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05/04/2022 | FRANCE | N°19BX04631

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 05 avril 2022, 19BX04631


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 26 juin 2017 par lequel le maire de Salles-Argelès a délivré à la société civile immobilière Laurences un permis de construire en vue d'un changement de destination d'une grange foraine en maison à usage d'habitation.

Par un jugement n° 1701757 du 19 novembre 2019, le tribunal a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 décembre 2019, un mémo

ire en production de pièces enregistré le 10 décembre 2019 et des mémoires enregistrés les 31 juil...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 26 juin 2017 par lequel le maire de Salles-Argelès a délivré à la société civile immobilière Laurences un permis de construire en vue d'un changement de destination d'une grange foraine en maison à usage d'habitation.

Par un jugement n° 1701757 du 19 novembre 2019, le tribunal a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 décembre 2019, un mémoire en production de pièces enregistré le 10 décembre 2019 et des mémoires enregistrés les 31 juillet 2020 et 20 avril 2021, M. et Mme C..., représentés par Me Cambot, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Pau du 19 novembre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 26 juin 2017 ;

3°) de rejeter les conclusions présentées par la SCI Laurences sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Salles-Argelès la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils justifient d'un intérêt leur donnant qualité pour agir ; les premiers juges ont commis une erreur de droit et dénaturé les pièces du dossier en jugeant le contraire ; ils sont les uniques voisins du projet querellé et sont des voisins immédiats ; leur résidence est distante de moins de 50 mètres de la grange, objet du projet d'aménagement ; les plans des lieux démontrent que les limites de l'ensemble immobilier du pétitionnaire sont distantes de la propriété des concluants d'à peine 5 mètres ; les voisins immédiats bénéficient d'une présomption d'intérêt à agir ; le projet en question va avoir pour effet de modifier leur cadre de vie et d'affecter leur conditions de jouissance ; le projet crée notamment des vues directes sur leur fond, va générer du bruit et affecter leur tranquillité ; la commune de Salles-Argelès n'avait d'ailleurs pas soutenu une telle irrecevabilité et avait admis l'intérêt à agir ;

- l'arrêté est entaché d'incompétence de son auteur en ce que la préfète des Hautes-Pyrénées a émis un avis favorable conforme alors que depuis le 1er janvier 2016, l'article L. 422-6 du code de l'urbanisme n'exige plus pareil avis conforme étant précisé que le plan d'occupation des sols de la commune a été frappé de caducité au 27 mars 2017 et que c'est donc le règlement national d'urbanisme qui s'applique ;

- l'arrêté attaqué méconnaît les articles R. 111-2, R. 111-3, R. 111-8 et R. 111-10 du code de l'urbanisme ainsi que l'article R. 1321-2 du code de la santé publique et le règlement sanitaire départemental des Hautes-Pyrénées dès lors que l'eau captée n'est pas potable ;

- l'arrêté attaqué méconnaît les article R. 111-2 et R. 111-3 du code de l'urbanisme en ce que la sécurité des occupants n'est pas garantie puisque les services de secours et d'incendie ne sont pas en mesure d'accéder en toutes circonstances sur les lieux ; aucune servitude administrative n'est au demeurant prévue en méconnaissance de l'article L. 122-11 du code de l'urbanisme ;

- les articles L. 122-11, L. 122-5 et L. 222-10 du code de l'urbanisme sont méconnus dès lors que le permis de construire en litige autorise la transformation d'une grange foraine en résidence d'habitation secondaire et non la restauration ou la reconstruction de la grange dans un objectif de protection et de mise en valeur du patrimoine montagnard ; l'arrêté préfectoral du 14 octobre 2016 autorise des travaux de restauration d'une grange foraine et ne porte pas sur un changement de destination non prévu par l'article L. 122-11 ; la demande d'autorisation préfectorale a pour objet de contourner les règles d'urbanisation en montagne et les règles concernant les accès ;

- l'arrêté attaqué méconnaît l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme en ce que la grange est inondable par remontée des sources ce qui rend le terrain d'assiette insalubre et peut affecter le bon fonctionnement du système d'assainissement ;

- c'est à tort que la commune se prévaut de l'alinéa 2 du 3° de l'article L. 122-11 du code de l'urbanisme (ancien article L. 145-3 alinéa 2) qui permet de déroger dans une certaine mesure aux règles de droit de commun régissant les voiries et les réseaux dès lors que l'autorisation sollicitée pour des " travaux de restauration d'un immeuble à usage de grange foraine " ne porte pas sur un changement de destination, au demeurant non prévu par l'article L. 122-11 ; si, par extraordinaire, le dossier de demande alors déposé en préfecture indiquait le changement de destination litigieux, le préfet ne pouvait pas l'accepter ;

- les conclusions présentées par la SCI Laurences sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme doivent être rejetées.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 avril 2020, la société civile immobilière Laurences, représentée par Me Fellonneau, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à l'annulation de l'article 3 du jugement en ce qu'il a rejeté sa demande sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme ;

3°) à la condamnation conjointe et solidaire de M. et Mme C... à lui verser, à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme, la somme de douze mille euros (12 000 euros) pour privation de jouissance et celle de cinq mille euros (5 000 euros) pour préjudice moral ;

4°) à ce qu'il soit mis à la charge solidaire de M. et Mme C... une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par M. et Mme C... ne sont pas fondés et qu'elle n'a jamais pu procéder aux transformations de la grange foraine qu'elle a acquise le 27 novembre 2006 en raison des recours contentieux formés par les requérants.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 13 mai 2020 et le 9 septembre 2020, la commune de Salles-Argelès, représentée par Me Teisseyre, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des requérants la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que les moyens soulevés par M. et Mme C... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 26 avril 2021, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 6 mai 2021 à 12 heures.

Par un courrier du 17 février 2022, les parties ont été invitées à produire le dossier de demande d'autorisation à l'origine de l'édiction de l'arrêté n° 65-2016-10-14-0005 du 14 octobre 2016 de la préfète des Hautes-Pyrénées.

Par une lettre du 17 février 2022, les parties ont été invitées à présenter leurs observations sur la possibilité pour la cour de surseoir à statuer sur la requête, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, afin de permettre la régularisation du vice tiré de ce qu'en méconnaissance de l'article L. 122-10 3° du code de l'urbanisme, l'autorité compétente pour délivrer le permis de construire n'a pas institué une servitude administrative, publiée au fichier immobilier, interdisant l'utilisation du bâtiment en période hivernale.

La commune de Salles-Argelès a produit une pièce nouvelle le 18 février 2022.

La société civile immobilière Laurences a présenté des observations le 24 février 2022 et produit un nouveau mémoire le 3 mars 2022.

M. et Mme C... ont présenté des observations le 28 février 2022.

La commune de Salles-Argelès a communiqué à la cour, le 1er mars 2022, un arrêté en date du 25 février 2022 portant instauration d'une servitude administrative de limitation d'usage.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Nicolas Normand,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique ;

- les observations de Me Corbier-Labasse, représentant M. et Mme C... et les observations de Me Fellonneau, représentant la société civile immobilière Laurences.

Une note en délibéré, présentée pour M. et Mme C..., a été enregistrée le 10 mars 2022.

Considérant ce qui suit :

1. Le 14 février 2017, la commune de Salles-Argelès a reçu un dossier de demande de permis de construire, déposé par la SCI Laurences, portant sur la transformation d'une grange foraine dont elle est propriétaire en maison d'habitation d'une surface de 96,60 m². Cette grange est située sur un ensemble foncier constitué des parcelles cadastrées section C n° 472, 476 et 477 d'une superficie de 2 778 m². Par arrêté du 26 juin 2017, le maire de Salles-Argelès (Hautes-Pyrénées) a délivré le permis de construire. M. et Mme C... relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Pau du 15 novembre 2019 qui a rejeté comme irrecevable leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable à la date d'enregistrement de la demande devant le tribunal administratif : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

3. Il ressort des pièces du dossier que la grange, objet du permis de construire attaqué, se situe à une cinquantaine de mètres environ de la résidence secondaire occupée occasionnellement par les requérants et que ces deux édifices, qui ne sont séparés que par quelques arbres, et un chemin carrossable sont en co-visibilité. Par là même, ils se situent à proximité immédiate l'un de l'autre. La porte d'entrée projetée qui se situe en façade Nord confronte, au demeurant, le fonds de M. et Mme C... et l'aire de stationnement est située à quelques mètres de leur propriété. Il suit de là que les travaux projetés sont nécessairement de nature à porter atteinte à la vue et au cadre de vie des requérants et à générer des troubles durant leur réalisation. La circonstance que la grange possédait déjà des ouvertures vers le fonds de M. et Mme C... et que, compte tenu de la topographie des lieux, la maison des requérants se situerait à une altitude de 938 mètres, alors que la grange ne se situerait qu'à 930 mètres est sans influence sur les constatations précitées. Dès lors, c'est à tort que le tribunal a accueilli la fin de non-recevoir opposée par la société Laurences tirée de ce que les requérants ne justifient pas d'un intérêt leur donnant qualité pour agir. Le jugement du tribunal administratif de Pau du 19 novembre 2019 est donc irrégulier et doit, dès lors, être annulé. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. et Mme C... devant le tribunal administratif de Pau et devant la cour.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne la légalité externe de la décision attaquée :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 422-5 du code de l'urbanisme " Lorsque le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale est compétent, il recueille l'avis conforme du préfet si le projet est situé : a) Sur une partie du territoire communal non couverte par une carte communale, un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu ; [...] " et aux termes de l'article L. 174-3 du même code " Lorsqu'une procédure de révision du plan d'occupation des sols a été engagée avant le 31 décembre 2015, cette procédure peut être menée à terme en application des articles L. 123-1 et suivants, dans leur rédaction issue de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, sous réserve d'être achevée au plus tard le 26 mars 2017 ou, dans les communes d'outre-mer, le 26 septembre 2018. Les dispositions du plan d'occupation des sols restent en vigueur jusqu'à l'approbation du plan local d'urbanisme et au plus tard jusqu'à cette dernière date. ".

5. En application de l'article L. 174-3 précité du code de l'urbanisme, le plan d'occupation des sols de la commune de Salles-Argelès est devenu caduc le 27 mars 2017 et les règles d'urbanisme issues du règlement national d'urbanisme s'appliquent désormais sur ce territoire communal. Conformément aux dispositions précitées de l'article L. 422-5 du code de l'urbanisme, l'avis conforme de la préfète des Hautes-Pyrénées a été recueilli le 16 juin 2017. Il suit de là, et alors que les dispositions de l'article L. 422-6 du code de l'urbanisme, invoquées par les requérants, ne sont pas applicables en l'espèce, que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée ne peut qu'être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 423-61-1 du code de l'urbanisme " Par exception aux dispositions de l'article R. * 423-59, le délai à l'issue duquel le préfet, le conseil régional ou l'Assemblée de Corse doit se prononcer, sur un projet situé sur un territoire en instance de classement ou classé en réserve naturelle, est de : a) Quarante-cinq jours, si les travaux doivent faire l'objet d'une déclaration préalable ; b) Quatre mois, si les travaux doivent être précédés de la délivrance d'un permis de construire, d'un permis de démolir ou d'un permis d'aménager. En cas de silence du préfet, du conseil régional ou de l'Assemblée de Corse à l'issue de ce délai, leur accord est réputé refusé. " et aux termes de l'article R. 425-4 du même code " Lorsque le projet est situé sur un territoire en instance de classement ou classé en réserve naturelle, le permis de construire, le permis d'aménager, le permis de démolir ou la décision prise sur la déclaration préalable tient lieu de l'autorisation spéciale prévue par les articles L. 332-6 et L. 332-9 du code de l'environnement dès lors que la décision a fait l'objet de l'accord exprès, selon le cas : a) Du préfet ou du ministre chargé de la protection de la nature, dans les conditions prévues par l'article R. 332-24 du code de l'environnement, lorsqu'il s'agit d'une réserve naturelle nationale ou, en Corse, d'une réserve classée par l'Etat ; b) Du conseil régional, dans les conditions prévues par l'article R. 332-44 du code de l'environnement, lorsqu'il s'agit d'une réserve naturelle régionale [...] ".

7. Il ressort d'un message du conservateur de la réserve naturelle du massif du Pibeste en date du 14 septembre 2007 que la section C du cadastre de la commune de Salles-Argelès n'est pas concernée par le classement de cette réserve naturelle. Le terrain d'assiette en litige se situe dans cette section C. Il suit de là que le moyen tiré de ce que la décision attaquée est entachée d'un vice de procédure en ce que l'avis du conseil régional n'a pas été recueilli en méconnaissance des dispositions précitées ne peut qu'être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que l'article 3.8 du règlement du classement de cette réserve naturelle a été méconnu ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne de la décision attaquée :

8. En premier lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ", aux termes de l'article R. 111-3 du même code " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est susceptible, en raison de sa localisation, d'être exposé à des nuisances graves, dues notamment au bruit. ", aux termes de l'article R. 111-8 du même code " L'alimentation en eau potable et l'assainissement des eaux domestiques usées, la collecte et l'écoulement des eaux pluviales et de ruissellement ainsi que l'évacuation, l'épuration et le rejet des eaux résiduaires industrielles doivent être assurés dans des conditions conformes aux règlements en vigueur. " et aux termes de l'article R. 111-10 du même code " En l'absence de réseau public de distribution d'eau potable et sous réserve que l'hygiène générale et la protection sanitaire soient assurées, l'alimentation est assurée par un seul point d'eau ou, en cas d'impossibilité, par le plus petit nombre possible de points d'eau. En l'absence de système de collecte des eaux usées, l'assainissement non collectif doit respecter les prescriptions techniques fixées en application de l'article R. 2224-17 du code général des collectivités territoriales. En outre, les installations collectives sont établies de manière à pouvoir se raccorder ultérieurement aux réseaux publics. ". Enfin, aux termes de l'article R. 1321-2 du code de la santé publique " Les eaux destinées à la consommation humaine doivent, dans les conditions prévues à la présente section : - ne pas contenir un nombre ou une concentration de micro-organismes, de parasites ou de toutes autres substances constituant un danger potentiel pour la santé des personnes ; - être conformes aux limites de qualité définies au I de l'annexe 13-1. Toutefois, pour les eaux de source préemballées, ces limites de qualité sont les paramètres microbiologiques fixés à l'article R. 1321-86 et au III de l'annexe 13-4. " et le règlement sanitaire départemental des Hautes-Pyrénées prévoit en son article 10 qu'en l'absence d'une distribution publique d'eau potable, l'usage de l'eau des puits ou des sources n'est autorisé, pour l'alimentation humaine, que si l'eau est potable et si toutes les précautions sont prises pour la mettre à l'abri de toutes contaminations.

9. Il ressort des pièces du dossier que la SCI Laurences a prévu de desservir la grange foraine en eau potable, à partir d'une source existant sur le terrain d'assiette. À cette fin, un dispositif comprenant notamment une pompe de surpression a été prévu et reporté sur le plan de masse. Selon le constat d'huissier du 27 février 2018, deux petits bâtis en maçonnerie renferment l'eau de cette source alimentant les fonds de M. et Mme C... et D.... L'agence régionale de santé a émis, le 14 juin 2016, un avis favorable, joint au dossier de demande de permis, sur le captage d'eau de source sous réserve de surveiller régulièrement les installations. Cet avis a été rendu au regard du résultats d'analyses d'un laboratoire en date du 16 février 2016 selon lequel " La présence de coliformes totaux est indicatrice d'une vulnérabilité de la ressource. Il convient d'effectuer une surveillance accrue des installations. Avis favorable pour capter cette eau sous ces conditions ". Au visa de cet avis favorable, 1'article 2 de 1' arrêté du 14 octobre 2016 du préfet des Hautes-Pyrénées autorisant les travaux de restauration, a expressément prévu que " les installations de captage de la source seront surveillées régulièrement par le propriétaire. ". Si les requérants se prévalent d'analyses sur la potabilité de l'eau qui démontreraient, selon eux, son caractère impropre à la consommation, les trois rapports produits qui datent de 2004, 2005 et 2008 sont trop anciens pour être probants et le rapport d'analyse du 17 octobre 2017, qui fait apparaître une impropriété à la consommation de l'eau en raison de la présence de coliformes supérieure à la norme de potabilité de l'eau, ne présente pas un caractère contradictoire et ne précise pas les conditions du prélèvement de sorte qu'il n'est pas davantage probant. Il suit de là que le moyen tiré de ce que la décision méconnaît les articles R. 111-2, R. 111-3, R 111-8 et R. 111-10 du code de l'urbanisme ainsi que l'article R. 1321-2 du code de la santé publique et le règlement sanitaire départemental des Hautes-Pyrénées doit être écarté.

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 122-10 dans sa rédaction applicable à la date du 14 octobre 2016, du code de l'urbanisme " Les terres nécessaires au maintien et au développement des activités agricoles, pastorales et forestières sont préservées. La nécessité de préserver ces terres s'apprécie au regard de leur rôle et de leur place dans les systèmes d'exploitation locaux. Sont également pris en compte leur situation par rapport au siège de l'exploitation, leur relief, leur pente et leur exposition. ". Aux termes de l'article L. 122-11 du même code dans sa rédaction applicable à la date du 14 octobre 2016 " Peuvent être autorisés dans les espaces définis à l'article L. 122-10 [...] 3° La restauration ou la reconstruction d'anciens chalets d'alpage ou de bâtiments d'estive [...] L'autorisation est délivrée par l'autorité administrative compétente de l'Etat après avis de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers et de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. Lorsque des chalets d'alpage ou des bâtiments d'estive, existants ou anciens, ne sont pas desservis par les voies et réseaux, ou lorsqu'ils sont desservis par des voies qui ne sont pas utilisables en période hivernale, l'autorité compétente peut subordonner la réalisation des travaux faisant l'objet d'un permis de construire ou d'une déclaration préalable à l'institution d'une servitude administrative, publiée au fichier immobilier, interdisant l'utilisation du bâtiment en période hivernale ou limitant son usage pour tenir compte de l'absence de réseaux. Cette servitude précise que la commune est libérée de l'obligation d'assurer la desserte du bâtiment par les réseaux et équipements publics. Lorsque le terrain n'est pas desservi par une voie carrossable, la servitude rappelle l'interdiction de circulation des véhicules à moteur édictée par l'article L. 362-1 du code de l'environnement. ".

11. D'une part, il résulte des dispositions précitées, qu'elles autorisent, sans conditions particulières, l'autorité préfectorale à autoriser un changement de destination d'un bâtiment d'estive lorsque celui-ci fait l'objet d'une restauration ou d'une reconstruction. L'arrêté préfectoral du 14 octobre 2016 pouvait donc légalement autoriser la restauration de la grange foraine en litige à vocation mixte (habitat et exercice d'une activité agricole) en vue de l'affecter à un usage de résidence secondaire d'habitation. Si cet arrêté précise en son article 3, que cette autorisation ne confère pas à l'immeuble considéré, après aménagement, la qualité d'habitation et les droits y attachés, cette précision, qui ne retire rien au changement de destination constaté, permet uniquement de libérer la commune de l'obligation d'assurer la desserte du bâtiment par les réseaux et équipements publics.

12. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que la grange, objet du permis querellé est accessible, depuis un chemin rural entretenu par la commune de Salles-Argelès, par une voie carrossable privée d'environ 250 mètres, dont la largeur de 4 mètres permet un accès des services de sécurité et d'incendie. Toutefois, l'article 3 de l'arrêté préfectoral du 14 octobre 2016 précise que " La présente autorisation ne confère pas à l'immeuble considéré, après aménagement, la qualité d'habitation et les droits y attachés. La commune est dans ces conditions libérée de l'obligation d'assurer la desserte du bâtiment par les réseaux et équipements publics " et la commune de Salles-Argelès reconnaît dans ses écritures que le chemin rural au droit duquel se situe le chemin carrossable qui dessert l'immeuble en litige n'est déneigé que jusqu'à la dernière maison à usage d'habitation, habitée à l'année, qui se situe à environ 1,5 km de la grange. En outre, l'absence de tout enneigement sur cette portion de route n'est pas établie par le constat d'huissier en date du 27 février 2018 produit par la SCI Laurences. Il suit de là que dès lors que les services de la commune sont dans l'incapacité d'accéder au projet d'assiette en période hivernale pour cause d'enneigement et que la grange à réhabiliter n'est pas destinée à être utilisée en période hivernale, le maire de la commune devait en application de l'article L. 122-11 du code de l'urbanisme, instituer une servitude administrative, à publier au fichier immobilier, interdisant l'utilisation du bâtiment en période hivernale. Par une lettre du 17 février 2022, les parties ont été invitées à présenter leurs observations sur la possibilité pour la cour de surseoir à statuer sur la requête, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, afin de permettre la régularisation du vice tiré de ce qu'en méconnaissance de l'article L. 122-11 3° du code de l'urbanisme, l'autorité compétente pour délivrer le permis de construire n'a pas institué une servitude administrative, publiée au fichier immobilier, interdisant l'utilisation du bâtiment en période hivernale. Le maire de la commune de Salles-Argelès a produit le 1er mars 2022, un arrêté en date du 25 février 2022 portant instauration d'une servitude administrative de limitation d'usage dont l'article 1er dispose qu'" Une servitude administrative de limitation d'usage est instaurée sur le bâtiment et les parcelles cadastrées C n° 42, 472 ,476, 477, appartenant à la SCI Laurences. En conséquence, le bâtiment ne pourra être utilisé pendant la période hivernale. " et dont l'article 4 dispose " Le présent arrêté fera l'objet d'une publication au bureau du service de la publicité foncière de Tarbes. ". Il suit de là que la servitude est désormais régulièrement établie et que les conditions de sécurité d'accès sont désormais assurées. Les moyens tirés de la méconnaissance des articles R. 111-2 et 122-11 du code de l'urbanisme doivent donc être écartés.

13. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment pas des seules photographies anciennes de l'intérieur de la grange produites par les requérants, que le projet d'assiette, d'ailleurs non répertorié dans une zone classée comme inondable, serait menacé par les eaux par remontée des sources présentes sur les lieux. Il ressort, au contraire, de l'avis du service public d'assainissement non collectif des Vallées des Gaves du 1er mars 2017 que, selon l'étude hydropédologique réalisée sur la parcelle C 472 en mai 2006, la nature du sol est favorable à 1'épuration et à l'évacuation et le dispositif d'assainissement présenté dans la demande qui se compose d'une fosse toutes eaux de 3 000 litres et d'un filtre à sable vertical non drainé de 25m², est conforme à la réglementation en vigueur.

14. Il résulte de tout ce qui précède, que M. et Mme C... ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté du 26 juin 2017.

Sur l'appel incident et les conclusions aux fins d'indemnité :

15. Aux termes de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme : " Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager est mis en œuvre dans des conditions qui traduisent un comportement abusif de la part du requérant et qui causent un préjudice au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l'auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. (...) ".

16. Il ne résulte pas de l'instruction que le droit de M. et Mme C... à former un recours contre le permis de construire aurait été mis en œuvre dans des conditions qui traduiraient de leur part un comportement abusif dès lors qu'ils disposent de la qualité de voisins immédiats du projet contesté, que le jugement qu'ils ont attaqué est irrégulier et que leur comportement ne saurait, en l'espèce, être établi par le caractère infondé de leur appel ou par les moyens qu'ils ont entendu soulever. En tout état de cause, la société Laurences ne justifie pas du préjudice qu'elle prétend subir. Par suite, l'appel incident D... tendant à l'annulation de l'article 3 du jugement en ce qu'il a rejeté sa demande sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme et les conclusions indemnitaires présentées par la société Laurences sur le même fondement doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties tendant au versement d'une somme d'argent au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 19 novembre 2019 du tribunal administratif de Pau est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. et Mme C... devant le tribunal administratif de Pau et le surplus de leurs conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... C..., à la SCI Laurences et à la commune de Salles-Argelès.

Copie en sera adressée au préfet des Hautes-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 8 mars 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Nicolas Normand, premier conseiller,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 avril 2022.

Le rapporteur,

Nicolas Normand La présidente,

Evelyne BalzamoLe greffier,

Christophe Pelletier La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX04631


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX04631
Date de la décision : 05/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-06-01-02 Urbanisme et aménagement du territoire. - Règles de procédure contentieuse spéciales. - Introduction de l'instance. - Intérêt à agir.


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Nicolas NORMAND
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : CABINET FELLONNEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-04-05;19bx04631 ?
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