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22/11/2022 | FRANCE | N°22BX00657

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 22 novembre 2022, 22BX00657


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... et Mme B... D... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les décisions implicites nées le 22 octobre 2020 par lesquelles la préfète de la Gironde a refusé de leur délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 2005991, 2005993 du 23 novembre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes qui ont été regardées par le tribunal comme dirigées contre les arrêtés du 7 décembre 2020 par lesquels la préfète de la Gironde a rejeté expliciteme

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... et Mme B... D... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les décisions implicites nées le 22 octobre 2020 par lesquelles la préfète de la Gironde a refusé de leur délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 2005991, 2005993 du 23 novembre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes qui ont été regardées par le tribunal comme dirigées contre les arrêtés du 7 décembre 2020 par lesquels la préfète de la Gironde a rejeté explicitement leurs demandes de titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et leur a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête n°2200657 enregistrée le 24 février 2022, Mme B... D..., représentée par Me Sirol, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 23 novembre 2021 ;

2°) d'annuler la décision implicite de refus de titre de séjour née le 22 octobre 2020 ;

3°) d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2020 de la préfète de la Gironde ;

4°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 80 euros par jour de retard, ou à défaut de réexaminer sa demande, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle et L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué a été pris par une autorité incompétente ;

- à défaut pour la préfète d'établir, en produisant l'arrêté, qu'elle avait pris une décision explicite datée du 7 décembre 2020, rejetant sa demande de titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français, décision dont elle n'a jamais eu communication, la décision implicite de refus de titre de séjour née le 22 octobre 2020 reste entachée d'illégalité à défaut d'être motivée, sa demande de communication des motifs étant restée sans réponse ;

- l'arrêté attaqué a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que :

- il n'est pas établi que le médecin auteur du rapport médical transmis à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) n'a pas siégé au sein du collège des médecins qui a rendu son avis en application des dispositions du 11°) de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vigueur à la date de la décision attaquée ;

- le caractère collégial de la délibération du collège des médecins de l'OFII n'est pas établi ;

- les signatures étant illisibles, il n'est pas établi que l'avis a été signé par chacun des 3 médecins composant le collège ;

- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article L. 311-12 et du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vigueur à la date de la décision attaquée ;

- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vigueur à la date de la décision attaquée et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté attaqué méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vigueur à la date de la décision attaquée et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 avril 2022, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens ne sont pas fondés.

Mme B... D... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 27 janvier 2022.

II. Par une requête n°2200658 enregistrée le 24 février 2022, M. A... D..., représenté par Me Sirol, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 23 novembre 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2020 de la préfète de la Gironde ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 80 euros par jour de retard, ou à défaut de réexaminer sa demande, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne le moyen commun à l'ensemble des décisions attaquées :

- l'arrêté attaqué a été pris par une autorité incompétente ;

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;

- la décision attaquée a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que :

- il n'est pas établi que le médecin auteur du rapport médical transmis à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) n'a pas siégé au sein du collège des médecins qui a rendu son avis en application des dispositions du 11°) de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vigueur à la date de la décision attaquée ;

- le caractère collégial de la délibération du collège des médecins de l'OFII n'est pas établi ;

- les signatures étant illisibles, il n'est pas établi que l'avis ait été signé par chacun des 3 médecins composant le collège ;

- la décision attaquée méconnaît les dispositions de l'article L. 311-12 et du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vigueur à la date à laquelle elle a été prise ;

- la décision attaquée méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la décision attaquée méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision attaquée est entachée d'un défaut de motivation et d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et de l'article 7 de la convention internationale relative aux droits des personnes handicapées ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est entachée d'un défaut de motivation et d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 avril 2022, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens ne sont pas fondés.

M. A... D... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du

27 janvier 2022.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative au droit de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- la convention internationale relative aux droits des personnes handicapées ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- les observations de Me Sirol représentant M. et Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme D..., ressortissants albanais nés les 23 octobre 1981 et 14 novembre 1987, sont entrés en France le 12 février 2018 d'après leurs déclarations. Le 20 mars 2018, ils ont sollicité le bénéfice de l'asile, demande rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 16 mai 2018, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 24 octobre 2018. Les 26 et 27 juillet 2018, ils ont sollicité leur admission au séjour en tant que parents d'un enfant malade sur le fondement des dispositions de l'article

L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur. Par deux arrêtés du 13 mai 2019, la préfète de la Gironde a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par une demande datée du 18 juin 2020, reçue par les services de la préfecture le 22 juin 2020, ils ont de nouveau sollicité leur admission au séjour sur le fondement des mêmes dispositions, ainsi que sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur. Par deux arrêtés du

7 décembre 2020, la préfète de la Gironde a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination, et leur a fait interdiction de retour sur le territoire pendant deux ans. M. et Mme D... relèvent appel du jugement du 23 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de deux décisions implicites de refus de séjour nées

le 22 octobre 2020, demandes qui ont été regardées par le tribunal comme dirigées contre les arrêtés du 7 décembre 2020. Les requêtes n°22BX00657 et n°22BX00658, dirigées contre le même jugement, présentent à juger les mêmes questions et sont relatifs à la situation des membres d'une même famille. Il y a donc lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt.

Sur la légalité de la décision implicite de refus de titre de séjour opposée à

Mme D... :

2. Aux termes de l'article R. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " Le silence gardé par l'administration sur les demandes de titres de séjour vaut décision implicite de rejet ". Aux termes de l'article

R. 311-12-1 du même code : " La décision implicite mentionnée à l'article R. 311-12 naît au terme d'un délai de quatre mois ". D'autre part, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) ". Aux termes de l'article L. 232-4 du même code : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. / Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. (...)".

3. Si, en vertu des articles R. 311-12 et R. 311-12-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le silence gardé par l'administration sur une demande de titre de séjour fait naître, au terme d'un délai de quatre mois, une décision implicite de rejet qui peut être déférée au juge de l'excès de pouvoir, une décision explicite de rejet intervenue postérieurement, qu'elle fasse suite ou non à une demande de communication des motifs de la décision implicite présentée en application des dispositions de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration, se substitue à la première décision. Il en résulte que des conclusions à fin d'annulation de cette première décision doivent être regardées comme dirigées contre la seconde et que, dès lors, celle-ci ne peut être utilement contestée au motif que l'administration aurait méconnu ces dispositions en ne communiquant pas les motifs de sa décision implicite dans le délai d'un mois qu'elles lui impartissent. Les conclusions de Mme D... dirigées contre la décision implicite de rejet antérieure née le 22 octobre 2020 doivent donc être regardées comme dirigées contre la décision explicite du 7 décembre 2020, produite en appel par la préfète de

la Gironde. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision implicite de refus de séjour née le 22 octobre 2020 doit être regardé comme inopérant.

Sur la légalité des arrêtés du 7 décembre 2020 :

En ce qui concerne l'arrêté relatif à M. D... dans son ensemble :

4. M. D... soutient que l'arrêté contesté le concernant a été pris par une autorité incompétente. Toutefois, en reprenant ce moyen dans des termes identiques sans aucune critique du jugement, il n'apporte en appel aucun élément de fait ou de droit nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation du tribunal qui y a pertinemment répondu. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Bordeaux.

En ce qui concerne les décisions de refus de séjour :

5. Aux termes de l'article L. 313-11, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) ". Aux termes de l'article L. 311-12 du même code : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11, ou à l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article

L. 313-2 soit exigée. / L'autorisation provisoire de séjour mentionnée au premier alinéa, qui ne peut être d'une durée supérieure à six mois, est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues au 11° de l'article L. 313-11. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article

R. 313-22. (...) Il transmet son rapport médical au collège de médecins. (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. (...) ". Aux termes de l'article 3 de l'arrêté

du 27 décembre 2016 susvisé : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical, conformément au modèle figurant à l'annexe B du présent arrêté. " Enfin, l'article 6 du même arrêté dispose : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis (...) / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ".

6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier qu'avant de refuser de délivrer une autorisation provisoire de séjour en qualité de parent d'un enfant étranger malade à

M. et Mme D..., la préfète de la Gironde, faisant application de la procédure décrite par les dispositions précitées, a sollicité l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) sur l'état de santé de leur fille B.... Il ressort de la copie des deux avis du collège des médecins de l'OFII et des bordereaux de transmission de ces avis à la préfète, versés aux dossiers par cette dernière, que lesdits avis ont été émis le

9 octobre 2020, sur la base du rapport médical établi le 8 septembre 2020 et transmis

le 14 septembre suivant au collège des médecins de l'OFII, au sein duquel n'a pas siégé le médecin rapporteur. Par ailleurs, l'avis porte la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant ". Cette mention du caractère collégial de l'avis fait foi jusqu'à preuve du contraire qui n'est ici pas rapportée. Enfin, il ressort des pièces du dossier que cet avis a été signé, ainsi que l'indique l'apposition de leurs tampons, par les docteurs Candillier, Netillard et Rouvray. Si, sur la version de l'avis produite par les services de la préfecture, les signatures sont difficilement lisibles, cette circonstance ne permet pas, par elle-même, de regarder M. et Mme D... comme ayant été privés d'une garantie. Par suite, le moyen tiré de ce que les décisions en litige auraient été prises au terme d'une procédure irrégulière doit être écarté en toutes ses branches.

7. En deuxième lieu, en vertu des dispositions citées au point 5, le collège des médecins de l'OFII, dont l'avis est requis préalablement à la décision du préfet relative à la délivrance de la carte de séjour prévue au 11° de l'article L. 313-11, doit émettre son avis dans les conditions fixées par l'arrêté du 27 décembre 2016, au vu notamment du rapport médical établi par un médecin de l'Office. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'OFII. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'OFII, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire. Par ailleurs, pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, au sens de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe.

8. Dans ses deux avis du 9 octobre 2020, le collège de médecins du service médical de l'OFII a estimé que l'état de santé de l'enfant B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Albanie, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, et que son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine. Pour refuser de délivrer à M. et Mme D... l'autorisation provisoire de séjour sollicitée en raison de l'état de santé de leur fille, la préfète de la Gironde s'est appropriée le sens de l'avis précité. Il ressort des pièces du dossier que la jeune B..., âgée de 6 ans à la date de la décision attaquée, souffre d'un trouble du spectre de l'autisme.

M. et Mme D... font valoir qu'elle bénéficie en France d'un suivi particulier au service de pédiatrie du centre hospitalier universitaire de Bordeaux et d'une prise en charge adaptée à sa pathologie par la mise en place de dispositifs spécifiques à domicile et au niveau scolaire. Ils soutiennent qu'elle ne pourra bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine dès lors que l'autisme y est mal pris en charge. Les appelants produisent une attestation de leur médecin traitant albanais datée du 18 mai 2020, selon laquelle " il n'y a pas de centres de soins concernant la dite maladie à la fois par des psycho-pédiatres et des orthophonistes de la fonction publique ", ainsi qu'un extrait des observations du comité des droits des personnes handicapées des Nations-Unies, comité d'experts chargés de surveiller l'application de la convention relative aux droits des personnes handicapées, sur la prise en charge des handicapées en Albanie. Toutefois, ces seuls éléments ne suffisent pas à mettre en doute l'appréciation portée par ledit collège, puis par la préfète de la Gironde, sur le fait que la jeune B... pourra effectivement bénéficier d'un traitement approprié en Albanie. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 311-12 et du 11°) de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur doit être écarté.

9. En troisième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 313-11, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Selon les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. D'autre part, l'article L. 313-14, en vigueur à la date de la décision attaquée, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. ".

11. M. et Mme D... font valoir qu'ils vivent en France depuis février 2018, que leur fille y est scolarisée, qu'elle bénéficie d'un accompagnement adapté à son trouble autistique, et que M. D... justifie d'une promesse d'embauche en contrat à durée déterminée. Toutefois, ces seuls éléments ne suffisent pas à faire regarder les liens qu'ils auraient noués avec la France comme marqués d'une particulière intensité. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier qu'ils ont conservé des attaches dans leur pays d'origine et que rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue en Albanie, pays dans lequel ils ont vécu jusqu'à l'âge de 31 et 37 ans. Dans ces conditions, et alors qu'aucun élément ne permet de considérer que leur admission au séjour répondrait à des considérations humanitaires ou se justifieraient au regard de motifs exceptionnels, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article

L. 313-11 et de l'article L. 313-14, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète aurait entaché les décisions attaquées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle des époux.

12. En quatrième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

13. Comme indiqué au point 8, contrairement à ce que soutiennent les appelants, il ne ressort pas des pièces du dossier que la jeune B... ne pourrait bénéficier d'un traitement adapté à son trouble dans son pays d'origine. Ainsi, et dès lors que les décisions litigieuses n'ont pas pour effet de séparer l'enfant de ses parents, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

14. En cinquième lieu, aux termes des stipulations du 2 de l'article 7 de la convention relative aux droits des personnes handicapées : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants handicapés, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants handicapés dans toutes les décisions les concernant.

15. Compte tenu de ce qui a été exposé au point 8, il ne ressort pas des pièces du dossier que la fille de M. et Mme D... ne pourrait pas bénéficier du traitement approprié à sa maladie et son handicap. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 2 de l'article 7 de la convention internationale relative aux droits des personnes handicapées doit être écarté.

En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français :

16. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français en raison de l'illégalité des décisions de refus de séjour doit être écarté.

17. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. (...) ".

18. Les obligations de quitter le territoire français étant prises en conséquence d'un refus de titre de séjour suffisamment motivé et édicté sur le fondement du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète était dispensée de les motiver de manière distincte. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation des décisions portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

19. En troisième lieu, compte tenu des circonstances exposées au point 11, le moyen tiré de ce que les décisions attaquées méconnaitraient les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

En ce qui concerne les décisions fixant le pays de renvoi :

20. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité des décisions fixant le pays de renvoi du fait de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

En ce qui concerne les décisions d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :

21. En premier lieu, les décisions par lesquelles la préfète de la Gironde a fait interdiction à M. et Mme D... de revenir sur le territoire français pour une durée de deux ans mentionnent le 8ème alinéa du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur. En outre, elles indiquent les conditions d'entrée et de séjour en France des appelants et précisent qu'elles ont été prises notamment, compte tenu du fait que, bien qu'ils ne représentent pas une menace à l'ordre public, ils ont déjà fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement qu'ils n'ont pas exécutée et qu'ils ne justifient pas de la nature et de l'ancienneté de leurs liens avec la France. Ainsi, les décisions attaquées sont suffisamment motivées.

22. En deuxième lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité des décisions attaquées du fait de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi doit être écarté.

23. En troisième lieu, compte tenu des circonstances exposées au point 11 auxquels il convient d'ajouter que M. et Mme D... se sont maintenus irrégulièrement en France depuis

le 13 mai 2019, à défaut d'avoir exécuté la mesure d'éloignement qui les visait, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète de la Gironde aurait entaché ses décisions d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans d'une erreur d'appréciation. Par suite, ce moyen doit être écarté.

24. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande tendant à l'annulation des arrêtés du 7 décembre 2020. Par voie de conséquence, leurs conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes de M. et Mme D... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à Mme B... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 25 octobre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Claire Chauvet, présidente-assesseure,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2022.

La rapporteure,

Héloïse E...

La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°22BX00657, 22BX00658


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00657
Date de la décision : 22/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Héloïse PRUCHE-MAURIN
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : SIROL

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-11-22;22bx00657 ?
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