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08/11/2022 | FRANCE | N°22BX00853

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 08 novembre 2022, 22BX00853


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 1er octobre 2021 par lequel le préfet de Lot-et-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2105709 du 1er février 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 mars 2022,

M. B..., représenté par Me Mercier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 1er févr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 1er octobre 2021 par lequel le préfet de Lot-et-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2105709 du 1er février 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 mars 2022, M. B..., représenté par Me Mercier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 1er février 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté en date du 1er octobre 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Lot-et-Garonne de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la motivation du tribunal est insuffisante ;

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé et l'arrêté est entaché d'un défaut d'examen sérieux ;

- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est entachée d'erreurs de fait ;

- elle est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale, par voie d'exception, en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour sur laquelle elle se fonde ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant fixation du pays de renvoi est illégale, par voie d'exception, en raison de l'illégalité des décisions portant refus d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français sur lesquelles elle se fonde.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juin 2022, le préfet de Lot-et-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 31 mars 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... B..., ressortissant marocain né le 1er septembre 1980 à Thar Es-Souk (Maroc), déclare être entré en France en dernier lieu le 7 janvier 2021, sous couvert d'un titre de séjour portant la mention " travailleur saisonnier " valable du 21 mai 2018 au 20 mai 2021. Le 7 avril 2021, il a sollicité du préfet de Lot-et-Garonne un changement de statut et la délivrance d'un titre de séjour temporaire portant la mention " salarié ". Par un arrêté du 1er octobre 2021, le préfet de Lot-et-Garonne a refusé de lui délivrer ce titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. B... relève appel du jugement du 1er février 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Il ressort de l'examen du jugement attaqué que le tribunal administratif a, au point 11, exposé les raisons pour lesquelles le préfet de Lot-et-Garonne avait pu légalement estimer que l'intéressé n'entrait pas dans le champ des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain. En indiquant que M. B... ne disposait pas d'un contrat visé par les autorités compétentes, le tribunal administratif a mis l'intéressé en mesure de comprendre et de contester utilement l'appréciation portée sur sa situation. Par suite, contrairement à ce que soutient M. B..., le jugement est suffisamment motivé. La circonstance que les premiers juges n'auraient pas tenu compte de pièces versées au dossier par le requérant relève du bien-fondé du jugement et non de sa régularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'arrêté du 1er octobre 2021 pris dans son ensemble :

4. Au soutien des moyens tirés de ce que les décisions portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi, contenues dans l'arrêté contesté, sont entachées d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle, M. B... ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas la réponse apportée par les premiers juges. Il y a lieu de les écarter par adoption des motifs pertinemment retenus par le tribunal.

En ce qui concerne le refus de délivrance d'un titre de séjour :

5. L'article 3 de l'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi stipule que : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable portant la mention " salarié " éventuellement assorties de restrictions géographiques ou professionnelles. / Après trois ans de séjour en continu en France, les ressortissants marocains visés à l'alinéa précédent pourront obtenir un titre de séjour de dix ans (...) ". L'article 9 du même accord stipule que : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord... ". L'accord franco-marocain renvoie ainsi, sur tous les points qu'il ne traite pas, à la législation nationale, en particulier aux dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du code du travail pour autant qu'elles ne sont pas incompatibles avec les stipulations de l'accord et nécessaires à sa mise en œuvre.

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 421-34 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui exerce un emploi à caractère saisonnier, tel que défini au 3° de l'article L. 1242-2 du code du travail, et qui s'engage à maintenir sa résidence habituelle hors de France, se voit délivrer une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " travailleur saisonnier " d'une durée maximale de trois ans. / Cette carte peut être délivrée dès la première admission au séjour de l'étranger. / Elle autorise l'exercice d'une activité professionnelle et donne à son titulaire le droit de séjourner et de travailler en France pendant la ou les périodes qu'elle fixe et qui ne peuvent dépasser une durée cumulée de six mois par an. ". Aux termes de l'article R. 5221-25 du code du travail: " Le contrat de travail saisonnier de l'étranger est visé, avant son entrée en France, par le préfet territorialement compétent (...). / La procédure de visa par le préfet s'applique également lors du renouvellement de ce contrat et lors de la conclusion d'un nouveau contrat de travail saisonnier en France. ". Pour revenir en France après être retourné dans son pays d'origine au terme de son contrat, l'étranger détenteur d'une carte de séjour pluriannuelle en qualité de travailleur saisonnier doit avoir conclu un nouveau contrat de travail saisonnier visé par le préfet.

7. Il ressort des pièces du dossier que M. B... était, le 7 avril 2021, date du dépôt de sa demande de changement de statut et de délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ", en situation irrégulière dès lors qu'il ne justifie pas que sa dernière entrée sur le territoire en date du 7 janvier 2021 aurait été effectuée, conformément à ce qui été dit au point 6, pour l'exécution d'un contrat de travail saisonnier préalablement visé par l'autorité administrative. Dans ces conditions, en mentionnant que, faute d'être entré en France le 7 janvier 2021 muni d'un contrat de travail saisonnier visé par l'autorité administrative, le requérant s'est trouvé en situation irrégulière, le préfet n'a pas entaché sa décision d'erreur de fait.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " d'une durée maximale d'un an. / La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail. (...) ".

9. Alors que la situation des ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France est régie par l'article 3 de l'accord franco-marocain, le préfet a fait application des dispositions de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoyant la délivrance de la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ". Toutefois, lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. En l'espèce, la décision litigieuse trouve son fondement légal dans les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain, qui, comme l'ont retenu les premiers juges, peuvent être substituées aux dispositions de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que cette substitution de base légale, sur laquelle le requérant a pu présenter des observations au cours de la présente instance, ne prive l'intéressé d'aucune garantie. Dans ces conditions, le moyen tiré d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

10. En troisième lieu, d'une part, aux termes de l'article R. 5221-14 du code du travail: " Peut faire l'objet de la demande prévue à l'article R. 5221-11 (...) l'étranger résidant en France sous couvert d'une carte de séjour, d'un récépissé de demande ou de renouvellement de carte de séjour ou d'une autorisation provisoire de séjour ". Aux termes de l'article R. 5221-3 du code du travail : " L'autorisation de travail peut être constituée par l'un des documents suivants : (...) 14° Le contrat de travail ou la demande d'autorisation de travail visés par le préfet, dans l'attente de la délivrance des cartes de séjour mentionnées aux 5°, 6°, 7°, 8° et 9°. Pour l'application de l'article R. 5221-17, les modèles de contrat de travail mentionnés au présent article sont fixés par arrêté du ministre chargé de l'immigration. " Aux termes de l'article R. 5221-11 du même code : " La demande d'autorisation de travail relevant des 5°, 6°,7°, 8°, 9°,9° bis, 12° et 13° de l'article R. 5221-3 est faite par l'employeur. (...) " Aux termes de l'article R. 5221-15 de ce code : " Lorsque l'étranger est déjà présent sur le territoire national, la demande d'autorisation de travail mentionnée à l'article R. 5221-11 est adressée au préfet de son département de résidence. " Enfin, aux termes de l'article R. 5221-17 : " La décision relative à la demande d'autorisation de travail mentionnée à l'article R. 5221-11 est prise par le préfet. Elle est notifiée à l'employeur ou au mandataire qui a présenté la demande, ainsi qu'à l'étranger. "

11. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que la demande d'autorisation de travail présentée par un étranger déjà présent sur le territoire national doit être adressée au préfet par l'employeur. Saisi régulièrement d'une telle demande, le préfet est tenu de l'instruire et ne peut pendant cette instruction refuser l'admission au séjour de l'intéressé au motif que ce dernier ne produit pas d'autorisation de travail ou de contrat de travail visé par l'autorité compétente. Toutefois, aucune stipulation de l'accord franco-marocain ni aucune disposition législative ou réglementaire n'impose au préfet, saisi par un étranger déjà présent sur le territoire national et qui ne dispose pas d'un visa de long séjour, d'examiner la demande d'autorisation de travail ou de la faire instruire par les services compétents du ministère de l'intérieur, préalablement à ce qu'il soit statué sur la délivrance de titre de séjour.

12. D'autre part, aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France ou du livre II, tout étranger âgé de plus de dix-huit ans qui souhaite séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois doit être titulaire de l'un des documents de séjour suivants : / 1° Un visa de long séjour ; / 2° Un visa de long séjour conférant à son titulaire, en application du second alinéa de l'article L. 312-2, les droits attachés à une carte de séjour temporaire ou à la carte de séjour pluriannuelle prévue aux articles L. 421-9 à L. 421-11 ou L. 421-13 à L. 421-24, ou aux articles L. 421-26 et L. 421-28 lorsque le séjour envisagé sur ce fondement est d'une durée inférieure ou égale à un an (...) ". Aux termes de l'article L. 412-1 de ce code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1 ".

13. Si, en vertu de ces dispositions, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire est, en principe, sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par la loi, subordonnée à la production par l'étranger d'un visa d'une durée supérieure à trois mois, il en va différemment pour l'étranger déjà admis à séjourner en France et qui sollicite le renouvellement, même sur un autre fondement, de la carte de séjour temporaire dont il est titulaire. Toutefois, l'étranger admis à séjourner en France pour l'exercice d'un emploi à caractère saisonnier en application des dispositions de l'article L. 421-34 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité, est titulaire à ce titre de la carte de séjour pluriannuelle portant la mention " travailleur saisonnier ", lui donnant le droit de séjourner et de travailler en France pendant la ou les périodes qu'elle fixe et qui ne peut dépasser une durée cumulée de six mois par an, et lui imposant ainsi de regagner, entre ces séjours, son pays d'origine où il s'engage à maintenir sa résidence habituelle. Dans ces conditions, sa demande de délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " d'une durée d'un an doit être regardée comme portant sur la délivrance d'une première carte de séjour temporaire. La délivrance de cette carte est dès lors subordonnée à la production d'un visa de long séjour.

14. En l'espèce, le préfet de Lot-et-Garonne a rejeté la demande de carte de séjour portant la mention " salarié " présentée par M. B... au seul motif que l'intéressé ne produisait pas l'autorisation de travail prévue aux articles L. 5221-12 et suivants du code du travail. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'employeur de M. B... a déposé, au cours de l'instruction de la demande de changement de statut de l'intéressé, une demande d'autorisation de travail conformément aux dispositions précitées du code du travail. Pour établir que la décision attaquée est légale, le préfet invoque, dans son mémoire en défense communiqué à M. B..., un autre motif tiré de ce que ce dernier ne justifiait pas, à la date de cette décision, d'un visa de long séjour exigé par les dispositions précitées pour les ressortissants marocains souhaitant obtenir la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ".

15. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

16. Il ressort des pièces du dossier que M. B... était, à la date de la décision attaquée, toujours titulaire d'un titre de séjour portant la mention " travailleur saisonnier " valable du 21 mai 2018 au 20 mai 2021, le préfet ne l'ayant pas, par la seule lettre du 10 mai 2021, retiré. Dans ces conditions, ainsi qu'il a été dit au point 14, sa demande de délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " d'une durée d'un an devait être regardée comme portant sur la délivrance d'une première carte de séjour temporaire, délivrance qui était dès lors subordonnée à la production d'un visa de long séjour. Il n'est pas contesté que M. B... ne disposait pas du visa long séjour exigé par les textes. Par suite, conformément à ce qui a été dit au point 12, le préfet n'était pas tenu de procéder à l'instruction de la demande d'autorisation de travail déposée le 25 mai 2021 par l'employeur du requérant. Le préfet de Lot-et-Garonne pouvait, au seul motif que M. B... n'était pas titulaire d'un visa long séjour, refuser à ce dernier la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ". En outre, il résulte de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision s'il s'était fondé initialement sur ce motif et que la substitution de motif demandée par le préfet n'a pas privé M. B... d'une garantie procédurale liée au motif substitué. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain doit être écarté.

17. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

18. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré pour la première fois en France en 2005 et a été autorisé à y séjourner périodiquement jusqu'en 2020, année au cours de laquelle il a conclu un contrat à durée indéterminée en qualité de manœuvre dans le secteur du bâtiment. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, qui est sans charge de famille et en situation irrégulière sur le territoire français, n'établit pas, par les pièces qu'il produit, y avoir tissé des liens personnels d'une intensité particulière, alors qu'il n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où résident ses deux enfants et sa mère et où il a vécu habituellement jusqu'à l'âge de 40 ans. Dans ces conditions, et en dépit de la date de sa première entrée en France et de ses efforts d'insertion professionnelle, la décision de refus de titre de séjour en litige ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes raisons, le préfet de Lot-et-Garonne n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation de M. B....

19. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ".

20. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 435-1 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, au sens de l'article 9 de cet accord. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié.

21. Il ne ressort pas des pièces du dossier, au regard des éléments de la situation personnelle de M. B... évoqués au point 19, et en particulier ceux relatifs à son parcours professionnel en France, que le préfet aurait, en refusant de faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation, méconnu les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

22. En premier lieu, il résulte des points 5 à 22 du présent arrêt que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour pour demander l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire.

23. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 19 du présent arrêt, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

24. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire pour demander l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi.

25. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte, ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à Me Mercier et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de Lot-et-Garonne.

Délibéré après l'audience du 12 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Florence Demurger, présidente,

Mme Karine Butéri, présidente-assesseure,

M. Anthony Duplan, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 novembre 2022.

La présidente-rapporteure,

Florence A...

La présidente-assesseure,

Karine Butéri

La greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22BX00853 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00853
Date de la décision : 08/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme DEMURGER
Rapporteur ?: Mme Florence DEMURGER
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : MERCIER

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-11-08;22bx00853 ?
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