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25/04/2023 | FRANCE | N°21BX02092

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 25 avril 2023, 21BX02092


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler la décision du 8 juillet 2019 par laquelle le directeur du centre hospitalier La Valette a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle à compter du 31 décembre 2016,

et d'enjoindre au centre hospitalier de lui communiquer les documents afférents à la rupture

du contrat, soit le certificat de travail, l'attestation Pôle emploi et tout document nécessaire.

Par un jugement n° 1901627 du 18 mars 2021,

le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler la décision du 8 juillet 2019 par laquelle le directeur du centre hospitalier La Valette a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle à compter du 31 décembre 2016,

et d'enjoindre au centre hospitalier de lui communiquer les documents afférents à la rupture

du contrat, soit le certificat de travail, l'attestation Pôle emploi et tout document nécessaire.

Par un jugement n° 1901627 du 18 mars 2021, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 mai 2021 et un mémoire enregistré

le 24 novembre 2022, Mme C..., représentée par Me Douniès, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 8 juillet 2019 ;

3°) d'enjoindre au centre hospitalier La Valette de lui communiquer les documents afférents à la rupture du contrat, soit le certificat de travail, l'attestation Pôle emploi

et tout document nécessaire ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier La Valette une somme de 3 000 euros

au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête d'appel est suffisamment motivée ;

- la décision est insuffisamment motivée dès lors que le directeur n'a pas justifié par la production d'éléments probants les faits reprochés, lesquels ne sont pas détaillés, et elle n'a pas eu connaissance de l'avis de la commission médicale d'établissement sur lequel se fonde le directeur du centre hospitalier ;

- si le directeur du centre hospitalier lui a opposé le fait qu'elle n'avait pas présenté de demande de communication de son dossier, elle n'avait pas à le faire, et dans les circonstances de l'espèce, elle n'a pas été mise à même de présenter ses observations orales et écrites ;

- les avis du médecin inspecteur régional ou du pharmacien inspecteur régional étaient absents, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 6152-628 du code de la santé publique, ce qui l'a privée d'une garantie ;

- le préavis de deux mois auquel elle avait droit du fait de son ancienneté de plus de deux ans n'ayant pas été respecté, la décision de licenciement doit être annulée ;

- l'équipe médicale a rendu sa vie professionnelle impossible, et alors qu'elle avait conclu quatre contrats successifs avec le centre hospitalier, deux incidents isolés ne sauraient caractériser une insuffisance professionnelle ; contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, la décision est entachée d'erreurs de fait, de droit et d'appréciation ;

- son licenciement est entaché de détournement de pouvoir ;

- dès lors qu'elle ne dispose pas à ce jour des documents afférents à la rupture de son contrat, il y a lieu pour la cour de faire droit à ses conclusions à fin d'injonction.

Par des mémoires en défense enregistrés les 14 février et 8 mars 2022, le centre hospitalier La Valette, représenté par la SCP Dauriat, Pauliat-Defaye, Boucherle, Magne, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de Mme C... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la requête d'appel, qui reproduit celle de première instance, est insuffisamment motivée ;

- les conclusions à fin d'injonction adressées à titre principal à la juridiction sont irrecevables, comme l'a d'ailleurs retenu le tribunal ;

- les moyens invoqués par Mme C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Gallier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Faré, représentant Mme C... et de Me Lagarde, représentant le centre hospitalier La Valette.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... a été recrutée à compter du 10 juillet 2014 par le centre hospitalier spécialisé La Valette en qualité de praticienne hospitalière attachée associée, sous quatre contrats à durée déterminée successifs, le dernier ayant été conclu pour la période du 10 juillet 2015

au 9 juillet 2019. Elle a été licenciée pour insuffisance professionnelle par une décision

du 16 décembre 2016, qu'elle a contestée devant le tribunal administratif de Limoges. Par un jugement n° 1700477 du 13 juin 2019, le tribunal a annulé cette décision pour insuffisance de motivation. Le 8 juillet 2019, le directeur du centre hospitalier La Valette a pris une nouvelle décision de licenciement, avec effet à compter du 31 décembre 2016. Mme C... relève appel du jugement du 18 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande d'annulation de cette dernière décision, et d'injonction au centre hospitalier de lui communiquer les documents afférents à la rupture de son contrat de travail.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Les articles R. 6152-600 à R. 6152-637 du code de la santé publique sont relatifs au statut des praticiens attachés. Aux termes de l'article R. 6152-628 : " L'insuffisance professionnelle consiste en une incapacité dûment constatée du praticien à accomplir les travaux ou à assumer les responsabilités relevant normalement des fonctions de praticien attaché. / L'intéressé est avisé par lettre recommandée du directeur de l'établissement avec demande d'avis de réception de l'ouverture d'une procédure d'insuffisance professionnelle. Il reçoit communication de son dossier et est mis à même de présenter ses observations orales et écrites avec l'assistance d'un défenseur de son choix. / Le praticien attaché ou praticien attaché associé qui fait preuve d'insuffisance professionnelle fait l'objet soit d'une modification de la nature de ses fonctions, soit d'une mesure de licenciement avec indemnité. Ces mesures sont prononcées par le directeur de l'établissement après avis de la commission médicale d'établissement ou, le cas échéant, de la commission médicale d'établissement locale. / En l'absence d'avis de la commission médicale d'établissement rendu dans un délai de deux mois après sa convocation, l'avis de son président est seul requis. / (...) / En cas de licenciement pour insuffisance professionnelle, l'intéressé perçoit une indemnité dont le montant est fixé à la moitié des derniers émoluments mensuels perçus avant le licenciement, multipliée par le nombre d'années de services effectifs réalisés dans l'établissement concerné, dans la limite de douze. Au-delà des années pleines, une durée de service égale ou supérieure à six mois est comptée pour un an ; une durée de service inférieure à six mois n'est pas prise en compte pour le calcul des droits. Sont prises en compte, dès lors qu'elles ont été effectuées de manière consécutive, les fonctions exercées en qualité de praticien attaché ainsi que les fonctions exercées en qualité d'attaché pour les praticiens ayant bénéficié des dispositions de l'article 33 du décret n° 2003-769 du 1er août 2003."

3. En premier lieu, la décision du 8 juillet 2019 fait référence à l'article R. 6152-628 du code de la santé publique ainsi qu'à deux rapports d'évaluation professionnelle et deux fiches d'évènements indésirables qui sont joints, et indique notamment que Mme C... a commis des erreurs de diagnostic, qu'elle a " fait preuve d'affolements se manifestant par des cris et des appels au secours sans prise de décision ", que des familles de patients et des collègues se plaignent de sa manière de servir, qu'elle ne maîtrise pas suffisamment la langue française, et qu'elle manque de motivation, notamment pour la pédopsychiatrie. Selon la fiche d'évènement indésirable du 18 avril 2016, Mme C..., alors de garde, s'est avérée incapable de prendre une décision devant la dégradation de l'état de conscience d'un patient. Elle ne l'a pas ausculté, n'a procédé à aucune évaluation clinique et a demandé à l'infirmière de garde de pratiquer un massage cardiaque, ce qui était inapproprié, le patient n'étant pas en arrêt cardio-respiratoire, et la situation d'urgence vitale a été gérée par l'infirmière de garde, avec un fort sentiment d'insécurité devant l'affolement du médecin. La fiche du 27 avril 2016 se rapporte à une autre garde au cours de laquelle Mme C... a limité la visite d'admission d'une patiente à un entretien à distance, et a prescrit un placement en chambre d'isolement sans auscultation préalable. Enfin, les rapports d'évaluation, émanant d'un praticien hospitalier ayant assuré le tutorat de Mme C... et de la cheffe du pôle de psychiatrie infanto-juvénile de l'établissement, font état d'une absence de progrès en langue française et dans la préparation du diplôme universitaire de psychiatrie, d'un manque d'implication dans le travail, d'un bagage psychopathologique insuffisant pour apprécier les situations cliniques, et d'une incapacité tant à conduire une consultation qu'à rédiger des certificats médicaux. Ainsi, la motivation de la décision est suffisante.

4. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que Mme C... n'aurait pas eu connaissance de l'avis de la commission médicale d'établissement, lequel était joint à la décision du 8 juillet 2019 ainsi qu'il ressort des pièces qu'elle-même produit, n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

5. En troisième lieu, il n'est pas contesté que comme l'indique la décision

du 8 juillet 2019, Mme C..., informée par lettre recommandée de l'ouverture d'une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle et de la possibilité de présenter des observations écrites ou orales, a pris contact avec le service des ressources humaines, et qu'il lui a été demandé de présenter une demande écrite afin de fixer un rendez-vous pour la consultation de son dossier, ce qu'elle n'a pas fait. Ces modalités de consultation n'étaient pas irrégulières, et contrairement à ce qu'elle soutient, Mme C... a été mise à même de présenter utilement ses observations.

6. En quatrième lieu, les dispositions de l'article R. 6152-628 du code de la santé publique ont été abrogées à compter du 1er octobre 2010 en ce qu'elles prévoyaient des avis du médecin inspecteur régional ou du pharmacien inspecteur régional sur les licenciements pour insuffisance professionnelle. Par suite, Mme C... ne peut utilement invoquer l'absence de ces avis.

7. En cinquième lieu, la procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle d'un praticien attaché associé est régie par les dispositions de l'article R. 6152-628 du code de la santé publique citées au point 2, lesquelles ne prévoient pas de préavis de licenciement. Par suite, le moyen tiré de l'absence de préavis est inopérant.

8. En sixième lieu, les faits ayant donné lieu aux fiches d'évènements indésirables

des 18 et 27 avril 2016 ne peuvent être regardés comme des " incidents isolés " dès lors qu'ils mettent en évidence une absence de maîtrise des bases de médecine générale requises pour assurer des gardes en psychiatrie, ce qui est susceptible de mettre en danger la sécurité des patients. Le rapport de la cheffe de pôle du 23 mai 2016 comporte des éléments précis illustrant un manque de connaissances en psychopathologie et une maîtrise insuffisante de la langue française, à l'origine d'interventions inappropriées et d'une incapacité à conduire une consultation, ainsi qu'un comportement désinvolte de Mme C..., caractérisé par des retards fréquents et une participation irrégulière aux ateliers, sans prévenir de ses absences. L'absence de progression en langue française et dans la préparation du diplôme universitaire " psychopathologie enfants et adolescents " ne sont pas contestés. Mme C..., qui ne produit aucune pièce tendant à contredire les rapports concordants de la cheffe de pôle et du praticien hospitalier ayant assuré son tutorat, n'est pas fondée à soutenir que la décision

du 8 juillet 2019 serait entachée d'erreurs de fait, de droit et d'appréciation.

9. En dernier lieu, le licenciement pour insuffisance professionnelle n'étant pas entaché d'erreur d'appréciation, le moyen tiré du détournement de pouvoir doit être écarté.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Le tribunal, qui n'a pas été saisi d'un quelconque refus de transmission à Mme C... des documents afférents à la rupture de son contrat de travail, a rejeté à bon droit comme irrecevables les conclusions à fin d'injonction au centre hospitalier de lui communiquer ces documents, et les mêmes conclusions reprises en appel ne peuvent qu'être rejetées.

11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

12. Mme C..., qui est la partie perdante, n'est pas fondée à demander l'allocation d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre une somme à sa charge au titre des frais exposés par le centre hospitalier La Valette à l'occasion du présent litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier La Valette au titre

de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au centre hospitalier

La Valette.

Délibéré après l'audience du 28 mars 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 avril 2023.

La rapporteure,

Anne A...

La présidente,

Catherine GiraultLa greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21BX02092


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX02092
Date de la décision : 25/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : CLERC

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-04-25;21bx02092 ?
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