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23/05/2023 | FRANCE | N°21BX02391

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 23 mai 2023, 21BX02391


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision implicite du 6 septembre 2018 par laquelle le ministre de l'agriculture a rejeté son recours hiérarchique présenté le 6 juillet 2018 contre la décision du 3 avril 2017 par laquelle le préfet de la Dordogne l'a déchu de ses prêts bonifiés contractés, et d'enjoindre à l'Etat de l'exonérer du paiement des bonifications afférentes aux deux prêts d'un montant de 79 100 euros et 34 000 euros perçus en 2008 ou à titre subs

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision implicite du 6 septembre 2018 par laquelle le ministre de l'agriculture a rejeté son recours hiérarchique présenté le 6 juillet 2018 contre la décision du 3 avril 2017 par laquelle le préfet de la Dordogne l'a déchu de ses prêts bonifiés contractés, et d'enjoindre à l'Etat de l'exonérer du paiement des bonifications afférentes aux deux prêts d'un montant de 79 100 euros et 34 000 euros perçus en 2008 ou à titre subsidiaire d'enjoindre l'Etat à procéder à un nouvel examen de sa situation comptable.

Par un jugement n° 1904201 du 4 mai 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 juin 2021, M. C..., représenté par Me Bertrandon, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 4 mai 2021 ;

2°) d'annuler la décision implicite du 6 septembre 2018 par laquelle le ministre de l'agriculture a rejeté son recours hiérarchique présenté le 6 juillet 2018 contre la décision du 3 avril 2017 par laquelle le préfet de la Dordogne l'a déchu de ses prêts bonifiés contractés ;

3°) d'enjoindre à l'Etat, à titre principal, de l'exonérer du paiement des bonifications afférentes aux deux prêts d'un montant de 79 100 euros et 34 000 euros perçus en 2008 et déclassés par le préfet de la Dordogne par décision du 3 avril 2017, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation comptable.

Il soutient que :

- le recours gracieux formé le 2 juin 2017 n'a pas fait l'objet d'un accusé de réception de la part de l'administration, de sorte qu'il n'a pas eu d'information concernant les mentions de délais et voies de recours, ou encore concernant l'existence d'un délai raisonnable ; le recours hiérarchique formé le 6 juillet 2018 auprès du ministre de l'agriculture et de l'alimentation n'a pas plus fait l'objet d'un accusé de réception mentionnant les délais et voies de recours ; or, son recours hiérarchique a été formé dans le délai de deux mois suite à la demande de paiement du Crédit Agricole effectuée le 2 mai 2018 ; dans ces conditions, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, sa requête n'était pas tardive ;

- il n'a pas été en mesure de respecter les critères fixés par les articles D 343-5 et D. 343-6 du code rural et de la pêche maritime exigeant l'exercice de la profession d'agriculteur à titre principal pendant une durée minimale de cinq ans en raison de circonstances exceptionnelles ; en effet, il a été confronté, comme l'ensemble des agriculteurs du département, à une série de catastrophes naturelles graves, indépendantes de sa volonté ; dans ces conditions, conformément aux dispositions de l'article D 343-18-1 du code rural et de la pêche maritime, la préfète ne peut lui opposer la déchéance des aides publiques dont il a bénéficié ;

- il est fondé à solliciter une remise gracieuse sur le montant des bonifications restant à payer et découlant du déclassement des deux prêts bonifiés qui lui ont été alloués.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 décembre 2022, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la demande de première instance était tardive ;

- aucun des moyens soulevés par M. C... n'est fondé.

Par ordonnance du 16 décembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 19 janvier 2023 à 12h00.

Un mémoire a été enregistré pour M. C... le 2 mars 2023 mais n'a pas été communiqué.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A... B...,

- et les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., agriculteur installé à Savignac depuis le 22 juillet 2008, a bénéficié, par arrêté du 30 juillet 2008 du préfet de la Dordogne, d'une dotation d'installation en tant que jeune agriculteur pour un montant de 16 350 euros, et de deux prêts bonifiés à l'agriculture, de 79 100 euros et de 34 000 euros, pour financer la reprise d'un cheptel et de matériel. Au motif qu'au cours des trois dernières années de son installation, il n'avait pas retiré au moins 50 % de son revenu professionnel global des activités agricoles, la préfète de la Dordogne, par décisions du 3 avril 2017, a prononcé sa déchéance des droits à l'aide à l'installation, demandé à M. C... de rembourser la totalité des sommes perçues et suspendu le versement des bonifications attachées aux prêts à compter du 13 février 2017, entrainant le recouvrement total de la subvention de bonification perçue par l'établissement de crédit depuis le 10 novembre 2008. Le recours administratif formé par M. C... contre ces décisions le 2 juin 2017 a été rejeté par le préfet de la Dordogne par une décision expresse du 3 juillet 2017. Suite au recours formé le même jour contre ces décisions auprès de l'agence de service et de paiement, chargée du recouvrement des sommes, M. C... s'est vu accorder, par lettre du 5 juin 2018, une remise gracieuse à hauteur de la somme de 14 150 euros. Le Crédit Agricole a, le 22 mai 2018, informé M. C... qu'il était tenu de procéder au remboursement des bonifications afférentes à ses prêts pour des montants de 23 371,07 euros et 5 810,04 euros. Le 4 juillet 2018, M. C... a adressé un recours hiérarchique au ministre de l'agriculture et de l'alimentation pour demander la remise gracieuse des bonifications des prêts perçus par l'établissement de crédit. M. C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a rejeté son recours hiérarchique. M. C... relève appel du jugement n° 1904201 du 4 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

2. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance. Cette règle, qui a pour seul objet de borner dans le temps les conséquences de la sanction attachée au défaut de mention des voies et délais de recours, ne porte pas atteinte à la substance du droit au recours, mais tend seulement à éviter que son exercice, au-delà d'un délai raisonnable, ne mette en péril la stabilité des situations juridiques et la bonne administration de la justice, en exposant les défendeurs potentiels à des recours excessivement tardifs. Il appartient dès lors au juge administratif d'en faire application au litige dont il est saisi, quelle que soit la date des faits qui lui ont donné naissance.

3. Il ressort des pièces du dossier que le 2 juin 2017, M. C... a formé contre la décision de la préfète de la Dordogne du 3 avril 2017 prononçant la suspension du versement des bonifications attachées aux prêts restant à courir à compter du 13 février 2017, un recours gracieux, interrompant le délai de recours contentieux. Ce recours gracieux, qui n'a pas fait l'objet d'un accusé de réception comportant les mentions rappelées au point 2 ci-dessus, a été rejeté par décision expresse du 3 juillet 2017, laquelle comportait la mention des voies de recours. Compte tenu de ses échanges ultérieurs avec l'administration, tels que rappelés au point 1, M. C... doit être regardé comme ayant eu connaissance du rejet de son recours gracieux, au plus tôt, le 4 juillet 2018, date à laquelle il a adressé au ministre de l'agriculture et de l'alimentation, par lettre recommandée avec accusé de réception présentée le 6 juillet 2018, un recours hiérarchique, dans lequel il y fait expressément référence. Dans ces conditions, et alors que ni le courrier du Crédit Agricole en date du 22 mai 2018 demandant le remboursement des bonifications afférentes aux prêts de M. C..., ni le recours hiérarchique présenté par M. C..., ni enfin la demande adressée le 13 février 2019 par un député au ministre de l'agriculture et de l'alimentation, n'ont pu avoir pour effet de prolonger le délai de recours contentieux, la demande de première instance, présentée par M. C... le 22 août 2019, soit plus d'un an après que le requérant ait eu connaissance de la décision du 3 avril 2017 et de la décision expresse de rejet de son recours gracieux en date du 3 juillet 2017, est tardive. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande comme étant irrecevable. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions à fin d'injonction.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Délibéré après l'audience du 2 mai 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,

Mme Pauline Reynaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mai 2023.

La rapporteure,

Pauline B...La présidente,

Evelyne BalzamoLe greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX02391


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX02391
Date de la décision : 23/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Pauline REYNAUD
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : BERTRANDON

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-05-23;21bx02391 ?
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