros ; son gérant a dû abandonner sa rémunération et effectuer de nombreux apports en compte courant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 janvier 2020, Bordeaux Métropole, représentée par Me Noël, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Le Paludate Munich d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête d'appel est irrecevable faute de production du jugement attaqué ;

- elle n'était pas maître d'ouvrage des travaux publics exécutés quai de Paludate durant la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016, lesquels ont été exécutés pour l'établissement public d'aménagement Bordeaux Euratlantique ;

- le préjudice commercial allégué n'est pas établi pour la période durant laquelle des travaux ont été réalisés sous sa maîtrise d'ouvrage pour le réseau de chaleur ; seule la perte de marge nette serait indemnisable ;

- le lien de causalité entre les travaux et le préjudice invoqué n'est pas démontré ;

- la requérante ne justifie pas avoir subi un préjudice anormal ; l'accès au restaurant qu'elle exploite n'a jamais été rendu impossible, et il n'est pas démontré que les travaux auraient entraîné une fermeture de l'établissement ou une modification des jours et horaires d'ouverture ; s'agissant de la prétendue fermeture d'un parking public, la requérante ne précise pas de quel parking il s'agit et semble évoquer le parking " sauvage " situé sur le site des anciens abattoirs, dont l'existence n'était pas juridiquement protégée ; la prétendue délocalisation des entreprises de proximité n'est pas davantage établie ; en admettant même son existence, le préjudice invoqué ne présente pas un caractère anormal ;

- le préjudice invoqué ne présente pas un caractère spécial, tous les établissements implantés dans les zones concernées par la réalisation du réseau de chaleur urbain ayant pu être impactés ;

- la circonstance que la commission d'indemnisation amiable n'a pas refusé de prendre en compte la période d'octobre 2015 à mars 2016 n'emporte pas reconnaissance de responsabilité de la part de Bordeaux Métropole.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy,

- les conclusions de Mme Kolia Gallier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Garat, représentant La SARL Le Paludate Munich.

Considérant ce qui suit :

1. La société Le Paludate Munich, qui exploitait le restaurant " Le Munich " au 66 quai de Paludate à Bordeaux, a demandé à Bordeaux Métropole de l'indemniser du préjudice économique subi au titre de la période allant du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016 imputable, selon elle, aux travaux publics exécutés dans le secteur d'implantation de son restaurant. Par une décision du 20 novembre 2017, la directrice générale des territoires de Bordeaux Métropole a indiqué à la société, d'une part, que sa demande présentée au titre des périodes allant de janvier 2014 à septembre 2015 et d'avril à décembre 2016 était rejetée, faute de réalisation de travaux dont la collectivité aurait été maître d'ouvrage, d'autre part, que sa demande allait être analysée à l'aune d'une expertise comptable indépendante s'agissant de la période restante allant d'octobre 2015 à mars 2016. La société Le Paludate Munich a saisi le tribunal administratif de Bordeaux de conclusions tendant à l'annulation de cette décision et à la condamnation de Bordeaux Métropole à lui verser une somme de 184 158 euros en réparation du préjudice commercial qu'elle estime avoir subi au titre de la période allant du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016. Elle relève appel du jugement du 4 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

2. Le riverain d'une voie publique qui entend obtenir réparation des dommages qu'il estime avoir subis à l'occasion d'une opération de travaux publics, à l'égard de laquelle il a la qualité de tiers, doit établir, d'une part, le lien de causalité entre cette opération et les dommages allégués et, d'autre part, le caractère anormal et spécial de son préjudice, les riverains des voies publiques étant tenus de supporter, sans contrepartie, les sujétions normales qui leur sont imposées dans un but d'intérêt général. Ce riverain doit également, pour obtenir réparation, apporter au juge les éléments permettant d'établir le caractère direct et certain du préjudice qu'il invoque. A cet égard, le manque à gagner subi par une entreprise commerciale du fait de la réalisation de travaux publics ne saurait être calculé en fonction de la perte du chiffre d'affaires de cette entreprise, mais doit l'être en fonction de sa marge nette, le manque à gagner indemnisable étant égal à la perte de bénéfice net subie du fait des travaux.

3. Il résulte de l'instruction qu'au cours de la période invoquée par la société requérante, deux opérations de travaux publics ont été réalisées dans le secteur du quartier " Euratlantique " en cours d'aménagement dans les environs de la gare, la première portant sur la création d'un réseau de chaleur urbain destiné à desservir la ZAC Bordeaux Saint-Jean Belcier, la seconde sur le renforcement du réseau d'assainissement.

4. En premier lieu, concernant les travaux de mise en œuvre d'un réseau de chaleur urbain, la communauté urbaine de Bordeaux, devenue Bordeaux Métropole, a conclu le 23 juillet 2014 avec l'établissement public d'aménagement de Bordeaux Atlantique un protocole en vertu duquel cet établissement s'est vu confier la maîtrise d'ouvrage des travaux de réalisation du réseau primaire pour le secteur du quai de Paludate, où se trouvait le restaurant exploité par la société requérante. Dans ces conditions, et alors même que ces travaux seraient à l'origine d'une baisse d'activité de ce restaurant, la responsabilité de Bordeaux Métropole, qui n'avait pas la qualité de maître d'ouvrage de ces travaux, ne saurait être engagée à raison de leurs conséquences dommageables.

5. En second lieu, concernant les travaux de renforcement du réseau d'assainissement exécutés en 2016, dont Bordeaux Métropole était maître d'ouvrage, il n'est pas établi que ces travaux, qui ont été réalisés en aval du quai de Paludate et non pas au droit du restaurant exploité par la société requérante, seraient à l'origine du préjudice commercial dont la réparation est sollicitée. A cet égard, à la supposer avérée, la circonstance que des entreprises implantées quai de Paludate, dont les employés constituaient une partie de la clientèle du restaurant " Le Munich ", auraient, à partir du début de l'année 2014, délocalisé leurs activités, ne saurait être imputée aux travaux en cause, qui ont été réalisés au cours de l'année 2016. Par ailleurs, la société requérante ne démontre ni que ces travaux de renforcement du réseau d'assainissement auraient engendré des difficultés d'accès au restaurant qu'elle exploitait, ni qu'ils auraient entraîné la fermeture d'un parking public situé à proximité de son établissement. Dans ces conditions, le lien de causalité entre ces travaux de renforcement du réseau d'assainissement et le préjudice invoqué n'est pas établi.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par Bordeaux Métropole, que la société Le Paludate Munich n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, être accueillies.

7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par Bordeaux Métropole au titre des frais liés au litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Le Paludate Munich est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par Bordeaux Métropole au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Le Paludate Munich et à Bordeaux Métropole.

Délibéré après l'audience du 1er mars 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 mars 2022.

La rapporteure,

Marie-Pierre Beuve Dupuy

La présidente,

Catherine Girault

La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne à la préfète de la Gironde en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX02872


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award