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17/11/2022 | FRANCE | N°21BX00485

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 17 novembre 2022, 21BX00485


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... E... a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler la décision du 16 décembre 2019 par laquelle le directeur général du centre hospitalier universitaire (CHU) de Martinique a arrêté la liste d'aptitude pour la promotion au choix au grade d'assistant médico-administratif de classe normale, ainsi que la décision du 2 mars 2020 rejetant son recours gracieux, et d'enjoindre au directeur général du CHU de prendre une nouvelle décision après réexamen de sa situation.

Par un

jugement n° 2000226 du 10 décembre 2020, le tribunal a annulé les décisions

du 1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... E... a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler la décision du 16 décembre 2019 par laquelle le directeur général du centre hospitalier universitaire (CHU) de Martinique a arrêté la liste d'aptitude pour la promotion au choix au grade d'assistant médico-administratif de classe normale, ainsi que la décision du 2 mars 2020 rejetant son recours gracieux, et d'enjoindre au directeur général du CHU de prendre une nouvelle décision après réexamen de sa situation.

Par un jugement n° 2000226 du 10 décembre 2020, le tribunal a annulé les décisions

du 16 décembre 2019 et du 2 mars 2020 et a enjoint au directeur général du CHU de Martinique d'établir une nouvelle liste d'aptitude.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 10 février 2021 sous le n° 21BX00485 et des mémoires enregistrés le 15 juillet 2021 et le 6 mai 2022, le CHU de Martinique, représenté par

la SELARL Berte et Associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de Mme E... ;

3°) de mettre à la charge de Mme E... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il reprend les moyens invoqués en première instance en joignant son mémoire en défense ;

- la note récapitulative sur les missions de Mme E... réalisée par la direction des ressources humaines établit qu'elle réalise des tâches de saisie permettant la prise de décisions auxquelles elle ne participe en aucun cas ; le tribunal, induit en erreur par une présentation très flatteuse des fonctions de l'intéressée, s'est fondé sur une lecture extensive de ces missions ;

- la présentation des dossiers de candidature peut être prise en compte dans le cadre d'une procédure de promotion au choix car elle illustre le professionnalisme des candidats et leur expérience professionnelle ; Mme E... s'est bornée à produire une lettre de candidature et un curriculum vitae, alors que les quatre candidats retenus ont déposé des dossiers de candidature illustrant leur professionnalisme et leur implication au sein de l'établissement ;

- l'avancement au choix repose sur une appréciation de la valeur professionnelle et des acquis de l'expérience ; contrairement à Mme E... qui occupe un poste d'exécution, les candidats retenus avaient des postes à fort niveau de responsabilité, impliquant des prises de décisions autonomes, et présentaient des profils solides en matière juridique, financière et d'interaction avec différentes directions ; les évaluations de Mme E... ne sont pas particulièrement élogieuses, et la note chiffrée, qui a d'ailleurs été ultérieurement supprimée, n'a aucune valeur à elle seule ;

- la valeur professionnelle et les acquis de l'expérience professionnelle des candidats ont été appréciés au regard de la réalité de leurs postes, et le choix retenu n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; le tribunal a fondé sa décision sur plusieurs erreurs de fait et sur une erreur de droit en s'arrêtant à la seule comparaison des notes.

Par des mémoires en défense enregistrés le 17 juin 2021 et le 7 juillet 2022, Mme E..., représentée par la société d'avocats Meier-Bourdeau, Lécuyer et Associés, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge du CHU de Martinique une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la note relative à ses missions, produite par le CHU, confirme l'appréciation du tribunal quant au niveau de responsabilité de ses fonctions ;

- elle a présenté un dossier de candidature conforme à ce qui était indiqué dans l'avis de vacance publié le 13 août 2019, et les dossiers des candidats promus n'étaient pas plus détaillés que le sien ;

- c'est à bon droit que le tribunal a retenu une erreur manifeste d'appréciation après avoir procédé à une comparaison entre ses mérites et ceux des quatre candidats retenus, alors que les responsabilités attachées aux fonctions exercées par les différents candidats sont de même niveau et que le niveau de qualification ne peut être pris en compte à l'occasion de la promotion au choix d'agents appartenant à un même corps.

II. Par une requête enregistrée le 10 février 2021 sous le n° 21BX00487, le CHU de Martinique a demandé à la cour de surseoir à l'exécution du jugement du tribunal administratif de la Martinique n° 2000226 du 10 décembre 2020.

Par une ordonnance du 22 février 2021, la présidente de la 2ème chambre de la cour a rejeté sa demande.

Par une décision n° 450520 du 30 mars 2022, le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi par le CHU de Martinique, a annulé cette ordonnance et a renvoyé l'affaire à la cour où elle a été enregistrée sous le n° 22BX00994.

Par des mémoires enregistrés les 6 mai et 29 août 2022, le CHU de Martinique, représenté par la SELARL Berte et Associés, confirme sa demande de sursis à exécution.

Il soutient que :

- les moyens d'annulation développés dans son recours au fond sont sérieux ;

- l'exécution du jugement lui causerait un préjudice difficilement réparable dès lors qu'il devrait rétrograder dans leurs fonctions antérieures les quatre agents promus au choix, ce qui bouleverserait la carrière des intéressés et désorganiserait le service.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 juillet 2022, Mme E..., représentée par la société d'avocats Meier-Bourdeau, Lécuyer et Associés, conclut au rejet de la requête

et demande à la cour de mettre à la charge du CHU de Martinique une somme de 5 000 euros

au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les moyens invoqués par le CHU de Martinique ne sont pas sérieux ;

- le CHU ne démontre pas que l'exécution du jugement aurait des conséquences difficilement réparables.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 2011-660 du 14 juin 2011 ;

- le décret n° 2011-661 du 14 juin 2011 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de Mme Gallier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le CHU de Martinique a lancé le 13 août 2019 un appel à candidatures afin de pourvoir quatre postes d'assistants médico-administratifs par promotion au choix d'adjoints administratifs hospitaliers. Après avis de la commission administrative paritaire locale qui s'est réunie le 13 décembre 2019 pour examiner les candidatures, le directeur général du CHU, par une décision du 16 décembre 2019, a arrêté la liste des quatre agents promus, constituée de Mme D..., M. A..., M. C... et Mme G.... Mme E..., dont la candidature n'a pas été retenue, a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler cette décision, ensemble la décision du 2 mars 2020 rejetant son recours gracieux, et d'enjoindre au CHU de Martinique de prendre une nouvelle décision après réexamen de sa situation. Par un jugement

du 10 décembre 2020, le tribunal a annulé les décisions du 16 décembre 2019 et du 2 mars 2020

et a enjoint au directeur général du CHU d'établir une nouvelle liste d'aptitude. Le CHU

de Martinique relève appel de ce jugement par la requête n° 21BX00485, et demande qu'il soit sursis à son exécution par la requête n° 22BX00994. Il y a lieu de joindre ces requêtes pour statuer par un seul arrêt.

2. Aux termes de l'article 35 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " En vue de favoriser la promotion interne, les statuts particuliers fixent une proportion d'emplois susceptibles d'être proposés au personnel appartenant déjà à l'administration (...) non seulement par voie de concours (...) mais aussi par la nomination de fonctionnaires (...), suivant l'une ou l'autre des modalités ci-après : (...) 2° Inscription sur une liste d'aptitude établie après avis de la commission administrative paritaire du corps d'accueil, par appréciation de la valeur professionnelle et des acquis de l'expérience professionnelle des agents. (...) ". Aux termes de l'article 4 du décret du 14 juin 2011 portant dispositions statutaires communes à divers corps de fonctionnaires de la catégorie B de la fonction publique hospitalière : " I.- Les recrutements dans le premier grade interviennent selon les modalités suivantes : / (...) / 3° Après inscription sur une liste d'aptitude établie après avis de la commission administrative paritaire compétente : / Peuvent être inscrits sur cette liste d'aptitude les fonctionnaires appartenant à un corps de catégorie C ou de même niveau dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat, justifiant d'au moins neuf années de services publics. (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 14 juin 2011 portant statuts particuliers des personnels administratifs de la catégorie B de la fonction publique hospitalière : " Sont classés dans

la catégorie B les corps des personnels administratifs des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée, ci-dessous énumérés : / (...) 2° Le corps des assistants médico-administratifs. / (...) ". Aux termes de l'article 3 du même décret : " (...) II. - En application des dispositions du 3° du I de l'article 4 du décret du 14 juin 2011 susvisé, les agents du premier grade des corps régis par le présent décret peuvent être recrutés au choix : / 1° Parmi les adjoints administratifs hospitaliers (...) justifiant de neuf années de services publics inscrits sur une liste d'aptitude établie dans chaque établissement après avis de la commission administrative paritaire ; (...) ".

3. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un recours tendant à l'annulation d'un tableau d'avancement, d'analyser les mérites comparés de l'agent qui le conteste et des autres candidats au même grade.

4. Il résulte des dispositions de l'article 35 de la loi du 9 janvier 1986 citées au point 2 que le choix des candidats doit être fondé sur l'appréciation de leur valeur professionnelle et de leurs mérites professionnels. Le CHU de Martinique produit pour la première fois en appel des éléments relatifs aux fonctions exercées par les agents, faisant apparaître que Mme E..., affectée à la direction des ressources humaines, est chargée de tâches d'accueil, de secrétariat, de saisie et de préparation de décisions relatives aux demi-traitements et aux congés de maternité ne nécessitant pas de technicité particulière, tandis que les agents retenus effectuent des tâches plus complexes de gestion des achats (M. C...), de gestion des carrières, de la paie, de la retraite et des contrats de travail (M. A...), de gestion budgétaire et comptable (Mme D...) et de mandataire judiciaire (Mme G...). En outre, si Mme E..., comme M. C..., a obtenu la note maximale de 25 pour les années 2016, 2017 et 2018, tandis que les autres agents inscrits au tableau d'avancement, d'une ancienneté moindre, avaient des notes inférieures, les fiches de notation et d'appréciations que le CHU de Martinique produit pour la première fois en appel permettent de constater une évolution défavorable de Mme E... sur les critères d'évaluation, ainsi que des appréciations littérales plus positives en 2018 pour les agents promus, ce qui démontre qu'ils ont donné satisfaction sur des tâches plus complexes que celles dévolues à Mme E.... Dans ces circonstances, et alors même que Mme E..., qui dispose d'une ancienneté de plus de 27 ans, continue à bénéficier de la note maximale de 25, les mérites comparés des agents ne permettent pas de faire regarder la liste des agents promus comme entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

5. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par Mme E... en première instance.

6. En premier lieu, l'exercice du recours gracieux n'ayant d'autre objet que d'inviter l'auteur de la décision à reconsidérer sa position, les vices propres du rejet du recours gracieux ne peuvent être utilement contestés. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision du directeur général du CHU de Martinique du 2 mars 2020 est inopérant.

7. En second lieu, l'absence d'examen approfondi de la valeur professionnelle de l'ensemble des candidats, qui ne ressort pas des pièces du dossier, ne saurait être déduite du fait que Mme E... n'a pas été inscrite sur la liste d'avancement malgré sa note chiffrée de 25.

8. Il résulte de ce qui précède que le CHU de Martinique est fondé

à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de la Martinique n° 2000226

du 10 décembre 2020, et que la demande présentée par Mme E... devant le tribunal doit être rejetée.

Sur la requête n° 22BX00994 :

9. La cour statuant au fond par le présent arrêt sur les conclusions à fin d'annulation du jugement du tribunal administratif de la Martinique du 10 décembre 2020, les conclusions de la requête n° 22BX00994 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont devenues sans objet.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

10. Mme E... étant la partie perdante, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à sa charge au titre des frais exposés par le CHU de Martinique à l'occasion du présent litige.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de la Martinique n° 2000226

du 10 décembre 2020 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme E... devant le tribunal administratif

de la Martinique est rejetée.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution de la requête n° 22BX00994.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier universitaire de la Martinique

et à Mme F... E.... Des copies en seront adressées pour information à Mme D..., M. A..., M. C... et Mme G....

Délibéré après l'audience du 25 octobre 2022 à laquelle siégeaient :

M. Luc Derepas, président,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2022.

La rapporteure,

Anne B...

Le président,

Luc Derepas

La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

Nos 21BX00485, 22BX00994


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX00485
Date de la décision : 17/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. DEREPAS
Rapporteur ?: Mme Anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : BERTE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-11-17;21bx00485 ?
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