La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/03/2023 | FRANCE | N°22BX01955

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 23 mars 2023, 22BX01955


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 11 février 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2201270 du 16 juin 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 juillet 2022, Mm

e B..., représentée par Me Rivière, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 11 février 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2201270 du 16 juin 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 juillet 2022, Mme B..., représentée par Me Rivière, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 16 juin 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 11 février 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision refusant le titre de séjour méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que son état de santé nécessite une prise en charge lourde et spécifique dont elle ne peut bénéficier dans son pays d'origine ;

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard à ses attaches personnelles et familiales sur le territoire français et à la gravité de son état de santé ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que l'interruption de son suivi médical emporterait des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle ne peut voyager sans risque à destination de son pays d'origine ;

- les premiers juges ont commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation en refusant d'annuler l'arrêté préfectoral litigieux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 novembre 2022, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 18 juillet 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A... C...,

- et les observations de Me Rivière, représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante géorgienne née le 27 août 1970, est entrée en France le 15 mai 2019. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 10 janvier 2020, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 29 mai 2020. Le 5 août 2020, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour pour raisons de santé. Par un jugement du 11 mars 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 31 décembre 2020 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, et a enjoint à la préfète de délivrer à l'intéressée une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement. Par un arrêt du 19 octobre 2021, la Cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé ce jugement. Le 22 novembre 2021, Mme B... a de nouveau sollicité son admission au séjour pour raisons de santé. Par arrêté du 11 février 2022, la préfète de la Gironde a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme B... relève appel du jugement du 16 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 11 février 2022.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".

3. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'accès effectif ou non à un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

4. Par un avis du 4 février 2022, le collège de médecins de l'OFII a indiqué que si l'état de santé de Mme B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Géorgie et qu'à la date de cet avis, elle peut voyager sans risque vers son pays d'origine.

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... souffre d'une cardiopathie ischémique évoluant dans un contexte d'insuffisance rénale chronique en phase terminale, d'un diabète de type II insulinodépendant, d'une hypothyroïdie et une obésité morbide et que son état de santé nécessite, outre un suivi régulier et un traitement médicamenteux lourd, trois séances d'hémodialyse de quatre heures par semaine. Si les certificats médicaux produits par la requérante pour contester l'avis de l'OFII, établis en dernier lieu les 2 et 9 mars 2022 et 22 février 2023 attestent de la nécessité d'un suivi pluridisciplinaire, ils ne se prononcent pas sur la disponibilité dans le pays d'origine de l'intéressée d'un traitement et de soins adaptés à son état de santé. Si la requérante a été hospitalisée en avril 2022 pour une angine de poitrine, il ne ressort pas de ces certificats qui se bornent à indiquer de manière non circonstanciée que son état de santé ne permet pas de voyager au-delà de courtes distances, qu'elle ne pourrait se rendre en avion dans son pays d'origine. Par ailleurs, si la requérante fait valoir qu'elle est inscrite sur une liste d'attente pour recevoir une greffe de rein et qu'elle ne peut bénéficier d'une greffe d'un donneur décédé dans son pays d'origine, il ressort des certificats médicaux du 30 avril 2019 et 31 mars 2022 établis par le directeur de la clinique de développement en néphrologie de Tbilissi que la greffe de rein est possible par le biais d'un donneur de la famille du patient. A cet égard, la seule mention selon laquelle " la patiente n'a pas de donneur de cette catégorie " contenu dans ces certificats ne saurait suffire pour établir qu'elle ne pourrait bénéficier d'un tel don. En outre, il ne ressort pas du certificat médical du 2 mars 2022 indiquant que " le projet de greffe rénale est pour le moment contrarié par deux évènements cardiaques ischémiques sévères (...) récents et un frein lié à une surcharge pondérale " que la requérante se trouverait dans une situation d'urgence pour la transplantation d'un rein. Si le certificat produit le 22 février 2023 fait état d'une perte de poids, il ressort du certificat de mise à jour sur liste d'attente du 10 février 2023 que l'intéressée est en contre-indication temporaire pour une greffe dans l'attente de la réalisation d'une abdominoplastie et il ne ressort pas des pièces du dossier que cette intervention pourrait être réalisée à court ou moyen terme. Par ailleurs, si les certificats médicaux du 3 mars 2022 et 22 février 2023 font état de la nécessité d'un suivi psychologique du fait de crises d'angoisse liées à son état de santé et à sa situation administrative, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle ne pourrait bénéficier d'un traitement et d'un suivi adaptés dans son pays d'origine. Ainsi, les éléments produits par Mme B... ne permettent pas de remettre en cause l'avis du collège des médecins de l'OFII que la préfète de la Gironde s'est appropriée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

7. Mme B... se prévaut de la durée de son séjour et de ses attaches familiales et personnelles en France. Toutefois, son arrivée en France est récente et il ressort des pièces du dossier qu'elle a vécu en Géorgie jusqu'à l'âge de 49 ans et que ces deux enfants, ses parents ainsi que sa fratrie y résident, alors qu'elle ne justifie d'aucun lien en France en dehors de son époux qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français concomitante. Ainsi, elle ne peut être regardée comme ayant fixé, à la date de l'arrêté en litige, le centre de ses intérêts privés sur le territoire national. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit au point 5, Mme B... ne justifie pas d'une situation médicale dont le suivi et la prise en charge ne pourraient se poursuivre en Géorgie. Par suite, la décision de refus de titre de séjour ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme B... au regard des motifs de ce refus, et le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

8. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".

9. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 que l'état de santé de Mme B... ne fait pas obstacle au prononcé d'une obligation de quitter le territoire à la date de la décision attaquée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 9° de l'article L. 611-3 doit être écarté

10. Il résulte de ce tout qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 février 2022 de la préfète de la Gironde. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 2 mars 2023 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mars 2023.

La rapporteure,

Birsen C...Le président,

Jean-Claude PauzièsLa greffière,

Stéphanie Larrue

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°22BX01955


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01955
Date de la décision : 23/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: Mme Birsen SARAC-DELEIGNE
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : RIVIERE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-03-23;22bx01955 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award