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12/01/2023 | FRANCE | N°22BX02408

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 12 janvier 2023, 22BX02408


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 16 septembre 2021 par lequel le préfet de la Guadeloupe a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de quarante-cinq jours, a fixé le pays de renvoi, lui a interdit le retour sur le territoire national pour une durée d'un an et lui a imposé une obligation de présentation.

Par un jugement n° 2101330 du 5 juillet 2022, modifiée par une ordonnanc

e en rectification d'erreur matérielle du 12 juillet 2022, le tribunal administrat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 16 septembre 2021 par lequel le préfet de la Guadeloupe a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de quarante-cinq jours, a fixé le pays de renvoi, lui a interdit le retour sur le territoire national pour une durée d'un an et lui a imposé une obligation de présentation.

Par un jugement n° 2101330 du 5 juillet 2022, modifiée par une ordonnance en rectification d'erreur matérielle du 12 juillet 2022, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé l'arrêté du 16 septembre 2021 et a enjoint au préfet de la Guadeloupe de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ".

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 août 2022, le préfet de la Guadeloupe demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 5 juillet 2022.

Il soutient que :

- la scolarité de M. A... en classe de terminale ne lui donne aucun droit au séjour dès lors qu'il ne justifie pas d'un visa long séjour tel qu'exigé par l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- au regard de ses attaches privées et familiales sur le territoire français, l'arrêté du 16 septembre 2021 ne porte pas une atteinte grave au respect de sa vie privée et familiale.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 novembre 2022, M. A..., représenté par Me Diallo, conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en exécution de la décision à intervenir, sous astreinte de 75 euros par jour de retard à compter du deuxième mois suivant sa notification, et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors que l'arrêté portant délégation de signature ne lui a pas été communiqué et que l'ordonnance rectificative du 12 juillet 2022 n'a pas été jointe aux pièces communiquées lors de l'appel ;

- les moyens soulevés par le préfet ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant haïtien né le 19 janvier 2003, est entré irrégulièrement sur le territoire français, en octobre 2018 selon ses déclarations. Le 13 avril 2021, il a sollicité un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 16 septembre 2021, le préfet de la Guadeloupe a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de quarante-cinq jours, a fixé le pays de renvoi, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et lui a imposé une obligation de présentation. Le préfet de la Guadeloupe, relève appel du jugement du 5 juillet 2022, par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé cet arrêté et lui a enjoint de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

Sur la recevabilité de la requête d'appel :

2. En application des dispositions combinées des articles R. 412-1 et R. 811-13 du code de justice administrative, la requête d'appel doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée d'une copie du jugement attaqué. Si le préfet de la Guadeloupe n'a pas produit l'ordonnance en rectification d'erreur matérielle du 12 juillet 2022, le dossier de première instance qui avait été demandé au tribunal administratif par le greffe de la Cour puis joint au dossier de la requête d'appel contenait cette ordonnance. Par suite, la fin de non-recevoir tirée du défaut de production de l'intégralité du jugement attaqué ne peut qu'être écartée. Par ailleurs, la circonstance que le requérant n'aurait pas reçu communication de l'arrêté portant délégation de signature, qui au demeurant manque en fait, est sans incidence sur la recevabilité de la requête d'appel.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Pour prononcer l'annulation de l'arrêté du 16 septembre 2021, le tribunal administratif de la Guadeloupe s'est fondé sur le moyen tiré de l'atteinte disproportionnée portée au droit au respect de la vie privée et familiale de M. A... en méconnaissance de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

5. M. A..., âgé de dix-huit ans à la date de l'arrêté attaqué, s'est prévalu en première instance de son entrée sur le territoire français le 15 juillet 2018, à l'âge de seize ans, de la présence en France du cousin de son père en situation régulière sur le sol français et de la poursuite de sa scolarité en classe de terminale pour l'obtention d'un baccalauréat professionnel dans le secteur du bâtiment. Toutefois, la seule production d'une attestation d'hébergement ne saurait suffire pour justifier d'une présence continue sur le territoire français depuis juillet 2018 ni de l'intensité des liens qui l'unirait à la famille du cousin de son père, lequel au demeurant n'a entrepris aucune démarche en vue de l'obtention de l'autorité parentale à la suite du décès du père de M. A... en juillet 2019. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des certificats de scolarité produits en première instance, que M. A... aurait été scolarisé avant juin 2020. S'il ressort des bulletins scolaires du premier et second semestre de la classe de première que M. A... a obtenu une moyenne supérieure à celle de la classe, cette circonstance ne saurait suffire, à elle seule, pour justifier d'une intégration particulièrement notable en France. En outre, eu égard à la courte durée de la scolarité de M. A..., inférieure à deux ans à la date de la décision attaquée, aucun élément du dossier ne permet de considérer qu'il ne pourrait poursuivre sa formation hors de France. Par ailleurs, si M. A... produit les certificats de décès de son père et de sa mère, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait dépourvu de toute autre attache familiale dans son pays d'origine. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour attaqué porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée doit être écarté. Dans ces conditions, le préfet de la Guadeloupe est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de la Guadeloupe a estimé que l'arrêté contesté méconnaissait les dispositions précitées de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par M. A... en première instance.

7. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, le préfet n'a pas fait une appréciation manifestement erronée des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. A....

8. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Guadeloupe est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé son arrêté du 16 septembre 2021 et lui a enjoint, par voie de conséquence, de délivrer à l'intéressé un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Dès lors, ce jugement doit être annulé et les conclusions de première instance présentées par M. A..., ainsi que ses conclusions incidentes à fin d'injonction sous astreinte et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 5 juillet 2022 est annulé.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. A... devant le tribunal administratif de la Guadeloupe et devant la cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera adressée au préfet de la Guadeloupe.

Délibéré après l'audience du 15 décembre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, présidente,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 janvier 2023.

La rapporteure,

Birsen B...La présidente,

Marianne HardyLa greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX02408


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02408
Date de la décision : 12/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Birsen SARAC-DELEIGNE
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : DIALLO

Origine de la décision
Date de l'import : 18/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-01-12;22bx02408 ?
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