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16/02/2023 | FRANCE | N°21BX00344

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 16 février 2023, 21BX00344


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler

la décision du 15 juillet 2019 par laquelle la directrice des ressources humaines du centre hospitalier universitaire (CHU) de La Réunion a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont il a été victime le 4 août 2014, ainsi que la décision implicite de rejet

de son recours gracieux, et d'enjoindre au CHU de reconnaître cette imputabilité.

Par un jugement n° 2000137 du 22 décembre 2020

, le tribunal a annulé la décision

du 15 juillet 2019 et la décision de rejet du recours grac...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler

la décision du 15 juillet 2019 par laquelle la directrice des ressources humaines du centre hospitalier universitaire (CHU) de La Réunion a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont il a été victime le 4 août 2014, ainsi que la décision implicite de rejet

de son recours gracieux, et d'enjoindre au CHU de reconnaître cette imputabilité.

Par un jugement n° 2000137 du 22 décembre 2020, le tribunal a annulé la décision

du 15 juillet 2019 et la décision de rejet du recours gracieux de M. C..., et a enjoint

au CHU de La Réunion de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 4 août 2014.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 janvier 2021, le CHU de La Réunion, représenté par

la SCP Michel Ledoux et Associés, demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. C... devant le tribunal.

Il soutient que :

- l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 relatif à la présomption d'imputabilité au service de l'accident subi dans le temps et sur le lieu du service, issu de l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017, n'est pas applicable aux situations antérieures au 19 janvier 2017, date d'entrée en vigueur de cette ordonnance ; c'est ainsi à tort que le tribunal en a fait application à un accident survenu le 4 août 2014 ;

- la déclaration d'accident a été déposée le 17 avril 2015, plus de 8 mois après l'évènement qui aurait eu lieu le 4 août 2014 ; le rapport hiérarchique établi le 3 juin 2015 par la cadre de santé montre que cette dernière n'avait " aucune traçabilité ni notion " d'un accident

le 4 août 2014 ; l'attestation d'un témoin, isolée et établie le 30 octobre 2019, plus de 5 ans après les faits, ne permet pas d'établir la matérialité de l'accident ; le compte rendu d'admission aux urgences du 4 août 2014 fait état d'une situation conflictuelle avec un collègue sur une longue période, sans aucune référence à un évènement accidentel ou à une altercation ; le rapport d'expertise, postérieur de 3 ans aux prétendus faits, se borne à constater un lien de causalité entre les lésions constatées et le récit de la journée de travail du 4 août 2014 ; c'est ainsi à tort que le tribunal a estimé que la matérialité de l'accident invoqué était établie ;

- la décision du 15 juillet 2019 n'étant entachée ni d'erreur de fait, ni d'erreur d'appréciation, il n'y a pas lieu de prononcer une injonction.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 juillet 2021, M. C..., représenté

par Me Domitile, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge

du CHU de La Réunion une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code

de justice administrative.

Il fait valoir que :

- c'est à bon droit que les premiers juges ont fait application de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, en vigueur à la date de la décision du 15 juillet 2019 ; au demeurant, la présomption d'imputabilité au service d'un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service était admise par une jurisprudence constante avant l'entrée en vigueur de cet article ;

- le CHU, qui a initialement refusé de reconnaître l'imputabilité au service en raison du caractère prétendument tardif de la déclaration d'accident, a contesté la réalité de l'accident lorsque la commission de réforme a émis un avis favorable à la reconnaissance de son imputabilité au service ; si l'administration estimait qu'il existait un doute sur la réalité de l'accident de service, il lui appartenait de diligenter une enquête ; l'attestation particulièrement circonstanciée qu'il produit n'est pas dénuée de valeur probante du seul fait qu'elle a été établie plus de 5 ans après les faits ; l'anxiété aigüe constatée par le psychiatre du service des urgences le 4 août 2014 démontre la réalité de l'accident ; le rapport d'expertise n'avait pas pour objet de se prononcer sur la matérialité de l'accident, mais sur son lien avec le service ;

- l'imputabilité de l'accident au service étant démontrée, la décision du 15 juillet 2019 et la décision de rejet de son recours gracieux sont entachées d'erreur de fait et d'erreur d'appréciation.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de Mme Gallier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., aide-soignant au CHU de La Réunion, alors en congé de maladie depuis le 22 septembre 2014, a déclaré le 17 avril 2015 un accident survenu le 4 août 2014, constitué par une altercation avec un collègue, à la suite de laquelle le service des urgences psychiatriques avait constaté qu'il présentait un état d'anxiété aigüe. Par lettre du 19 mai 2015, le directeur adjoint de l'établissement l'a informé de l'irrecevabilité pour tardiveté de cette déclaration et de la possibilité de transmettre le dossier à la commission de réforme. Lors de sa séance du 28 juin 2018, cette commission a émis un avis favorable à l'imputabilité au service de l'accident survenu le 4 août 2014, et retenu que tous les arrêts de travail constatés depuis cette date étaient justifiés à ce titre. Par une décision du 15 juillet 2019, la directrice des ressources humaines du CHU a refusé de reconnaître cette imputabilité. Après avoir présenté un recours gracieux reçu le 31 octobre 2019, M. C... a saisi le tribunal administratif de La Réunion,

le 13 février 2020, d'une demande d'annulation de la décision du 15 juillet 2019 ainsi que de la décision implicite de rejet de son recours gracieux, et d'injonction au CHU de La Réunion

de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 4 août 2014. Le CHU de La Réunion relève appel du jugement du 22 décembre 2020 par lequel le tribunal a fait droit à l'ensemble

de ces conclusions.

2. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires applicables à la fonction publique hospitalière, dans ses dispositions applicables au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. (...). Toutefois, si la maladie provient (...) d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. (...) ".

3. Un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet événement du service, le caractère d'un accident de service. Constitue un accident de service un évènement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. Il appartient dans tous les cas au juge administratif, saisi d'une décision de l'autorité administrative compétente refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un tel événement, de se prononcer au vu des circonstances de l'espèce.

4. Il ressort des pièces du dossier que le 4 août 2014, M. C..., qui assurait son service sur la plage horaire de 6 h à 12 h 30, a été pris en charge peu avant midi au service des urgences psychiatriques de l'hôpital, où a été constaté " un état d'anxiété aigüe, réactionnelle à une situation conflictuelle avec un collègue, situation qui perdure depuis environ 7 mois ". Il ressort des termes de la décision du 15 juillet 2019 que cette situation conflictuelle se traduisait par de fréquentes altercations, et que les deux protagonistes, qui habitaient dans la même zone, craignaient un passage à l'acte touchant leurs proches. Si l'attestation produite par M. C... a été établie le 30 octobre 2019, alors au demeurant que l'administration ne s'était prononcée au fond sur la demande d'imputabilité au service que le 15 juillet 2019, elle est circonstanciée et fait état d'insultes ainsi que de menaces physiques et verbales à l'encontre de M. C..., dont le témoin de l'altercation décrit l'état de choc. L'existence de l'altercation à l'origine de l'anxiété aigüe médicalement constatée le 4 août 2014 doit ainsi être regardée comme établie, alors même que la cadre de santé n'en a pas été informée. Par suite, le CHU de La Réunion, qui se borne à contester la matérialité de l'accident du 4 août 2014, et non le lien, retenu tant par l'expertise médicale réalisée le 26 septembre 2017 que par la commission de réforme, entre la lésion caractérisée par l'état d'anxiété aigüe et les arrêts de travail de M. C..., n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a annulé la décision du 15 juillet 2019 et lui a enjoint de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 4 août 2014.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CHU de La Réunion une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du CHU de La Réunion est rejetée.

Article 2 : Le CHU de La Réunion versera à M. C... une somme de 1 500 euros au titre

de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier universitaire de La Réunion

et à M. B... C....

Délibéré après l'audience du 24 janvier 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 février 2023.

La rapporteure,

Anne A...

La présidente,

Catherine GiraultLa greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21BX00344


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX00344
Date de la décision : 16/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : CABINET MICHEL LEDOUX ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-02-16;21bx00344 ?
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