La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/11/2022 | FRANCE | N°20BX02878

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 03 novembre 2022, 20BX02878


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... épouse C... a demandé au tribunal des pensions militaires de Saint-Denis d'annuler la décision du 22 juillet 2016 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " périarthrite de l'épaule droite chez une droitière : limitation de l'abduction à 90 ° et de l'antépulsion à 30° ".

La procédure a été transmise au tribunal administratif de La Réunion.

Par un jugement n° 1901754 du 29 juin 2020, le tribunal admi

nistratif de La Réunion a annulé la décision du 22 juillet 2016 en tant qu'elle impute l'infir...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... épouse C... a demandé au tribunal des pensions militaires de Saint-Denis d'annuler la décision du 22 juillet 2016 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " périarthrite de l'épaule droite chez une droitière : limitation de l'abduction à 90 ° et de l'antépulsion à 30° ".

La procédure a été transmise au tribunal administratif de La Réunion.

Par un jugement n° 1901754 du 29 juin 2020, le tribunal administratif de La Réunion a annulé la décision du 22 juillet 2016 en tant qu'elle impute l'infirmité à une maladie contractée en temps de paix sans recherche de son origine et fixe le taux d'invalidité à 10 %, a jugé que l'infirmité dont se prévaut Mme C... trouve son origine dans une maladie en lien direct avec l'accident dont elle a été victime le 14 octobre 2009 et justifie d'un taux d'invalidité de 15 %, et a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 août 2020 et un mémoire enregistré

le 5 novembre 2020, la ministre des armées demande à la cour de réformer ce jugement

et de juger que l'infirmité " tendinopathie séquellaire du supra-épineux épaule droite " relève d'une maladie contractée en temps de paix, dont le taux d'invalidité de 10 % est inférieur au minimum indemnisable.

Elle soutient que :

- la décision de rejet porte sur une " périarthrite de l'épaule droite chez une droitière : limitation de l'abduction à 90° et de l'antépulsion à 30° ", le premier expert a conclu en 2016 à une " raideur moyenne non compensée par l'omoplate " de 20 % avec une majoration de 10 % pour la douleur, et l'expert judiciaire a retenu en 2018 une " tendinopathie post-traumatique du sus-épineux épaule droite " au taux de 15 % ; en s'abstenant de préciser l'intitulé de l'infirmité dans le dispositif, le tribunal a statué d'une manière imprécise et méconnu son office de juge de plein contentieux ;

- le tribunal a retenu que l'infirmité trouve son origine dans une maladie et que le taux d'invalidité est de 15 %, en contradiction avec les dispositions de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre qui imposent un taux minimum de 30 % pour ouvrir droit à pension lorsque les infirmités résultent de maladies ;

- la douleur à l'épaule droite ressentie le 14 octobre 2009 n'a pas donné lieu à un arrêt de travail, l'examen clinique du 23 novembre 2009 était normal, et aucun suivi ni aucune restriction particulière en lien avec une gêne de l'épaule droite n'ont été portés au dossier jusqu'au départ en retraite de Mme C... en 2013 ; le diagnostic de tendinopathie séquellaire du sus-épineux a été confirmé par les deux expertises, et l'invalidité correspondante a été justement évaluée à 10 % par l'administration, ce qui est inférieur au minimum de 30 %, de sorte qu'il n'y avait pas lieu de rechercher l'origine de l'infirmité ; le tribunal a opéré une confusion entre les notions de maladie et de blessure, ce qui l'a conduit à tort à accorder un droit à pension pour une maladie avec un taux d'invalidité de 15 % ;

- les éléments du dossier médico-administratif ne permettent pas de retenir une blessure comme le revendique Mme C... ;

- elle s'en remet à la sagesse de la cour sur la demande subsidiaire de Mme C... tendant à l'organisation d'une nouvelle expertise.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 octobre 2020, Mme C..., représentée par la SELARL Ker Avocats, conclut au rejet de la requête et demande à la cour, à titre principal de réformer le jugement en tant qu'il a retenu que l'infirmité trouve son origine dans une maladie et de juger que l'infirmité résulte de blessures et ouvre droit à une pension au taux de 30 %, et à titre subsidiaire d'ordonner une nouvelle expertise.

Elle fait valoir que :

- l'accident du 14 octobre 2009 a bien été à l'origine d'une blessure dont elle conserve des séquelles ; le lien entre cet accident et la lésion de tendinopathie post-traumatique du sus-épineux de l'épaule droite a été reconnu par l'expert judiciaire ; le taux d'invalidité ouvrant droit à pension est ainsi de 10 % et non de 30 % comme l'a retenu le tribunal ;

- en l'espèce, l'expert de l'administration a retenu un taux de 30 %, plus pertinent que le taux de 15 % fixé par l'expert judiciaire dès lors qu'elle est droitière et que l'infirmité la gêne dans la plupart des tâches quotidiennes ;

- à titre subsidiaire, s'il n'était pas fait droit à ses demandes, il conviendrait d'ordonner une nouvelle expertise.

Par ordonnance du 15 septembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée

au 20 octobre 2021.

Par lettre du 12 septembre 2022, les parties ont été informées, en application de

l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour est susceptible de soulever d'office l'irrecevabilité de l'appel de la ministre des armées dès lors que le jugement, qui rejette la demande de pension de Mme C..., ne fait pas grief à l'Etat.

Des observations en réponse à ce moyen d'ordre public ont été présentées par

le ministre des armées le 23 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;

- la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de Mme Gallier, rapporteure publique.

1. Mme C..., aide-soignante au service de santé des armées sous contrats successifs, puis admise à l'état de sous-officier de carrière à compter du 31 décembre 1991 et radiée des cadres pour atteinte de la limite d'âge à compter du 19 février 2013 au grade d'aide-soignante de classe exceptionnelle, a déposé le 10 mai 2011 une demande de pension militaire d'invalidité pour une blessure à l'épaule droite, consécutive à un accident du travail du 14 octobre 2009 inscrit au registre des constatations et blessures. L'expert missionné par l'administration a retenu un taux d'invalidité imputable au service de 30 %, dont 20 % pour une raideur moyenne de l'épaule et 10 % de majoration pour la douleur. Par une décision du 22 juillet 2016, le ministre, suivant l'avis du médecin chargé des pensions militaires d'invalidité, a rejeté la demande de pension en retenant une infirmité de " périarthrite de l'épaule droite chez une droitière : limitation de l'abduction à 90° et de l'antépulsion à 30° " au taux de 10 %, inférieur au minimum indemnisable de 30 % pour une maladie contractée en temps de paix, de sorte qu'il n'y avait pas lieu d'en rechercher l'origine.

2. Mme C... a saisi le tribunal des pensions militaires de Saint-Denis, lequel a ordonné une expertise médicale par un jugement avant dire droit du 13 mars 2018. L'expert judiciaire a retenu un taux de 15 % pour une " tendinopathie post-traumatique du sus-épineux de l'épaule droite chez une droitière ", en lien avec l'accident du 14 octobre 2009. Par un jugement du 29 juin 2020, le tribunal administratif de La Réunion, auquel l'affaire avait été transférée en application de la loi du 13 juillet 2018 susvisée, a annulé la décision du ministre de la défense

du 22 avril 2016 en tant qu'elle impute l'infirmité à une maladie contractée en temps de paix sans recherche de son origine et fixe le taux d'invalidité à 10 %, a substitué à ce fondement du refus celui tiré de ce que " l'infirmité dont se prévaut Mme C... trouve son origine dans une maladie en lien direct avec l'accident dont elle a été victime le 14 octobre 2009 et justifie d'un taux d'invalidité de 15 % ", et a rejeté le surplus de la demande. La ministre des armées relève appel de ce jugement. Mme C... demande à la cour, à titre principal de réformer ce jugement et de juger que l'infirmité résulte de blessures et ouvre droit à une pension au taux de 30 %,

et à titre subsidiaire d'ordonner une nouvelle expertise.

3. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, applicable à la date de la demande de pension : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite (...) d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service (...) ". Aux termes de l'article L. 4 du même code : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. / Il est concédé une pension : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; / 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le degré total d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; / 3° Au titre d'infirmité résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : / 30 % en cas d'infirmité unique ; / (...). "

4. Contrairement à ce que soutient la ministre des armées, le tribunal n'a pas accordé un droit à pension pour une maladie avec un taux d'invalidité inférieur à 30 %, mais au contraire a rejeté la demande de pension de Mme C..., en substituant, comme base légale du refus,

le 2° de l'article L. 4 au 3° du même article retenu par la décision initiale, l'ouverture du droit à pension étant conditionnée dans les deux cas par un taux d'invalidité de 30 % dont les premiers juges, comme l'administration, ont estimé qu'il n'était pas atteint. Par suite, et alors même qu'il a annulé partiellement la décision du 22 juillet 2016 dans son dispositif alors qu'il aurait dû se borner à rejeter la demande de Mme C..., le jugement ne fait pas grief à l'Etat, et l'appel de la ministre des armées est irrecevable.

5. L'irrecevabilité de l'appel principal du ministre des armées entraîne, par voie

de conséquence, celle de l'appel incident de Mme C....

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la ministre des armées et les conclusions d'appel de Mme C... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et à Mme A... D...

épouse C....

Délibéré après l'audience du 11 octobre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 novembre 2022.

La rapporteure,

Anne B...

La présidente,

Catherine GiraultLa greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20BX02878


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX02878
Date de la décision : 03/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : SELARL KER AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-11-03;20bx02878 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award