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27/09/2022 | FRANCE | N°21BX03049

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 27 septembre 2022, 21BX03049


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les arrêtés du 23 juin 2021 par lesquels la préfète de la Gironde lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, lui a interdit son retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans et a fixé le pays de renvoi et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2103193 du 2 juillet 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administr

atif de Bordeaux a rejeté la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête, en...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les arrêtés du 23 juin 2021 par lesquels la préfète de la Gironde lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, lui a interdit son retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans et a fixé le pays de renvoi et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2103193 du 2 juillet 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 juillet 2021, M. C..., représenté par Me Georges, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les arrêtés du 23 juin 2021 de la préfète de la Gironde ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- une mesure d'éloignement ne pouvait légalement être prise à son encontre dès lors qu'il était en situation de de se voir attribuer de plein droit un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il n'a pas été tenu compte de l'aggravation de son état de santé, postérieure à l'avis du collège des médecins de l'OFII, liée au développement d'une hépatite D ; cette pathologie accroit le risque de survenue d'une cirrhose ou d'un cancer du foie ; il lui a été détecté en mars 2021 un nodule ; des examens complémentaires ont été réalisés en septembre 2021 ; un défaut de traitement aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; il ne pourra pas recevoir un traitement approprié et efficient dans son pays d'origine, où il ne bénéficiera pas d'une prise en charge de ses frais de santé s'il ne trouve pas d'emploi ;

- l'obligation de quitter le territoire français étant illégale, la décision lui interdisant le retour sur le territoire français est privée de base légale ;

- la décision fixant le pays de renvoi est privée de base légale du fait de l'illégalité de la mesure d'éloignement ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français a été prise, sans motivation, pour une durée de trois ans ; une telle durée est excessive eu égard au caractère non définitif de l'arrêté du 24 février 2020, dont la légalité est contestée devant la cour ;

- il a été assigné à résidence sans communication préalable des informations prévues aux articles L. 732-7 et L. 732-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ainsi privé d'une garantie ;

- compte tenu du contexte de pandémie mondiale, il n'existait pas de perspective raisonnable d'éloignement à la date à laquelle a été prise la décision d'assignation ; le tribunal a écarté ce moyen à la faveur d'une inversion de la charge de la preuve ;

- la durée de la mesure d'assignation à résidence a été fixée de manière automatique à quarante-cinq jours, sans examen de l'éventualité de fixer une durée plus brève ; une telle durée est excessive au égard à l'atteinte portée à sa liberté d'aller et venir.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 juillet 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... B...,

- et les observations de Me Pitel, représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant béninois, est entré en France le 5 décembre 2016 sous couvert d'un visa court séjour et a bénéficié d'une autorisation provisoire de séjour valable du 14 mai 2018 au 13 novembre suivant au titre de son état de santé. Il a présenté le 14 novembre 2018 une demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions alors en vigueur du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 24 février 2020, la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Sa requête tendant à l'annulation de cet arrêté a été rejetée par un jugement du 18 novembre 2020 du tribunal administratif de Bordeaux, confirmé en appel par un arrêt de la cour du 5 septembre 2021. Par des arrêtés du 23 juin 2021, la préfète de la Gironde a fait obligation à M. C... de quitter le territoire français sans délai, lui a interdit son retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans, a fixé le pays de renvoi et l'a assigné à résidence pour une durée de 45 jours. M. C... relève appel du jugement du 2 juillet 2021 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés du 23 juin 2021.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. /La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".

3. Lorsque la loi prescrit l'attribution de plein droit d'un titre de séjour à un étranger, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français.

4. M. C..., atteint d'une hépatite chronique avec co-infection par le VHB et le VHD, fait valoir que sa pathologie s'est aggravée en juin 2019, date à laquelle la sérologie au VHD, antérieurement négative, est redevenue positive, et que la réalisation d'examens a mis à jour une fibrose sévère puis l'apparition, en mars 2021, d'un nodule hyperéchogène du segment II du foie. Il produit en outre des éléments médicaux dont il ressort que l'aggravation de son hépatite l'expose à un risque accru d'évolution rapide vers une cirrhose ou un cancer du foie. Cependant, s'il établit ainsi qu'une absence de prise en charge de son hépatite l'exposerait éventuellement à des pathologies graves, il ne produit ni les résultats de l'IRM prescrite à la suite de la découverte d'un nodule au foie ni aucun autre élément de nature à établir qu'il présentait de telles pathologies à la date de l'arrêté, son état nécessitant alors seulement une surveillance médicale et un traitement antirétroviral. Or, le requérant ne soutient pas qu'un tel traitement serait indisponible au Bénin, ni davantage que ce pays ne serait pas doté de structures médicales permettant la poursuite d'une surveillance adaptée. En se bornant à faire valoir qu'en cas de retour au Bénin, il ne retrouverait " probablement " pas un emploi lui ouvrant droit à une assurance maladie, M. C..., qui ne donne aucune précision sur le coût d'un traitement approprié à son état au Bénin et sur les modalités de prise en charge de ce type de traitement, ne fait pas état de circonstances tirées des particularités de sa situation personnelle qui l'empêcheraient d'accéder effectivement à la prise en charge médicale que requiert son état actuel. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

5. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par voie de l'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, doit être écarté.

Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

6. En premier lieu, l'obligation de quitter le territoire français n'étant pas illégale, le moyen tiré, par voie de l'exception, de l'illégalité de cette décision, ne peut qu'être écarté.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Il résulte de ces dispositions que, lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, il appartient au préfet d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés à l'article L. 612-10, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire.

8. Il résulte des termes de l'arrêté en litige que, pour fixer à trois ans la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français, la préfète de la Gironde s'est fondée, notamment, sur la soustraction de M. C... à une précédente mesure d'éloignement et l'absence de justification de l'ancienneté et de la nature de ses liens avec la France. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision doit dès lors être écarté.

9. Enfin, M. C..., entré en France le 5 décembre 2016, est célibataire et sans charge de famille, ne justifie pas disposer d'attache particulière en France et s'est soustrait à la mesure d'éloignement précédemment exécutée à son encontre le 24 février 2020. S'il fait valoir qu'à la date du 23 juin 2021 à laquelle a été prise la décision en cause, la cour n'avait pas statué sur son appel contre le jugement du 18 novembre 2020 du tribunal administratif de Bordeaux ayant rejeté sa demande d'annulation de la mesure d'éloignement du 24 février 2020, cet appel ne présentait toutefois pas un caractère suspensif. Dans ces conditions, en fixant à trois ans la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français, la préfète de la Gironde n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.

Sur la décision portant assignation à résidence :

10. En premier lieu, aux termes de l'article L. 732-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Il est remis aux étrangers assignés à résidence en application de l'article L. 731-1 une information sur les modalités d'exercice de leurs droits, les obligations qui leur incombent et, le cas échéant, la possibilité de bénéficier d'une aide au retour. / Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'Etat. ". Aux termes de l'article R. 732-5 du même code : " L'étranger auquel est notifiée une assignation à résidence en application de l'article L. 731-1, est informé de ses droits et obligations par la remise d'un formulaire à l'occasion de la notification de la décision par l'autorité administrative ou, au plus tard, lors de sa première présentation aux services de police ou aux unités de gendarmerie (...) ".

11. Il résulte des dispositions précitées que la remise du formulaire d'information mentionné au point précédent doit s'effectuer au moment de la notification de la décision d'assignation à résidence ou, au plus tard, lors de la première présentation de l'étranger aux services de police ou de gendarmerie. Ainsi, cette formalité peut être remplie postérieurement à l'édiction de la décision d'assignation à résidence. Par suite, l'absence d'information telle que prévue aux articles cités au point précédent est sans incidence sur la légalité de l'arrêté d'assignation à résidence en litige, laquelle s'apprécie à la date de son édiction.

12. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...) ".

13. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il n'existait pas, à la date de l'arrêté attaqué, en dépit de la situation sanitaire, une réelle perspective que l'éloignement de M. C... puisse être mené à bien dans le délai d'assignation prévu par cet arrêté.

14. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 732-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'assignation à résidence prévue à l'article L. 731-1 ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours. /Elle est renouvelable une fois dans la même limite de durée. ".

15. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment de l'arrêté contesté du 23 juin 2021, qui précise que M. C... ne justifie pas de la possession d'un document transfrontières en cours de validité et qu'il convient d'engager des démarches auprès des autorités du pays dont il se réclame afin que lui soit délivré un laissez-passer, qu'en fixant à quarante-cinq jours la durée de son assignation à résidence, la préfète de la Gironde se serait crue liée par le délai prévu par les dispositions précitées et aurait ainsi commis une erreur de droit.

16. Enfin, la décision contestée, qui assigne à résidence M. C... dans le département de la Gironde pour une durée de quarante-cinq jours, prévoit une obligation de présentation de l'intéressée au commissariat de police de Bordeaux, tous les jours, entre 9h00 et 12h00 ou entre 14h00 et 17h00. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les modalités de pointage et les limites géographiques fixées dans l'arrêté ne seraient pas adaptées, nécessaires et proportionnées aux finalités qu'elle poursuit dans la mesure où M. C... réside à Mérignac et n'invoque aucune difficulté particulière pour se rendre au commissariat de Bordeaux. Cette assignation à résidence ne porte ainsi pas une atteinte excessive à sa liberté d'aller et venir.

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, par suite, être accueillies.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... C... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 6 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente, rapporteure,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller,

Mme Agnès Bourjol, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 septembre 2022.

La présidente, rapporteure,

Marie-Pierre Beuve B...

Le premier assesseur,

Manuel Bourgeois

La greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX03049


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX03049
Date de la décision : 27/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BEUVE-DUPUY
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : GEORGES

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-09-27;21bx03049 ?
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