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02/03/2023 | FRANCE | N°21BX00629

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 02 mars 2023, 21BX00629


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du 9 mai 2019 par lequel le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse a prononcé à son encontre la sanction de mise à la retraite d'office.

Par un jugement n°1900927 du 24 décembre 2020, le tribunal administratif de la Guyane a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 février 2021, et un mémoire non communiqué enregistré le 30 janvier 2023, le mi

nistre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports demande à la cour :

1°) d'annuler ce...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du 9 mai 2019 par lequel le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse a prononcé à son encontre la sanction de mise à la retraite d'office.

Par un jugement n°1900927 du 24 décembre 2020, le tribunal administratif de la Guyane a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 février 2021, et un mémoire non communiqué enregistré le 30 janvier 2023, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 24 décembre 2020 ;

2°) de rejeter la demande de M. A... devant le tribunal administratif ;

Il soutient que :

- le tribunal a estimé à tort que la sanction était disproportionnée ; au regard de l'exigence d'exemplarité et d'irréprochabilité qui s'applique aux enseignants dans leurs relations avec des mineurs y compris en dehors du service les faits reprochés justifiaient la sanction retenue ;

- les autres moyens soulevés en première instance ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 octobre 2022, M. A..., représenté par Me Charlot, conclut au rejet de la requête et demande qu'il soit enjoint au ministre de le réintégrer et qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de l'État au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés et que la décision est insuffisamment motivée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code pénal ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... D...,

- les conclusions de M. Romain Roussel Cera, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., est professeur certifié de technologie titulaire depuis 2005 et exerce ses fonctions en Guyane. Dans le cadre d'une opération nationale de contrôle en cours de carrière des agents en contact habituel avec des mineurs, l'administration a été informée le 18 juillet 2018 de sa condamnation par un jugement du tribunal correctionnel de Mamoudzou en date du 17 février 2010, confirmé par un arrêt de la chambre d'appel de Mamoudzou du 15 septembre 2011, pour des faits d'importation ou détention d'images de mineures présentant un caractère pornographique commis le 19 juin 2008. Par un arrêté en date du 9 mai 2019, le ministre de l'éducation nationale a prononcé la mise à la retraite d'office de l'intéressé au regard de ces faits. Le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports relève appel du jugement du 24 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de la Guyane a annulé cette décision. M. A... demande, dans le cadre d'un appel incident, qu'il soit enjoint au ministre de la réintégrer dans ses fonctions.

2. Le tribunal a annulé les décisions contestées au motif que la sanction de révocation est disproportionnée par rapport aux faits reprochés à M. A....

3. Il ressort des pièces du dossier et notamment de l'arrêt de la chambre d'appel de Mamoudzou du 15 septembre 2011 que M. A... a été condamné à une peine d'amende de trois mille euros accompagnée de la confiscation des objets saisis, pour s'être rendu coupable des faits d'importation ou détention d'images de mineures présentant un caractère pornographique. Les investigations menées à son encontre ont permis d'établir qu'il a installé un logiciel " peer to peer " sur son ordinateur dès 2005, qu'il a partagé le 19 juin 2008 5 fichiers à caractère pédopornographique référencés par les services d'enquête. La perquisition qui s'est déroulée à son domicile le 1er octobre 2008 a permis de révéler, par l'exploitation de son matériel informatique, qu'il avait en sa possession sur des disques durs externes quatre images à caractère pédophile et un fichier crypté contenant 223 images représentant des adolescentes nues. Si M. A... soutient que les faits précités sont anciens, ces faits n'ont été portés à la connaissance du recteur de l'académie de La Réunion qu'à l'occasion d'une opération nationale de contrôle en cours de carrière des agents en contact habituel avec des mineurs, le 18 juillet 2018, après consultation du fichier national 'automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes, et ont entrainé l'engagement d'une procédure disciplinaire à son encontre dès le 28 octobre 2018. Il ressort également des pièces du dossier que ces faits se sont déroulées au moins de juin à octobre 2008 et que l'intéressé stockait les fichiers à son domicile " parce qu'il les trouvait jolis ". Ainsi, et contrairement à ce que soutient M. A..., les faits en cause ne présentent pas de caractère isolé et se sont déroulés alors qu'il avait été recruté en qualité de professeur certifié en 2005. Si M. A... fait valoir qu'il n'a été condamné qu'à une peine d'amende et qu'il est désormais marié et père de famille, il n'a jamais exprimé de regrets lors de l'enquête de police et au cours de la procédure judiciaire, ni devant le conseil de discipline. Il ressort également des pièces du dossier qu'il a toujours minimisé la gravité de son comportement, estimant qu'il ne souffrait d'aucune addiction ni déviance particulière et que ces faits relevaient de sa vie privée. Enfin, M. A... ne peut sérieusement invoquer l'absence d'intention de se procurer des images montrant des mineures, alors que le mot clé " teen " utilisé impliquait des résultats de recherche comportant des fichiers contenant des images d'adolescentes mineures et que le nom des fichiers téléchargés et proposés en partage étaient dépourvus d'ambiguités s'agissant de leur contenu pédopornographique.

4. Ainsi, eu égard à la durée de la période concernée par les faits précités d'importation et de stockage d'images à caractère pédopornographique alors que M. A..., recruté en 2005, exerçait déjà ses fonctions de professeur de technologie, à la nature desdites fonctions exercées au contact de mineurs, et aux obligations qui incombent au personnel enseignant notamment en termes d'exemplarité et d'irréprochabilité ainsi qu'à la nécessité d'assurer le bon fonctionnement du service public de l'éducation nationale et de préserver sa réputation, le recteur de l'académie de La Réunion a pu, sans erreur d'appréciation, estimer que le comportement de M. A... était incompatible avec l'exercice de ses fonctions et, ainsi, lui infliger la sanction disciplinaire non disproportionnée aux faits de l'espèce de mise à la retraite d'office. Les circonstances que les faits précités n'ont donné lieu qu'à une peine d'amende, que la peine complémentaire d'interdiction d'exercer la profession d'enseignant n'a jamais été infligée à M. A... et qu'il n'y a eu aucun retentissement médiatique, ne sont pas davantage de nature à établir qu'en infligeant à M. A... la sanction disciplinaire de mise à la retraite d'office, le recteur de l'académie de La Réunion aurait pris une sanction disproportionnée à son encontre.

5. Par suite, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a, pour ce motif, annulé la décision contestée.

6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif tant en première instance qu'en appel.

7. En premier lieu, la décision en litige vise les textes applicables et mentionne les décisions du juge pénal, les faits reprochés et indique qu'au regard des obligations qui incombent aux enseignants et aux obligations qui incombent au personnel ainsi qu'à la nécessité d'assurer le bon fonctionnement du service public de l'éducation nationale et de préserver sa réputation et le lien de confiance avec les parents, ces faits étaient incompatibles avec le maintien de l'intéressé dans l'institution, quand bien même ils auraient été commis en dehors du service. Ce faisant, cette décision comporte les circonstances de droit et de fait qui en constituent le fondement, qui ont permis à l'intéressé de la comprendre et de la contester utilement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

8. En deuxième lieu, M. A... fait valoir que la matérialité des faits de détention d'images pédopornographiques n'est pas démontrée s'agissant des photographies d'adolescentes nues. Toutefois d'une part, ainsi qu'il a été dit, les constatations matérielles du juge pénal permettent d'établir la matérialité du téléchargement et du partage de 5 fichiers à caractère pédopornographique référencés, la détention de 4 fichiers pédopornographiques ainsi que le téléchargement de plusieurs fichiers dont le titre renvoyait explicitement à des contenus pédopornographiques. Ainsi, la réalité des faits reprochés de téléchargement et détention d'images pédopornographiques est suffisamment établie. D'autre part, s'agissant des images d'adolescentes nues obtenus par l'usage du mot clé " teen ", le requérant en se bornant à soutenir que la minorité des adolescentes figurant sur ces images n'est pas établie ne démontre pas l'absence de matérialité des faits reprochés, alors que les dispositions de l'article 227-23 du code pénal concernant le fait, en vue de sa diffusion, de fixer, d'enregistrer ou de transmettre l'image ou la représentation d'un mineur lorsque cette image ou cette représentation présente un caractère pornographique " sont également applicables aux images pornographiques d'une personne dont l'aspect physique est celui d'un mineur, sauf s'il est établi que cette personne était âgée de dix-huit ans au jour de la fixation ou de l'enregistrement de son image ". Par suite, ce moyen doit être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Guyane a annulé son arrêté en date du 9 mai 2019. Dès lors, ce jugement doit être annulé et les conclusions de première instance présentées par M. A..., ainsi que ses conclusions incidentes à fin d'injonction sous astreinte et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de la Guyane du 24 décembre 2020 est annulé.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. A... devant le tribunal administratif de la Guyane et devant la cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et à M. B... A....

Délibéré après l'audience du 9 février 2023, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 mars 2023.

La rapporteure,

Christelle D...Le président,

Jean-Claude Pauziès

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX00629 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21BX00629
Date de la décision : 02/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: Mme Christelle BROUARD-LUCAS
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : CHARLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-03-02;21bx00629 ?
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