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30/11/2022 | FRANCE | N°22BX01717

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 30 novembre 2022, 22BX01717


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... et Mme C... D... ont demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler les arrêtés du 3 septembre 2021 par lesquels le préfet de la Haute-Vienne a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2101793, 2101794 du 24 février 2022, le tribunal administratif de Limoges a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

I/ Par une requ

ête, enregistrée sous le numéro 22BX01659 le 18 juin 2022, M. A... E..., représenté par Me Mal...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... et Mme C... D... ont demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler les arrêtés du 3 septembre 2021 par lesquels le préfet de la Haute-Vienne a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2101793, 2101794 du 24 février 2022, le tribunal administratif de Limoges a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

I/ Par une requête, enregistrée sous le numéro 22BX01659 le 18 juin 2022, M. A... E..., représenté par Me Malabre, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 24 février 2022 ;

2°) d'annuler cet arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 3 septembre 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de l'admettre au séjour et au travail ou, à titre subsidiaire, de prendre une nouvelle décision dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, au profit de son conseil, la somme de 1 920 euros au titre de la première instance et la somme de 2 400 euros au titre de l'appel, sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

M. E... soutient que :

- la décision de refus de renouvellement de son titre de séjour a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;

- elle est également entachée de vice de procédure faute pour le préfet de justifier, d'une part, lui avoir remis un dossier comprenant une notice explicative l'informant de la procédure à suivre, d'autre part, que les membres du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ont émis leur avis à la suite d'une délibération collégiale, conformément aux dispositions combinées des articles L. 425-9, R. 425-12 et R. 425-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 ;

- le préfet a entaché sa décision d'erreur d'appréciation au regard de son état de santé et méconnu les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision attaquée est entachée d'erreur d'appréciation et porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par le préambule de la Constitution de 1946, l'article 23 du pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle et d'une erreur d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi sont illégales en conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle et familiale ;

- elles méconnaissent les dispositions des articles L. 611-3 et L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 août 2022, la préfète de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens invoqués par M. E... ne sont pas fondés.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2022/007330 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux du

2 juin 2022.

II/ Par une requête, enregistrée sous le numéro 22BX01717 le 27 juin 2022,

Mme C... D..., représentée par Me Malabre, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 24 février 2022 ;

2°) d'annuler cet arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 3 septembre 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de l'admettre au séjour et au travail ou, à titre subsidiaire, de prendre une nouvelle décision dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, au profit de son conseil, la somme de 1 920 euros au titre de la première instance et la somme de 2 400 euros au titre de l'appel, sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

Mme D... soutient que :

- la décision de refus de titre de séjour a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;

- elle est entachée d'erreur d'appréciation et porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par le préambule de la Constitution de 1946, l'article 23 du pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle et d'une erreur d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision du même jour par laquelle le préfet de la Haute-Vienne a refusé de renouveler le titre de séjour de son compagnon,

M. E... ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi sont illégales en conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle et familiale ;

- elles méconnaissent les dispositions des articles L. 611-3 et L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 août 2022, la préfète de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens invoqués par Mme D... ne sont pas fondés.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2022/007331 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux du 2 juin 2022.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique, a été entendu le rapport de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ressortissant macédonien né le 23 avril 1962, déclare être entré en France en dernier lieu en décembre 2017, accompagné de sa concubine, Mme D..., de même nationalité, née le 20 janvier 1961. M. E... a, le 13 avril 2021, sollicité le renouvellement du titre de séjour qui lui avait été délivré sur le fondement des dispositions, alors en vigueur, du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en raison de son état de santé. Mme D... a, le 23 avril suivant, sollicité son admission au séjour sur le fondement des dispositions du 7° de ce même article. Par deux arrêts du 3 septembre 2021, le préfet de la Haute-Vienne a rejeté leur demande, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de renvoi. M. E... et Mme D... ont demandé au tribunal administratif de Limoges l'annulation de ces arrêtés. Par un jugement du 24 février 2022 dont les requérants relèvent appel, le tribunal, après avoir joint leur requête, a rejeté leur demande.

Sur la jonction :

2. Les requêtes n°s 22BX01659 et 22BX01717, présentées par un couple de ressortissants étrangers, présentent à juger des questions semblables. Compte tenu du lien étroit les unissant, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité de la décision du 3 septembre 2021 refusant de renouveler le titre de séjour de M. E... en raison de son état de santé :

3. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui reprend les anciennes dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du même code : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...) / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".

4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Il résulte de ces dispositions combinées à celles de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016, qu'il appartient à l'autorité administrative de se prononcer sur la demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade au vu de l'avis émis par un collège de médecins, nommés par le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, auquel un rapport médical, relatif à l'état de santé de l'intéressé et établi par un médecin instructeur qui ne siège pas au sein du collège, est préalablement transmis. A cet effet, l'article 1er de ce même arrêté prévoit que " le préfet du lieu où l'étranger a sa résidence habituelle lui remet un dossier comprenant une notice explicative l'informant de la procédure à suivre et un certificat médical vierge, dont le modèle type figure à l'annexe A ". Aux termes de l'article 6 du même arrêté : " (...) Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ".

5. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Haute-Vienne a remis le certificat médical vierge requis par l'article 1er de l'arrêté du 27 décembre 2016 à

M. E... qui l'a revêtu de sa signature le 13 avril 2021. A supposer que le requérant ne se serait en revanche pas vu remettre la notice explicative prévue par ces mêmes dispositions, cette circonstance n'a pas empêché l'intéressé d'adresser au médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le certificat médical établi par son médecin ni le collège de médecins de l'office de rendre un avis sur son état de santé. Dans ces conditions, et alors au demeurant qu'il n'est pas allégué par M. E... qu'il aurait manqué d'informations utiles au cours de la procédure, l'absence de notice explicative n'a pas exercé, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou privé le requérant d'une garantie.

6. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le 28 mai 2021 porte la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant " et a été signé par les trois médecins composant le collège de médecins. Cette mention qui indique le caractère collégial de l'avis, fait foi jusqu'à preuve du contraire, non rapportée en l'espèce.

7. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la procédure médicale et administrative devant le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, aurait été viciée doit être écarté dans ses deux branches.

8. En second lieu, la partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

9. M. E..., qui a levé le secret médical, a produit à l'appui de sa demande en première instance, un certificat établi par un praticien hospitalier du service hépato-gastroentérologie et nutrition du centre hospitalier universitaire de Limoges, le 1er décembre 2021, indiquant qu'il souffre d'une hépatite B associée à une fibrose F2 et à une stéatose, traitée par Tenofovir, qui nécessite une surveillance par bilan biologique trimestriel et échographie abdominale semestrielle, ainsi que des consultations spécialisées tous les six à douze mois, l'arrêt du traitement l'exposant à une évolution vers une fibrose sévère et une cirrhose. Il a produit également un certificat médical d'un médecin généraliste, établi le 15 novembre 2021, ajoutant qu'il présente une hypertension artérielle et qu'il prend à ce titre un traitement chronique, ainsi que la copie d'une ordonnance de ce même médecin du 23 septembre 2021 lui prescrivant du Tenofovir Disoproxil pour une affection de longue durée reconnue, ainsi que du Ramipril, de l'Alfuzozine Chlorhydrate et du paracétamol. Toutefois ces documents, pas plus que le certificat médical établi le 17 juin 2022, soit postérieurement à la décision attaquée, par le même praticien du centre hospitalier universitaire de Limoges, produit pour la première fois en appel, ne comportent aucune indication quant à l'indisponibilité du traitement suivi par le requérant en République de Macédoine du Nord. Dès lors, ils ne sont pas de nature à remettre en cause l'avis émis le 28 mai 2021 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui a estimé que, si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut toutefois bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine et voyager sans risque vers ce pays. Si

M. E... a également produit en première instance une attestation d'une pharmacie macédonienne selon laquelle le Ramipril n'est pas disponible dans ce pays et que l'Amlodipine et le Perindopril Arginine présentent un coût élevé, cette attestation, au demeurant non datée, et à supposer qu'elle présente un caractère d'authenticité suffisant, n'établit toutefois pas que les principes actifs de ces différents médicaments ou bien les molécules d'une classe thérapeutique équivalente ne seraient pas disponibles en République de Macédoine du Nord. Si M. E... se prévaut du titre de séjour dont il a bénéficié du 4 mai 2020 au 3 mai 2021 en qualité d'étranger malade, cette circonstance qui ne permet pas d'établir que les traitements dont l'intéressé avait alors besoin étaient les mêmes que ceux qui lui sont aujourd'hui nécessaires, encore moins que les molécules des médicaments qui lui sont aujourd'hui administrées ne seraient pas disponibles en République de Macédoine du Nord. Dans ces conditions, M. E... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Haute-Vienne aurait fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne les autres moyens soulevés par M. E... et les moyens soulevés par Mme D... à l'encontre des décisions de refus de séjour :

10. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".

11. Pour l'application de ces dispositions et stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

12. Si M. E... et sa compagne, Mme D... font valoir qu'ils résident en France depuis 2010, il ressort des pièces du dossier que leur séjour a été interrompu à plusieurs reprises et qu'ils se sont irrégulièrement maintenus sur le territoire national en dépit de deux mesures d'éloignement prononcées à leur encontre les 7 juin 2013 et 29 juin 2015, dont la légalité a été confirmée par la juridiction administrative. M. E... et Mme D... ont, à la suite à leur assignation à résidence, quitté le territoire français le 27 mai 2016 pour revenir le 6 août suivant. Si les requérants ont exécuté la mesure d'éloignement dont ils ont fait l'objet le 7 avril 2017, ils se sont en revanche maintenus sur le territoire français malgré la nouvelle mesure d'éloignement prononcée par le préfet de la Haute-Vienne à leur encontre le 19 octobre 2018, après le rejet de leur demande de réexamen de leur demande d'asile par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 28 février 2018. Si les requérants se prévalent également de la présence en France de leurs trois enfants, en situation régulière, et de leurs six petits-enfants, de nationalité française, il ressort des pièces du dossier que les trois enfants du couple sont tous majeurs. A cet égard, les attestations de proches produites pour la première fois en appel ne permettent pas de démontrer l'intensité des liens qu'entretiendraient les requérants avec leurs enfants et petits-enfants, pas davantage avec les deux frères que le requérant a déclarés. En outre, M. E... et Mme D... ne justifient d'aucune insertion ni d'aucun projet professionnel précis en vue d'assurer leur insertion économique et sociale en France. Enfin, si Mme D... produit les actes de décès de ses parents, il ne ressort pas pour autant des pièces du dossier que les requérants seraient dépourvus d'attaches familiales en République de Macédoine du Nord, pays où ils ont vécu jusqu'à présent la majeure partie de leur vie. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le préfet de la Haute-Vienne, en refusant de leur délivrer un titre de séjour, aurait porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ces mesures ont été prises. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Pour les mêmes raisons, le moyen tiré de ce que le préfet aurait porté une appréciation manifestement erronée des conséquences de ses décisions sur la situation des requérants doit être écarté.

13. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".

14. Si M. E... et Mme D... se prévalent de leur durée de résidence en France et de la présence de leurs enfants sur le territoire national, ils ne justifient pour autant d'aucune considération humanitaire ni d'aucun motif exceptionnel au sens des dispositions citées au point précédent. Il s'ensuit que le préfet de la Haute-Vienne, qui a procédé à un examen particulier de la situation des intéressés, n'a pas entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation en refusant de délivrer aux requérants un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions.

15. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles (...)

L. 423-23, L. 425-9 (...) à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; (...) / 4° Dans le cas prévu à l'article L. 435-1. ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article

L. 435-1 de ce code : " Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 ". Il résulte de ce qui a été dit au point 9 que M. E... n'établit pas remplir effectivement les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Sa compagne, Mme D... et lui-même n'établissent pas davantage être en situation de bénéficier de plein droit d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 423-23 de ce code. Enfin, il résulte de ce qui a été dit au point 12 que les requérants, qui sont entrés en France en dernier lieu le 11 décembre 2017 ainsi qu'en atteste leur passeport, ne justifient pas résider habituellement sur le territoire national depuis plus de dix ans. Dans ces conditions, le préfet de la Haute-Vienne n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour. Le moyen tiré du vice de procédure doit donc être écarté.

16. En dernier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 9 que Mme D... ne peut, en tout état de cause, invoquer l'illégalité de la décision refusant un titre de séjour à son compagnon en raison de son état de santé pour contester la légalité de la décision de refus de séjour prise à son encontre.

En ce qui concerne la légalité des décisions faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi :

17. En premier lieu, l'illégalité des décisions de refus de séjour n'étant pas établie,

M. E... et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que les décisions par lesquelles le préfet leur a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi seraient illégales par voie de conséquence.

18. En deuxième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas assorti de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. Il doit, par suite, être écarté.

19. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 9 que M. E... n'établit pas l'indisponibilité en République de Macédoine du Nord de structures de soins ou des médicaments nécessaires à son état de santé. En se bornant à invoquer également la situation sanitaire en République de Macédoine du Nord résultant de l'épidémie de Covid, ainsi que l'isolement qui serait le leur en cas de retour dans leur pays d'origine, les requérants, dont la demande d'asile a été rejetée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 17 décembre 2012, n'établissent pas qu'ils seraient exposés à des traitements inhumains ou dégradants. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lequel n'est opérant qu'à l'encontre des décisions fixant le pays de renvoi, doit être écarté.

20. En dernier lieu, pour les mêmes motifs qu'exposés précédemment, les décisions contestées ne sont pas entachées d'une erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur la situation personnelle et familiale de M. E... et Mme D....

21. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. E... et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté leur demande. Leurs conclusions à fin d'annulation de ce jugement et des arrêtés attaqués doivent donc être rejetées de même que, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et celles relatives aux frais d'instance.

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes de M. E... et Mme D... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E..., à Mme C... D..., à Me Malabre et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Florence Demurger, présidente,

Mme Karine Butéri, présidente-assesseure,

M. Anthony Duplan premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 novembre 2022.

Le rapporteur,

Anthony B...

La présidente,

Florence Demurger

La greffière,

Catherine JussyLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22BX01659, 22BX01717


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01717
Date de la décision : 30/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme DEMURGER
Rapporteur ?: M. Anthony DUPLAN
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : MALABRE;MALABRE;MALABRE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-11-30;22bx01717 ?
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