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04/05/2023 | FRANCE | N°22BX02632

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 04 mai 2023, 22BX02632


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... H..., M. C... D..., M. A... D... et M. B... D... ont demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler la délibération du 15 juillet 2019 par laquelle le conseil municipal de la commune de Case-Pilote a approuvé son plan local d'urbanisme ainsi que la décision implicite rejetant leur recours gracieux.

Par un jugement n° 2000070 du 7 juillet 2022, le tribunal administratif de la Martinique a annulé la délibération du 15 juillet 2019 et la décision de rejet du recours gracieux. <

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Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 o...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... H..., M. C... D..., M. A... D... et M. B... D... ont demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler la délibération du 15 juillet 2019 par laquelle le conseil municipal de la commune de Case-Pilote a approuvé son plan local d'urbanisme ainsi que la décision implicite rejetant leur recours gracieux.

Par un jugement n° 2000070 du 7 juillet 2022, le tribunal administratif de la Martinique a annulé la délibération du 15 juillet 2019 et la décision de rejet du recours gracieux.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 octobre 2022 et le 7 février 2023, la commune de Case-Pilote, représentée par Me Dumont, demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :

1°) à titre principal d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique en date du 7 juillet 2022 en tant seulement qu'il a annulé la délibération du conseil municipal de la Commune de Case Pilote en date du 15 juillet 2019 portant approbation du PLU aux seuls motif pris de la violation des dispositions des articles L. 300-2 du code de l'urbanisme et R 123-8 du code de l'environnement ;

2°) de rejeter la demande des consorts D... en tant qu'elle comporte les moyens retenus par le tribunal ;

3°) de rejeter les conclusions d'appel incident formées par les consorts D... ;

4°) à titre subsidiaire d'annuler ce jugement en tant qu'il refuse la modulation des effets dans le temps de l'annulation décidée et de prononcer un différé de 36 mois dans le temps des effets de l'annulation ;

5°) de mettre à la charge des requérants de première instance une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative pour les frais exposés tant en première instance qu'en appel.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé s'agissant des considérations de fait qui ont conduit à retenir le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 123-8 du code de l'environnement, et entaché d'une dénaturation des pièces du dossier sur ce point ;

- ce jugement est insuffisamment motivé s'agissant de la réponse à la demande de modulation des effets d'une annulation dans le temps ;

- s'agissant du moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme, le tribunal a entaché son jugement d'une contradiction de motifs, d'une dénaturation des pièces du dossier et d'une erreur de droit ;

- s'agissant du moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 123-8 du code de l'environnement, le tribunal a entaché son jugement d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation ; en effet, à la supposer établie, l'absence de l'avis de la mission régionale de l'autorité environnementale dans le dossier d'enquête publique n'a pas été de nature à fausser l'information du public dès lors que l'essentiel des recommandations émises étaient reprises dans l'avis de la DEAL qui figurait au dossier ;

- une annulation à effet immédiat aurait des effets disproportionnés au regard des enjeux en terme d'urbanisme, de développement urbain et économique ainsi que de préservation des espaces agricoles, qui justifient que les effets d'une éventuelle annulation soient différés de 36 mois ;

- les conclusions d'appel des demandeurs ne portent que sur le moyen tiré de l'absence d'étude environnementale, qui est sans lien voire contradictoire avec celui tiré de l'erreur commise dans le déclassement de leur parcelle en terrain agricole, ce qui pose la question de leur intérêt à agir alors qu'ils n'ont pas le statut d'association ;

- comme le juge des référés l'a retenu dans sa décision de sursis à exécution du jugement attaqué, elle démontre qu'en l'absence de modification substantielle des objectifs et dès lors qu'il s'agissait de prendre en compte les avis émis lors de la procédure, l'absence de nouvelle concertation n'a pas été de nature à priver le public d'une garantie ;

- le moyen tiré de l'absence d'étude environnementale lors de l'enquête publique manque en fait.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 décembre 2022, Mme F... H..., M. C... D..., M. A... D... et M. B... D..., représentées par Me Labejof-Lordinot concluent à ce qu'il soit mis fin au sursis à exécution du jugement attaqué prononcé le 5 décembre 2022, au rejet de la requête et demandent qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de la commune de Case-Pilote au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que les moyens soulevés ne sont pas fondés et reprennent le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 123-12 du code de l'environnement en l'absence de l'évaluation environnementale au dossier d'enquête publique.

Vu l'ordonnance du 5 décembre 2022 par laquelle la présidente de la 1ère chambre de la cour administrative d'appel de Bordeaux a prononcé le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de la Martinique du 7 juillet 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le décret n° 2015-1783 du 28 décembre 2015 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E... G...,

- les conclusions de M. Romain Roussel Cera, rapporteur public,

- et les observations de Me Dumont, représentant la commune de Case-Pilote.

Considérant ce qui suit :

1. Mme F... H..., M. C... D..., M. A... D... et M. B... D..., propriétaires d'un terrain situé dans la commune de Case-Pilote (Martinique), ont demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler la délibération du 15 juillet 2019 par laquelle le conseil municipal de Case-Pilote a approuvé le plan local d'urbanisme de cette commune ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux reçu le 11 octobre 2019. Par un jugement du 7 juillet 2022, dont la commune de Case-Pilote relève appel, le tribunal administratif a annulé ces décisions. Par une ordonnance du 5 décembre 2022, la présidente de la 1ère chambre de la cour a prononcé le sursis à exécution de ce jugement.

Sur les moyens d'annulation retenus :

2. Aux termes des dispositions de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors applicable : " I. Font l'objet d'une concertation associant, pendant toute la durée de l'élaboration du projet, les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées : 1° L'élaboration ou la révision du schéma de cohérence territoriale ou du plan local d'urbanisme (...) / II. Les objectifs poursuivis et les modalités de la concertation sont fixés par : (...) 2° L'organe délibérant de la collectivité ou de l'établissement public dans les autres cas (...) / IV. - Les documents d'urbanisme et les opérations mentionnées aux I, II et III bis ne sont pas illégaux du seul fait des vices susceptibles d'entacher la concertation, dès lors que les modalités définies au présent article et par la décision ou la délibération prévue au II ont été respectées ".

3. Pour l'application de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme à la révision du plan local d'urbanisme, la délibération prescrivant le plan local d'urbanisme doit porter, d'une part, sur les objectifs, au moins dans leurs grandes lignes, poursuivis par la commune en projetant de réviser son document d'urbanisme et, d'autre part, sur les modalités de concertation avec les habitants et les associations locales. Lorsqu'elle a adopté une délibération définissant les modalités de la concertation en prévoyant que celle-ci doit avoir lieu jusqu'à l'arrêt du projet de plan local d'urbanisme, une commune ne peut reprendre la procédure d'élaboration et arrêter un nouveau projet sans le soumettre à une nouvelle concertation. Un tel vice n'est toutefois de nature à entacher d'irrégularité la procédure d'élaboration du projet que si ce vice a été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la délibération approuvant le projet ou s'il a privé le public d'une garantie.

4. Il ressort des pièces du dossier que par une délibération en date du 7 septembre 2010, le conseil municipal de la commune de Case-Pilote a prévu que la concertation serait conduite jusqu'à ce que le projet de plan local d'urbanisme soit arrêté, par la diffusion de plaquettes informatives à destination de la population tout au long de la phase d'élaboration du projet, la mise en place d'expositions portant sur les éléments d'étude au fur et à mesure de l'avancement de la procédure, l'insertion d'une lettre d'information dans le journal communal bimestriel et l'organisation de réunions publiques pour la présentation du projet et du diagnostic. Par une nouvelle délibération du 2 décembre 2013, le conseil municipal de Case-Pilote a tiré le bilan de la concertation préalable et arrêté un premier projet de plan local d'urbanisme. Cependant, après deux avis négatifs rendus sur ce premier projet de plan local d'urbanisme par la commission départementale de consommation des espaces agricoles et les services de l'État les 20 février 2014 et 10 mars 2014, la commune de Case-Pilote a repris la procédure d'élaboration et élaboré un second projet de plan local d'urbanisme, qui a été arrêté par une nouvelle délibération du conseil municipal du 17 octobre 2018. Il ressort des pièces du dossier que si la délibération du 2 décembre 2013 ne fait état que d'une seule exposition et d'une seule réunion publique en plus du débat sur les orientations et les objectifs, les autres modalités de concertation prévues par la délibération du 7 septembre 2010 ont été respectées et qu'une publication a été ajoutée dans le journal " France Antilles ". Par ailleurs, avant l'adoption du second projet de plan local d'urbanisme, le 17 octobre 2018, la commune a procédé à un affichage en mairie de la délibération du 27 mars 2018 sur les orientations du projet d'aménagement et de développement durables, mis un registre à disposition pour recueillir l'avis du public et organisé une permanence tenue par un élu et un responsable du service urbanisme pour présenter le projet. En outre, il ressort des pièces du dossier que les objectifs figurant dans le projet d'aménagement et de développement durables adopté le 17 octobre 2018, ne sont pas substantiellement différents des objectifs définis lors de l'élaboration du premier projet de plan arrêté, la commune s'étant attachée dans le cadre de ce second projet à réorganiser, préciser et mettre en cohérence les objectifs soumis au public lors de la phase de concertation pour tenir compte des remarques figurant dans les avis émis en 2014. Ainsi, alors que l'objet de la concertation est de permettre une discussion sur les objectifs du plan local d'urbanisme avant leur traduction dans le plan local d'urbanisme arrêté qui est soumis à la procédure d'enquête publique, il ressort des pièces du dossier que le public a été informé du diagnostic posé et des objectifs et que la concertation s'est poursuivie durant la reprise de la procédure d'élaboration du plan local d'urbanisme. Dans ce contexte, il ne ressort pas des pièces du dossier que les modalités de la concertation n'auraient pas été respectées lors de la procédure initiale, ni que leur adaptation lors de la procédure de reprise aurait privé le public d'une garantie ou exercé une influence sur le sens de la délibération approuvant le projet définitif. Par suite, c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur ce motif pour annuler la délibération en litige.

5. L'article R. 123-8 du code de l'environnement dispose, dans sa version applicable au litige : " Le dossier soumis à l'enquête publique comprend les pièces et avis exigés par les législations et réglementations applicables au projet, plan ou programme. / Le dossier comprend au moins : / 1° Lorsqu'ils sont requis, l'étude d'impact et son résumé non technique, le rapport sur les incidences environnementales et son résumé non technique, et, le cas échéant, la décision prise après un examen au cas par cas par l'autorité environnementale mentionnée au IV de l'article L. 122-1 ou à l'article L. 122-4, ainsi que l'avis de l'autorité environnementale mentionné au III de l'article L. 122-1 et à l'article L. 122-7 du présent code ou à l'article L. 104-6 du code de l'urbanisme ; (...) ".

6. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances affectant le dossier soumis à enquête publique ne sont susceptibles de vicier la procédure et ainsi d'entacher d'irrégularité l'autorisation que si elles ont eu pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

7. En l'espèce, la seule circonstance que le rapport du commissaire enquêteur, qui évoque de manière générale les avis des personnes publiques, ne vise ni n'analyse spécifiquement l'avis émis par la mission régionale d'autorité environnementale le 28 février 2019, n'est pas à elle seule de nature à établir qu'il n'aurait pas figuré dans le dossier soumis à enquête publique. En outre, alors que cet avis était favorable, son contenu était largement repris dans l'avis des services de l'État, dont il n'est pas sérieusement contesté qu'il était joint au dossier d'enquête publique. Enfin, et à supposer que cet avis n'ait pas été soumis au public au cours de l'enquête publique, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette circonstance ait été de nature à nuire à l'information du public ni à exercer une influence sur les résultats de l'enquête et, ainsi, sur la délibération approuvant le plan local d'urbanisme. Par suite, c'est également à tort que les premiers juges ont considéré que l'enquête publique était irrégulière pour ce motif.

8. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les consorts D....

Sur les autres moyens invoqués :

9. En premier lieu, l'article R. 122-17 du code de l'urbanisme prévoit, dans sa version applicable au litige : " I. - Les plans et programmes devant faire l'objet d'une évaluation environnementale sont énumérés ci-dessous : / (...) 53° Plan local d'urbanisme couvrant le territoire d'au moins une commune littorale au sens de l'article L. 321-2 du code de l'environnement ; (...) ". L'article L. 321-2 du même code, auquel il est ainsi renvoyé, dispose : " Sont considérées comme communes littorales, au sens du présent chapitre, les communes de métropole et des départements d'outre-mer : / 1° Riveraines des mers et océans, des étangs salés, des plans d'eau intérieurs d'une superficie supérieure à 1 000 hectares ; (...) ".

10. En l'espèce, il est constant que la commune de Case-Pilote, qui est riveraine de la mer des Caraïbes, constitue une commune littorale dont le plan local d'urbanisme est soumis à évaluation environnementale. Il ressort des pièces du dossier que, dans le cadre de l'établissement du projet de plan local d'urbanisme qu'elle a arrêté le 17 octobre 2018, la commune de Case-Pilote a établi un rapport d'évaluation environnementale qui a été soumis le 5 décembre 2018, à la mission régionale d'autorité environnementale, qui a rendu son avis le 28 février 2019. Cet avis vise les différents éléments de cette évaluation et précise que " l'évaluation environnementale présentée est globalement conforme à la réglementation " et que " les enjeux environnementaux apparaissent bien intégrés et l'incidence du plan assez bien maîtrisée ". Dans ces conditions, le moyen tiré de l'absence d'évaluation environnementale en méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

11. En deuxième lieu, si le rapport rendu par le commissaire-enquêteur le 31 mai 2019 ne mentionne pas, dans la partie consacrée à la composition du dossier soumis à enquête publique entre le 8 avril 2019 et le 6 mai 2019, que celui-ci comprenait le rapport d'évaluation environnementale, il ressort de l'avis de la mission régionale d'autorité environnementale du 28 février 2019 que ce rapport figurait dans le dossier soumis à enquête publique qu'elle a analysé. En outre, l'analyse du commissaire-enquêteur mentionne le rapport d'évaluation environnementale et s'en approprie les conclusions, sans relever que ce rapport n'aurait pas été joint au dossier soumis à l'enquête publique. Dans ces conditions, la seule circonstance que le rapport du commissaire enquêteur ait omis de viser le rapport d'évaluation environnementale au sein des éléments composant le dossier soumis à l'enquête publique ne suffit pas à établir que ce rapport n'y aurait pas été joint. Par suite, le moyen tiré de ce que l'enquête publique serait irrégulière en l'absence du rapport d'évaluation environnementale dans le dossier d'enquête publique doit être écarté.

12. En troisième lieu, en se bornant à affirmer que le maire et plusieurs élus intéressés ont tenté d'influencer le zonage à leur avantage durant la procédure d'élaboration, les intimés n'apportent aucun élément de nature à établir que la délibération en litige serait intervenue en méconnaissance de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales

13. Aux termes de l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme dans sa version applicable en l'espèce : " Dans le respect des objectifs du développement durable, l'action des collectivités publiques en matière d'urbanisme vise à atteindre les objectifs suivants :1° L'équilibre entre : a) Les populations résidant dans les zones urbaines et rurales ;b) Le renouvellement urbain, le développement urbain maîtrisé, la restructuration des espaces urbanisés, la revitalisation des centres urbains et ruraux, la lutte contre l'étalement urbain ;c) Une utilisation économe des espaces naturels, la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières et la protection des sites, des milieux et paysages naturels ;(...) ". Aux termes de l'article L. 151-1 de ce code : " Le plan local d'urbanisme respecte les principes énoncés aux articles L. 101-1 à L. 101-3. /Il est compatible avec les documents énumérés à l'article L. 131-4 et prend en compte ceux énumérés à l'article L. 131-5. " L'article L. 151-8 de ce code prévoit que " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3 ". L'article R. 151-22 du code de l'urbanisme, applicable en vertu de la délibération du 17 octobre 2018 arrêtant le PLU précise que : " Les zones agricoles sont dites " zones A ". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles ". Enfin l'article R. 151-24 de ce code prévoit : " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : 1° Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique 2° Soit de l'existence d'une exploitation forestière ; 3° Soit de leur caractère d'espaces naturels ; 4° Soit de la nécessité de préserver ou restaurer les ressources naturelles ; 5° Soit de la nécessité de prévenir les risques notamment d'expansion des crues ".

14. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par ce plan local d'urbanisme, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

15. La parcelle B 1879 appartenant aux intimés est classée par le plan local d'urbanisme en litige pour sa partie centrale en zone agricole A1, correspondant aux parcelles agricoles exploitées faisant l'objet d'une protection stricte, et pour le reste en zone N, dont la plus grande partie fait l'objet d'une protection au titre des espaces boisés classés. Il ressort des pièces du dossier et notamment des photographies aériennes que cette parcelle, située de part et d'autre de la crête d'un morne et ne comportant qu'une faible partie plane, est entourée au nord et au sud de la partie centrale par des terrains agricoles et pour le reste par des terrains à l'état naturel et boisés, qu'elle se situe à l'extrême pointe d'une zone d'habitat diffus ne comportant que trois habitations à proximité et s'ouvre sur une vaste zone majoritairement boisée faisant l'objet d'une protection renforcée. Il ressort également des pièces du dossier que le rapport de présentation promeut une gestion maitrisée du foncier en précisant que la " seule reprise des logements vacants (249 en 2015) et le potentiel de densification existant en zones urbaines et à urbaniser, permettront de répondre aux besoins en logements pour la période couverte par le PLU " et que " l'ensemble des emprises non bâties et non équipées, situées en continuité de zones naturelles ou agricoles mais également les espaces cultivés, boisés ou à risques ont été reclassées en zone A (51 hectares) ou en zone N (50.9 hectares) ". Il explique que le classement en zone A1 a pour objectif de protéger les terres agricoles, par la définition d'une réglementation stricte où seules sont autorisées les constructions et installations nécessaires ou liées à l'activité agricole ou celles qui sont nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif, non incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, de lutter contre un éventuel mitage des terres agricoles et de participer au maintien des continuités écologiques. S'agissant de la zone N, il précise qu'elle marque la protection forte des espaces naturels les plus fragiles, ayant une grande valeur de par la richesse de la biodiversité qui y a été observée et intègre toutes les zones naturelles pour lesquelles une protection réglementaire a été définie ou pour lesquelles il existe un inventaire de connaissance de la flore et/ ou de la faune attestant d'une richesse sur le plan botanique et faunistique ainsi que d'autres zones naturelles sans protection réglementaire, caractérisées néanmoins par des boisements denses ainsi que des espaces à fortes pentes notamment les flancs des mornes. Au vu des caractéristiques de la parcelle et des partis d'aménagement retenus, la seule circonstance qu'une partie de cette parcelle était antérieurement constructible du fait de son classement en zone Nb et que le projet d'aménagement et de développement durables prévoit de favoriser l'installation de 594 habitants de plus sur la commune d'ici 2030 ne sont pas de nature à faire regarder la décision comme entachée d'erreur manifeste d'appréciation alors en outre que les orientations du projet d'aménagement et de développement durables prévoient également de circonscrire le développement de l'urbanisation sur les quartiers ruraux déjà constitués, de préserver le tissu agricole sur le territoire communal, de préserver la trame verte et bleue ainsi que les paysages pilotins et de gérer les risques.

16. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens tirés de son irrégularité, que la commune de Case-Pilote est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a annulé la délibération en date du 15 juillet 2019 ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux reçu le 11 octobre 2019.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article R. 811-18 du code de justice administrative :

17. En vertu de ces dispositions : " A tout moment, la juridiction d'appel peut mettre fin au sursis qu'elle a ordonné. ". Dès lors que le présent arrêt annule le jugement du 7 juillet 2022 du tribunal administratif de la Martinique et rejette la demande présentée devant le tribunal par les consorts D..., leurs conclusions tendant à ce qu'il soit mis fin au sursis à exécution prononcé le 5 décembre 2022 sont devenues sans objet.

Sur les frais de l'instance :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Case-Pilote, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par les consorts D... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des consorts D... une somme 1 500 euros à verser à la commune de Case-Pilote en application de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de la Martinique du 7 juillet 2022 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par les consorts D... devant le tribunal administratif de la Martinique est rejetée.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'exécution du jugement visé à l'article 1er ci-dessus présentées par les consorts D....

Article 4 : Les consorts D... verseront une somme de 1 500 euros à la commune de Case-Pilote au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Case-Pilote, à Mme F... H..., à M. C... D..., à M. A... D... et à M. B... D....

Délibéré après l'audience du 13 avril 2023 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 mai 2023.

La rapporteure,

Christelle G...Le président,

Jean-Claude Pauziès

La greffière,

Marion Azam MarcheLa République mande et ordonne au préfet de la Martinique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 22BX02632 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02632
Date de la décision : 04/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: Mme Christelle BROUARD-LUCAS
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : DUMONT

Origine de la décision
Date de l'import : 14/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-05-04;22bx02632 ?
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