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04/04/2022 | FRANCE | N°21BX03053

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 04 avril 2022, 21BX03053


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... E..., agissant tant en son nom personnel qu'au nom de sa fille mineure B... E..., a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 19 novembre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer une carte de résident de dix ans, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2100093 du 25 mars 2021, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa dem

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Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 juillet 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... E..., agissant tant en son nom personnel qu'au nom de sa fille mineure B... E..., a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 19 novembre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer une carte de résident de dix ans, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2100093 du 25 mars 2021, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 juillet 2021, Mme E..., représentée par Me Malabre, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 25 mars 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 19 novembre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer une carte de résident de dix ans, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement, de prendre une nouvelle décision dans un délai d'un mois et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 920 euros à verser à son conseil en application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais exposés en première instance et 2 400 euros au titre de l'appel.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

- elle est entachée d'un vice de procédure en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision de refus de séjour est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, tel que garanti par l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'elle réside régulièrement en France depuis plus de cinq ans, que sa fille mineure a la nationalité française, qu'elle est suivie médicalement en France, suivi dont elle ne pourrait bénéficier à Madagascar ;

- pour les mêmes motifs, cette décision méconnaît les stipulations du premier paragraphe de l'article 23 du pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966 et le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi :

- elles méconnaissent son droit au respect de sa vie privée et familiale et portent atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant, dès lors qu'en application de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un étranger mineur ne peut faire l'objet d'une mesure d'éloignement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 janvier 2022, le préfet de la Haute-Vienne conclut, à titre principal, au non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation du refus de lui délivrer un titre de séjour présentées par Mme E... et, à titre subsidiaire, au rejet du surplus de la requête. Il fait valoir que les moyens invoqués par Mme E... ne sont pas fondés.

Par un courrier en date du 7 mars 2022, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré de ce que les conclusions en annulation dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de renvoi, contenues dans l'arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 19 novembre 2020 sont devenues sans objet.

Par un mémoire enregistré le 11 mars 2022, Mme E... a répondu à ce moyen d'ordre public.

Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 juin 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- le pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966 ;

- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 pris pour son application ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Agnès Bourjol a été entendu au cours de l'audience publique :

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., de nationalité malgache, est entrée régulièrement en France le 10 octobre 2015 munie d'un passeport revêtu d'un visa de long séjour en qualité de conjointe d'un ressortissant français. Elle a bénéficié en cette qualité d'un titre de séjour, régulièrement renouvelé jusqu'au 23 septembre 2019. Après son divorce d'avec M. C..., Mme E... a sollicité la délivrance d'une carte de résident de dix ans le 15 juillet 2019 en se prévalant de la naissance d'un enfant né à Limoges le 14 octobre 2019 de sa relation avec M. D..., ressortissant français, que ce dernier a reconnu le 7 juin 2019. Par un arrêté du 19 novembre 2020, le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer la une carte de résident de dix ans sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Le 10 août 2021, Mme E... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français. A la suite du réexamen de son dossier, le préfet de la Haute-Vienne a délivré le 18 novembre 2021 à Mme E... une carte de séjour temporaire d'une durée d'un an au titre de la vie privée et familiale jusqu'au 22 novembre 2022. Mme E... relève appel du jugement du 25 mars 2021 par lequel du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 novembre 2020.

Sur l'étendue du litige :

2. En défense, le préfet a informé la cour qu'il avait attribué le 18 novembre 2021, postérieurement à l'arrêté contesté, un titre de séjour à Mme E... valable un an jusqu'au 22 novembre 2022. Si cette décision ne rend pas sans objet le recours pour excès de pouvoir contre le refus de délivrance d'une carte de résident de dix ans sollicité, elle a eu pour effet d'abroger les décisions portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination dont l'annulation était demandée devant le tribunal administratif et également demandée par l'appel introduit devant la cour contre le jugement rejetant cette demande. Par suite, les conclusions de l'intéressée dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination sont devenues sans objet.

Sur le surplus des conclusions de la requête :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 314-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de résident peut être accordée : (...) / 3° A l'étranger marié depuis au moins trois ans avec un ressortissant de nationalité française, à condition qu'il séjourne régulièrement en France, que la communauté de vie entre les époux n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français. ".

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme E... a demandé, le 15 juillet 2019, une carte de résident de dix ans sur le fondement du 3° de l'article L. 314-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui a fait l'objet d'un refus par l'arrêté contesté du 19 novembre 2020. La requérante a ensuite sollicité et obtenu du préfet la délivrance, par un arrêté le 18 novembre 2021, un titre de séjour temporaire d'une durée d'un an au titre de la vie privée et familiale en qualité de parent d'enfant français. Par suite, le moyen soulevé par elle à l'appui de ses conclusions en annulation de l'arrêté du 19 novembre 2020 portant refus de carte de résident de dix ans, et tiré de la méconnaissance des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui concerne exclusivement la légalité d'un titre de séjour temporaire en qualité de parent d'enfant français, est inopérant.

5. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

6. Mme E... fait valoir qu'elle est présente sur le territoire français depuis octobre 2015 suite à son mariage avec un ressortissant français, et qu'elle est mère d'un enfant français. Toutefois, s'il ressort des pièces du dossier qu'outre la naissance de son enfant français elle a déclaré avoir une demi-sœur et des tantes en France, elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 23 ans et où résident sa mère et deux demi-sœurs. La décision contestée de refus de carte de résident n'a, dès lors, pas été prise en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée. Pour les mêmes motifs, les moyens tirés de la violation des stipulations du premier paragraphe de l'article 23 du pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966 et du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 doivent être écartés.

7. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. La décision litigieuse n'a ni pour objet ni pour effet de séparer la requérante de son enfant. Par suite, et alors qu'elle a obtenu un titre de séjour valable un an, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

8. En quatrième et dernier lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à ces articles et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ou stipulations. Mme E... ne remplissant pas les conditions prévues par les dispositions précitées de l'article L. 314-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour.

9. Il résulte de ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus de carte de résident valable dix ans, contenu dans l'arrêté du 19 novembre 2020 du préfet de la Haute-Vienne.

10. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme E..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre les décisions du 19 novembre 2020 par lesquelles le préfet de la Haute-Vienne a fait obligation à Mme E... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduit d'office.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme E... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... E... et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2022, à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme Agnès Bourjol, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 avril 2022.

La rapporteure,

Agnès BOURJOLLe président,

Didier ARTUS

La greffière,

Sylvie HAYET

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 21BX03053


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX03053
Date de la décision : 04/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: Mme Agnès BOURJOL
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : MALABRE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-04-04;21bx03053 ?
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